1ère chambre civile
JUGE DE LA MISE EN ETAT
[Z] [S] [L] [M] veuve [I]
c/
[U] [I]
, [W] [I]
copies et grosses délivrées
le
à Me PEIRENBOOM
à Me VERHAEST
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE
N° RG 22/03502 - N° Portalis DBZ2-W-B7G-HSQA
Minute: /2024
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
DU 26 AOUT 2024
A l’audience d’incident du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Béthune de ce Mardi 18 Juin 2024 présidée par Blandine LEJEUNE, juge de la mise en état au tribunal judiciaire de Béthune ;
assisté de Luc SOUPART, greffier principal ;
a été appelée l’affaire entre :
DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DEFENDERESSE A L’INCIDENT
Madame [Z] [S] [L] [M] veuve [I]
née le 04 Juin 1946 à LA BASSEE, demeurant 945 route des Virolets - 74420 BURDIGNIN
représentée par Me Lynda PEIRENBOOM, avocat postulant au barreau de BETHUNE et SELARL SERRATRICE BOGGIO avocats plaidants au barreau de BONNEVILLE
DEFENDEURS AU PRINCIPAL
DEMANDEURS A L’INCIDENT
Madame [U] [I] née le 27 Janvier 1966 à LILLE,
demeurant 5 rue du Docteur Lansac - 65000 TARBES
représentée par Me Johann VERHAEST, avocat au barreau de BETHUNE
Monsieur [W] [I] né le 20 Mars 1971 à LILLE,
demeurant 13 rue François Bouille - 92260 FONTENAY-AUX-ROSES
représenté par Me Johann VERHAEST, avocat au barreau de BETHUNE
DÉBATS:
A la clôture des débats, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ayant été avisées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 26 Août 2024.
Exposé du litige
[J] [I], est décédé le 6 décembre 1996 à Douvrin, laissant pour lui succéder :
-Mme [Z] [M], son épouse survivante
-Mme [U] [I], sa fille issue de sa première union avec Mme [R] [Y]
-M. [W] [I], son fils issu de sa première union avec Mme [R] [Y]
Par jugement du 19 mars 2002, rectifié le 5 novembre 2002 quant aux énonciations de la première page, le tribunal de grande instance de Béthune a :
-ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation partage de la communauté et des successions respectives de M. [J] [I] et de Mme [Y], entre M. [J] [I] et Mme [Z] [M], de M. [J] [I]
-commis M. Dorémieux, Vice-président, pour surveiller ces opérations
-dit qu'il y avait lieu de procéder en premier lieu à la liquidation de la communauté ayant existé entre Mme [V] [E] et M. [I]
-commis M. le Président de la Chambre des Notaires du Pas-de-Calais ou tout notaire désigné par ses soins pour procéder auxdites opérations ainsi qu'à l'inventaire
-désigné M. [O] [X], expert près la Cour d'appel de Douai et Me [P] [T], commissaire-priseur à Béthune pour donner respectivement leur avis sur la valeur des biens immobiliers et pour établir la prisée des biens meubles
-désigné M. [K] [G] pour procéder à l'estimation de parts sociales de la société Multi Technic
-ordonné le versement d'une provision de 3.000 euros à la charge de Mme [M]
Par actes de commissaire de justice en dates des 9 et 21 novembre 2022, Mme [Z] [M] veuve [I] a assigné Mme [U] [I] et M. [W] [I] devant le tribunal aux fins de voir celui-ci, au visa des articles 815, 840 et suivants, 921 et suivants, 1364 et suivants du code civil:
-dire et juger que le tribunal judiciaire de Béthune est compétent territorialement.
