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04/06/2024 | FRANCE | N°23/00434

France | France, Tribunal judiciaire de Béthune, 1ère chambre civile, 04 juin 2024, 23/00434


1ère chambre civile

[W] [F]
, [C] [F]

c/
S.A. SIA HABITAT
























copies et grosses délivrées
le

à Me PIRET (DOUAI)
à Me LORTHIOIS (LILLE)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE

N° RG 23/00434 - N° Portalis DBZ2-W-B7H-HUW3
Minute: /2024


JUGEMENT DU 04 JUIN 2024


DEMANDEURS

Madame [W] [F]
née le 11 Avril 1980 à ARRAS (PAS-DE-CALAIS), demeurant Résidence de la Gare, 8 Allée des Fauvettes - 62790 LEFOREST

représentée

par Me Rodolphe PIRET, avocat au barreau de DOUAI

Monsieur [C] [F]
né le 15 Mars 1988 à DOUAI (NORD), demeurant Résidence de la Gare, 8 Allée des Fauvettes - 62790 LEFOREST

représenté par Me Rodolphe PIRET, a...

1ère chambre civile

[W] [F]
, [C] [F]

c/
S.A. SIA HABITAT

copies et grosses délivrées
le

à Me PIRET (DOUAI)
à Me LORTHIOIS (LILLE)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE

N° RG 23/00434 - N° Portalis DBZ2-W-B7H-HUW3
Minute: /2024

JUGEMENT DU 04 JUIN 2024

DEMANDEURS

Madame [W] [F]
née le 11 Avril 1980 à ARRAS (PAS-DE-CALAIS), demeurant Résidence de la Gare, 8 Allée des Fauvettes - 62790 LEFOREST

représentée par Me Rodolphe PIRET, avocat au barreau de DOUAI

Monsieur [C] [F]
né le 15 Mars 1988 à DOUAI (NORD), demeurant Résidence de la Gare, 8 Allée des Fauvettes - 62790 LEFOREST

représenté par Me Rodolphe PIRET, avocat au barreau de DOUAI

DEFENDERESSE

S.A. SIA HABITAT, dont le siège social est sis 67 avenue des Potiers - 59505 DOUAI

représentée par Me Thierry LORTHIOIS, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Présidente : LAMBERT Sabine, Vice-présidente, siègeant en Juge Unique

Assistée lors des débats de SOUPART Luc, greffier principal.

DÉBATS:

Vu l’ordonnance de clôture en date du 16 Février 2024 fixant l’affaire à plaider au 02 Avril 2024 à l’audience de juge unique.

A la clôture des débats, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été avisées que le jugement serait mis à la disposition au Greffe au 04 Juin 2024.

La décision ayant été prononcée par jugement contradictoire et en premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 18 octobre 1995, la SA SIA Habitat a acquis auprès des Charbonnages de France un ensemble immobilier non bâti d’une contenance de 1ha, 48a et 86 ca, figurant au cadastre rénové de la commune de Leforest section AH 482 au lieudit « cité Duquesnoy » et « le bois Duquesnoy » comprenant 24 parcelles dont la parcelle numérotée 482.

Par acte notarié en date 19 août 2019, M. [C] [F] et Mme [W] [G] épouse [F] ont acquis auprès de la SA SIA Habitat, une maison à usage d'habitation sise 8 allée des Fauvettes à Leforest et érigée sur la parcelle cadastrée section AH 1151 moyennant un prix de 109.200 euros. Cet acte précise que l‘immeuble est détaché d’une parcelle mère cadastrée section AH 1087 divisée en 8 parcelles filles dont la parcelle cadastrée AH 1151.

En effectuant des travaux de débroussaillage de leur jardin, les acquéreurs ont découvert un regard recouvert par plusieurs centimètres de terre végétale, sous lequel se trouvait une canalisation d'un diamètre de 2 mètres environ, cette canalisation traversant la totalité de leur jardin.

Par courrier en date du 26 septembre 2019, ils ont sollicité de SIA Habitat une réduction du prix de vente du bien ou le déplacement de la canalisation à ses frais.

Après expertise amiable par l‘assurance de protection juridique des acquéreurs, Polyexpert et compte tenu des difficultés d’évaluation des préjudices, la SA SIA Habitat a proposé que M. [X], expert auprès des tribunaux, procède à une nouvelle expertise, dont les conclusions ont été rendues le 1er décembre 2020.

Par acte de commissaire de justice en date du 23 janvier 2023, M. [C] [F] et Mme [W] [G] ont assigné la SA SIA Habitat devant le tribunal judiciaire de Béthune d’une action en réparation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1638 et suivants du code civil.

La SIA Habitat a comparu à l‘instance.

L'instruction de la procédure a été confiée au juge de la mise en état qui a ordonné sa clôture le 21 février 2024 et qui a fixé l'affaire pour plaidoiries à l'audience des débats du 02 avril 2024 devant le juge unique. A l'issue des débats, le prononcé de la décision a été reporté pour plus ample délibéré au 04 juin 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions visées ci-après.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, M. [C] [F] et Mme [W] [G] demandent au tribunal, au visa des articles 1638 et suivants du code civil, R. 212-1 du code de la consommation, de :
-juger abusive la clause de l'acte notarié en date du 19/08/2019, relative à l'obligation pour l'acquéreur de souffrir des servitudes passives apparentes continues ou discontinues pouvant grever le bien vendu sauf à s’en défendre et à profiter en retour de celles actives de même nature, le tout s'il en existe, à ses risques et périls ;
-en conséquence, la déclarer non opposable aux époux [F] ;
-recevoir M. et Mme [F] en leur action et y faire droit ;
-juger que la SIA Habitat en qualité de vendeur, n'a pas informé les époux [F] de la charge liée à la présence d’une canalisation d’évacuation des eaux usées figurant sur l'immeuble qu'ils ont acquis le 19/08/2019 situé 8 rue des Fauvettes 62790 à Leforest ;
-juger la SIA Habitat responsable du préjudice subi par les époux [F] du fait de l'existence de la servitude de raccordement des eaux usagées figurant sur leur immeuble situé 8 rue des Fauvettes 62790 à Leforest ;
-condamner SIA Habitat à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] les sommes de :
• 10.920 euros au titre de la perte de chance subie lors de l'acquisition du bien,
• 10.920 euros au titre du préjudice de jouissance actuelle,
• 21.840 euros au titre de la perte de chance de revendre le bien au meilleur prix,
-condamner la SIA Habitat à payer à M. [C] [F] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
-condamner la SIA Habitat à payer à Mme [W] [G] épouse [F] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
-condamner la SIA HABITAT à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] épouse [F] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement, dans le cas où le Tribunal considérerait que la clause de servitude figurant dans l'acte est régulière ;
-juger que la servitude existante est aggravée par rapport à celle visée dans l'acte notarié ;
Vu les dispositions de l'article 702 du code civil ;
-juger que la servitude de canalisation des eaux prévue dans la convention du 3/09/1982 est aggravée ;
-juger que la responsabilité de la société SIA est engagée de ce fait ;
-condamner SIA Habitat à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] les sommes de :
• 10.920 euros au titre de la perte de chance subie lors de l'acquisition du bien,
• 10.920 euros au titre du préjudice de jouissance actuelle,
• 21.840 euros au titre de la perte de chance de revendre le bien au meilleur prix,
-condamner la SIA Habitat à payer à M. [C] [F] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
-condamner la SIA Habitat à payer à Mme [W] [G] épouse [F] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
-condamner la SIA HABITAT à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre infiniment subsidiaire, dans le cas où le Tribunal s'estimerait insuffisamment informé sur le préjudice matériel ou dans le cas où la société SIA Habitat contesterait le rapport d'expertise amiable ;
-ordonner une expertise judiciaire du bien situé 8 rue des Fauvettes 62790 à Leforest cadastré AH 1151 avec pour mission pour l'expert de chiffrer les divers préjudices subis par les époux [F] du fait de l'existence de la servitude non apparente tant au niveau du prix d'acquisition que du préjudice de jouissance et de la perte de chance à la revente,
-juger que les frais d'expertise seront aux frais avancés de la SIA Habitat ;
-condamner la SIA Habitat aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les consorts [F] font valoir à titre principal :

-le caractère non apparent de la charge liée à la servitude de passage de canalisation d’eaux usées dans leur jardin, qui se trouve à 2 m de profondeur,
-le caractère abusif de la clause figurant à l’acte de vente, selon laquelle « l'acquéreur souffrira les servitudes passives de toute nature, apparentes ou occultes, continues ou discontinues, qui grèvent ou pourraient grever l'immeuble sus-désigné, sauf à s'en défendre et à profiter en retour de celles actives de même nature, le tout, s'il en existe, à ses risques et périls personnels, sans recours contre les Charbonnages de France, et sans que la présente clause puisse conférer à quiconque plus de droits qu'il n'en aurait en vertu de tout titre régulier non prescrit ou de la loi ».