En conséquence:
-ordonner le partage et la liquidation de la succession de M. [J] [I], décédé le 6 décembre
1996 à Douvrin;
-désigner Maitre [H] [N], notaire associé à Auchel (62), pour procéder aux opérations de compte,
liquidation et partage de la succession;
Subsidiairement :
-désigner tel notaire qu'il plaira au tribunal pour procéder aux mêmes opérations ;
-dire et juger que le notaire désigné devra aviser sans délai le juge commis de l’acceptation de sa mission ;
commettre le juge de la mise en état pres le tribunal judiciaire de Béthune pour surveiller les opérations
et faire un rapport en cas de difficulté ;
-rappeler que le notaire devra convoquer les parties dans le délai maximum d‘un mois à compter de sa
désignation par le tribunal judiciaire soit par lettre recommandée soit par acte extra-judiciaire ;
-rappeler que le notaire désigné disposera d’une année à compter de sa saisine pour dresser un état
liquidatif contormément à l’article 1368 du code de procédure civile ;
-rappeler que le juge commis peut, à l demande d’une des parties ou du notaire adresser des injonctions
aux parties ou prononcer des astreintes comme le prévoit l’article 1371 du code de procédure civile ;
-rappeler qu‘en cas de défaillance d’un des héritiers, le notaire pourra demander au juge de désigner toute
personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à réalisation complète des opérations de partage ;
-dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
-condamner Mme [U] [I] et M. [W] [I] solidairement entre eux au paiement d'une
somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi
qu'aux entiers depens de la présente instance, lesquels seront distraits au profit de la SELARL
SERRATRICE BOGGIO Avocat, dans les termes de l‘article 699 du code de procédure civile, lesquels
seront employés en frais privilégiés de partage.
Mme [U] [I] et M. [W] [I] ont comparu à l'instance.
L'instruction de la procédure a été confiée au juge de la mise en état qui a été saisi par les consorts [I] suivant conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2023 d'un incident tendant à principalement à l'irrecevabilité des demandes formulées par Mme [M] et subsidiairement à la désignation d'un expert et d'un notaire.
L'incident a reçu fixation pour plaidoiries devant le juge de la mise en état le 18 juin 2024. A l’issue des débats, le délibéré a été fixé au 26 août 2024.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions visées ci-après.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 7 mai 2024, les consorts [I] demandent au juge de la mise en état de:
-juger irrecevable et à défaut débouter Mme [Z] [M] veuve [I] de l'intégralité de ses
prétentions.
Subsidiairement :
-désigner et commettre un expert judiciaire dans le département de la Haute-Savoie (74) pour procéder à
l'évaluation du terrain sur lequel a été érigé le chalet situé à Burdignin, lieu-dit « Leydefeur » en Haute-
Savoie (74), cadastré section B numéro 2093 pour 17 ares et 55 centiares et la valeur actualisée de ce
terrain avec l'immeuble érigé dessus;
-juger que le notaire commis devra reexaminer la reevaluation des parts sociales du défunt [J]
[I] dans la société multi-technique;
-désigner et commettre un autre notaire que Me [H] [N], lequel est le successeur de Maître [F]
[N], à raison des difficultés rencontrées avec cette étude pour établir les opérations de comptes, de
liquidation et partage.
- juger que le notaire devra procéder à la vérification des prétentions de la demanderesse quant à son
compte d'administration;
-condamner Mme [Z] [M] veuve [I] à payer aux concluants la somme de 2000 euros en
application de l'article 700 du code de procédure civile;
-fixer les dépens en frais privilégiés de partage.
Au soutien de leur demande principale, ils se prévalent des dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile. Ils exposent que les demandes formulées par Mme [M] sont irrecevables, en ce que le jugement du 19 mars 2002 a d'ores et déjà procédé à l'ouverture des opérations de partage, concernant la même succession et entre les mêmes parties. Ils ajoutent que Mme [M] a omis d'engager la procédure à l'encontre de la première épouse du défunt, également concernée par la première décision, en ce qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation et au partage du premier régime matrimonial.