Ils considèrent que tant pour eux que pour la SIA habitat, il n'existait pas de servitudes liées à la canalisation dans l'acte notarié, celle-ci n’y étant pas annexée et ne concernait pas la parcelle AH1151, mais les parcelles AH 599, 482 et 489, alors que l'acte notarié fait uniquement état d'une division cadastrale en date du 19 juin 2019 de la parcelle mère AH 1087 en huit parcelles, dont la parcelle AH1151, de sorte que rien ne laisse deviner que la convention de servitude s'appliquerait également à leur parcelle.
Ils ajoutent que la servitude visée dans l'acte notarié est de moindre importance que celle envisagée par la communauté d'agglomération d’Hénin-Carvin, en ce qu’elle correspond à une canalisation enfouie dans une bande de terrain de largeur variable et qui ne peut excéder 3 mètres, alors que la servitude proposée par Veolia couvrira une bande de 6 mètres axée de part et d'autre de l’ovoïde 1700 qui devra rester libre d'accès, de construction et de plantation, afin qu'à tout moment, le service public d'assainissement puisse intervenir sur ces ouvrages.
À titre subsidiaire, ils estiment que le propriétaire du fonds dominant est soumis à la règle de la fixité de la servitude qui lui interdit d’apporter à l’état des lieux des modifications entrainant une aggravation de la charge du fonds servant, de sorte qu’au regard de la servitude aggravée, la responsabilité de SIA Habitat est engagée.

À titre infiniment subsidiaire, si l’expertise amiable et contradictoire était contestée par la SIA Habitat, ils considèrent l’expertise judiciaire apparaît pertinente pour confirmer l’aggravation de la servitude.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2023, la SA SIA Habitat demande au tribunal de :

-débouter les époux [F] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
-condamner les époux [F] à payer à la société SIA Habitat la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner les époux [J] aux entiers dépens.

Elle considère que les dispositions de l'article 1638 du code civil sont inapplicables en ce que la servitude non-apparente a été déclarée dans l’acte de vente, par référence à la convention l’ayant créée et estime avoir ainsi fourni une information complète et précise à ce sujet. Elle fait observer que la servitude proposée par Veolia n’est pas constituée à ce jour, de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir donné davantage de précisions sur ce point, aucune réparation n’étant fondée à ce stade.

Elle ajoute que la garantie d’éviction n’est due que lorsqu’un trouble de droit, non déclaré et ignoré de l’acquéreur existe au moment de la vente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, s’agissant d’une proposition de servitude.

Elle considère que la demande d’expertise a pour but de pallier la carence dans l’administration de la preuve.

Elle soutient en tout état de cause que les demandes d’indemnisation visent à réparer le même préjudice.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la clause « d’achat en l’état »

Si l'acte d'acquisition des époux [F] comporte une clause dite « d’achat en l’état », selon laquelle ils s'obligent notamment « à souffrir les servitudes passives de toute nature, apparentes ou occultes, continues ou discontinues, qui peuvent grever l'immeuble sus-désigné, sauf à s'en défendre et à profiter de celles actives de même nature, le tout s'il en existe à ses risques et périls personnels », cela n'emporte pas d'effet quant à la servitude litigieuse, en ce que les acquéreurs s'engagent nécessairement à supporter les seules servitudes qui peuvent leur être opposables comme cela découle des termes « sauf à s'en défendre », étant observé de seconde part que ladite clause ne vise que les recours dirigés contre Charbonnages de France.

La demande tendant à déclarer abusive cette clause sera donc écartée.

Sur l’étendue de la saisine du juge

Il est acquis aux débats que par courriel en date du 20 novembre 2019, Mme [T], en charge des rétrocessions des réseaux d’eau et d’assainissement de la communauté d’agglomération Hénin-Carvin a indiqué aux consorts [F] que « la servitude sera proposée sur une bande de 6 mètres axée d’une part et d’autre sur l’ovoïde 1700 qui devra rester libre d’accès, de construction et de plantation, fin qu’à tout moment le service public d’assainissement puisse intervenir sur ces ouvrages », en produisant un plan du tracé envisagé.
A ce jour, aucune convention de servitude n’a été régularisée, de sorte que l’office du juge est limitée à l’examen de la servitude existante comprenant « l’ovoïde 1700 ».

Sur la responsabilité du vendeur

L'article 1683 du code civil dispose que si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.
La preuve de la connaissance de l'existence de la servitude incombe au vendeur, qui doit ainsi démontrer que l'acquéreur, de manière certaine, avait connaissance non seulement de l'existence de la charge grevant le fonds cédé, mais aussi de l'étendue de celle-ci. Il n’appartient par à l’acheteur de se renseigner sur ce point.
Il résulte de l'acte notarié daté du 19 août 2019 produit en simple copie non signée mais dont le contenu n'est pas contesté, que la mention suivante y est portée, au chapitre relatif au rappel des servitudes :

« Convention du 03 septembre 1982 du district d'Hénin-Carvin publiée au service de la publicité foncière de Béthune II le 01 février 1983 volume 2007 numéro 7 sur les parcelles sises à Leforest cadastrées section AH numéros 482 et 601. »

Dans le cadre de son office, le notaire a nécessairement obtenu cette information lors de l’examen du titre de propriété du vendeur. Il sera observé que la référence cadastrale initiale n’est pas visée et que les divisions cadastrales figurant au document manuscrit établi par le notaire (pièce numéro 3 SIA Habitat) ne sont pas reprises à l'acte notarié.

Il est produit par la société SIA Habitat la convention du 3 septembre 1982 valant « autorisation de passage en terrain privé d'une canalisation d'évacuation d'eaux conclue entre le président du district d’Hénin-Carvin et le chef du département immobilier des services immobiliers des H.B.N.P.C. propriétaire des parcelles cadastrées section AH 559, 482, 489 à Leforest, consistant à :
« -établir à demeure ladite canalisation dans une bande de terrain de largeur variable et qui ne peut excéder trois mètres et intéressant les parcelles sur une longueur d'environ 390 mètres, 0,66 m, 2,66 m et 16 m soit une superficie de 1170 m², 2m², 8m², 48 m²,
-occuper temporairement pour l'exécution de ces travaux une bande de terrain d'une largeur moyenne de 20 mètres environ pour une superficie de 7840 m², 75 m², 530 m²,
-une hauteur de 0,50m² sera respectée entre la génératrice supérieure et le niveau du sol après travaux.
Le district pourra faire pénétrer sur lesdites parcelles ses agents ou ceux de ses entrepreneurs dûment accrédités en vue de la construction, de la surveillance, l'entretien et la réparation ainsi que le remplacement des canalisations. »

Il n’est pas soutenu que cette pièce, qui ne figure pas au rang des pièces annexées à l’acte notarié, ait été portée à la connaissance des acquéreurs avant la vente. Le compromis de vente n’est d’ailleurs pas versé aux débats.

Il sera ensuite remarqué qu’il a été constaté dans le cadre de l’expertise amiable rendue le 25 novembre 2019, l'absence de communication de l’acte notarié en vue de vérifier si la servitude relative à l'existence de la canalisation faisait partie des servitudes citées dans l'acte notarié.
Par ailleurs, dans un courrier en date du 11 mars 2020, la responsable du département des ventes de SIA Habitat indique : « l'acte de propriété et le certificat d'urbanisme qui sont les documents d'usage en matière de servitude ne comportent aucune mention relative à la canalisation litigieuse,
-l'acte de vente comporte quant à lui un simple rappel de servitude général à l'assiette foncière du quartier. Ce simple rappel ne faisant aucunement référence à l'ovoïde identifié par les acquéreurs postérieurement à la vente.(...) Cependant, nous sommes conscients que la découverte de cette canalisation constitue un préjudice pour M. [F] et Mme [G]. Aussi, afin de trouver une issue amiable, nous avons proposé une compensation financière de 5.000 euros que ces deriers ont réfusé. En conséquence, et afin de privilégier une fois de plus une issue amiable, nous proposons qu’une expertise soit diligentée afin que le montant du préjudice puisse être évalué par un tiers. Cette mission pourrait être confiée au cabinet [X] expertises qui nous a d’ores et déjà confirmé avoir les compétences pour une telle mission. »

M. [X], qui est par ailleurs expert auprès des tribunaux judiciaires et administratifs, relève l’absence de mention précise et détaillée dans l’acte notarié quant à une potentielle servitude de passage ou concernant la présene des canalisations litigieuses, le notaire instrumentaire ayant au surplus indiqué à Mme [M], responsable du département vente chez SIA, qu’il n’était pas plus informé que ses écrits quant à la présence de ces canalisations..