Au soutien de leurs demandes subsidiaires, les consorts [I] évoquent l'absence d'accord des parties quant aux opérations de succession. Ils estiment que Me [N], le notaire commis, n'a pas tenu suffisamment compte des conclusions de M. [G] quant à l'estimation des parts sociales. Ils reprochent également au notaire de ne pas avoir retenu leurs observations quant à l'origine des fonds ayant permis l'acquisition d'un bien situé à Burdignin, dont Mme [M] revendique la propriété indivise.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 16 avril 2024 Mme [Z] [M] veuve [I] demande
au juge de la mise en état de :
-débouter M. [W] [I] et Mme [U] [I] des fins de leur incident ;
Subsidiairement, dire et juger que Mme [M]-[I] ne s’oppose pas à la désignation de l’expert,
selon mission indiquée ;
-dire et juger qu’il appartiendra aux consorts [I] de faire l’avance des honoraires de l’expert dont ils
réclament la désignation ;
-débouter les consorts [W] et [U] [I] de leur demande au titre de l’article 700 du code
procédure civile ;
-dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
En réponse aux moyens au soutien de l'irrecevabilité de ses demandes, Mme [M] précise qu'aux termes de son procès-verbal de lecture, état liquidatif et dire, Me [N] a constaté l'accord des parties quant à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre Mme [Y] et le défunt. Elle estime en conséquence que Mme [Y] n'avait pas à être assignée, n'ayant pas la qualité de successible de M. [I].
Par ailleurs, elle estime que le jugement du 19 mars 2002 ayant ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de M. [I] est atteint de péremption.
En réponse à la demande subsidiaire des consorts [I], Mme [M] indique ne pas être opposée à la désignation d'un nouvel expert, selon la mission proposée par les demandeurs à l'incident.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité des demandes de Mme [M]
L'article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est par ailleurs précisé que l'article 12 du décret n°2006-1805 du 23 décembre 2006 relatif à la procédure en matière successorale et modifiant certaines dispositions de procédure civile, prévoit que ses dispositions relatives aux successions sont applicables aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date dans la mesure où la loi du 23 juin 2006 susvisée leur est également applicable.
Or, la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, prévoit en son article 47, II, que :
Les dispositions des articles 2, 3, 4, 7 et 8 de la présente loi ainsi que les articles 116, 466, 515-6 et 813 à 814-1 du code civil, tels qu'ils résultent de la présente loi, sont applicables, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date.
Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.
Les autres dispositions de la présente loi sont applicables aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt antérieurement à celle-ci.
L'article 3 de ladite loi vise notamment les dispositions de l'article 837 du Code civil.
Il en résulte que les modifications apportées à cet article ne sont pas applicable aux successions ouvertes non encore partagées lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi.
L'article 837 du Code civil alors en vigueur dispose que s i, dans les opérations renvoyées devant un notaire, il s'élève des contestations, le notaire dressera procès-verbal des difficultés et des dires respectifs des parties, les renverra devant le commissaire nommé pour le partage ; et, au surplus, il sera procédé suivant les formes prescrites par les lois sur la procédure.
En application de ces dispositions, il y a lieu en cas de désaccord persistant entre les parties, de faire établir par le notaire un procès-verbal de difficultés, adressé au juge commis.
En l'espèce, il est constant que, par jugement du 19 mars 2002, le tribunal judiciaire de Béthune a d'ores et déjà ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des régimes matrimoniaux successifs, ainsi que des opérations de succession.
Il est également constant que Me [N] a été désigné pour procéder auxdites opérations, par la Chambre départementale des notaires.
Les parties produisent notamment au débat un procès-verbal d'état liquidatif et de dires établi par Me [N] le 16 mai 2012, comportant approbation partielle de la communauté [I]-[Y] et non-approbation de la communauté [I]-[M].
Aucune disposition légale ne permet de considérer que le jugement du 19 mars 2002 serait atteint de péremption, en dépit de son ancienneté.
En conséquence, Mme [M] sera déclarée irrecevable en l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre des consorts [I], en raison de la chose jugée.
Sur les frais du procès
Les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de partage.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible d'appel ;
DECLARE IRRECEVABLES l'ensemble des demandes formulées par Mme [Z] [M] à l'encontre de Mme [U] [I] et M. [W] [I]
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage
REJETTE la demande formulée par Mme [U] [I] et M. [W] [I] au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Le Greffier Le Juge de la mise en état