La servitude concernée ne présente pas un caractère apparent, les canalisations étant enfouies en sous-sol.
Quant au regard implanté sur le terrain, les photographies produites montrent qu'il a été mis à jour suite à des travaux de débroussaillage et rien ne permet de présumer que les acquéreurs ont pu se convaincre de sa présence et de son utilité lors de la visite des lieux.

Par conséquent, il ne peut être considéré que le vendeur, qui est professionnel, qui a été le seul propriétaire de la parcelle sur laquelle il a fait ériger une construction depuis l’acte de vente de 1995, n’avait pas connaissance de l'état réel du fonds vendu.
Il s'évince de ce qui précède que des indices suffisants permettent de considérer que les époux [F] n’ont pas été avisés par le vendeur de façon précise et détaillée de l'étendue de la charge du fonds grevé à la date d’acquisition du bien constituée par une servitude de passage et par la présence de canalisations d’eaux usagées.

La société SIA Habitat engage donc sa responsabilité envers les acquéreurs, étant tenue à réparer leurs préjudices au moyen d’une indemnité.

Sur le montant des préjudices des acquéreurs résulte que les contraintes d'occupation de la parcelle générées par la servitude auraient pu conduire les consorts [F] à ne pas l'acheter et que, préférant la conserver, ils sont fondés à solliciter une indemnisation suivant l'option que leur offre à sa discrétion l'article 1638 précité.
Les acquéreurs détaillent leurs postes de préjudice en conformité avec l’expertise judiciaire.
La société SIA Habitat conteste les demandes indemnitaires, estimant qu’il s’agit d’un même préjudice.
Il est constant que la servitude litigieuse traverse le terrain en sa longueur. Sa dimension telle que rappelée supra et l'emplacement de son assiette pénalisent fortement l'usage qui peut être fait de la parcelle dont la contenance est de 3 ares 93 centiares.

La perte de jouissance invoquée est également justifiée, en raison de la présence d'une plaque d'1,50 m donnant accès à un ovoïde et à une seconde canalisation traversant l'entièreté du terrain, nécessitant une sécurisation permanente des lieux, portant ainsi atteinte au droit de propriété, mais aussi à l'obligation de devoir supporter les désagréments liés à l'entretien de la canalisation et de l'impossibilité de modifier l'état du sol sur l'emprise de l'installation, qui doit demeurer accessible pour les opérations d’entretien.

Contrairement à ce qui est soutenu par la société SIA Habitat, il n’est nullement établi que les acquéreurs aient bénéficié d’un tarif préférentiel d’achat au regard de la servitude, l’expert précisant que le prix du bien a fait l’objet d’une diminution d’environ 20% au titre de la mission d’utilité publique de SIA qui vise à l’accession à la propriété par tous en bénéficiant de tarifs préférentiels.

Les acquéreurs sont ainsi fondés à solliciter l'octroi d'une indemnité représentant la perte de valeur vénale de leur propriété qui réduit sensiblement l'espace d'agrément entourant leur maison d'habitation et qui sera justement évaluée à hauteur de 10% de sa valeur vénale, soit 10.900 euros.

Cette indemnité sera complétée d’une indemnité de jouissance, qui correspond à un préjudice distinct, à hauteur de 8.000 euros.

En revanche, la demande relative à la perte de chance de revendre le bien au meilleur prix sera rejetée, en ce que si une telle situation se présentait, les acquéreurs ne seraient pas soumis à répercuter l’abattement dont ils ont bénéficié et l’impact de la servitude à venir ne peut être évalué dans le cadre de la présente instance.

Sur le préjudice moral

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par lequel il lest arrivé à le réparer.

Il appartient à celui qui s'en prévaut de faire la preuve de cette faute, de son préjudice et du lien de causalité entre les deux.

L’importance de la servitude litigieuse a nécessairement entraîné un préjudice moral aux époux [F] qui sera indemnisé à hauteur de 1.000 euros par personne.

Sur les frais du procès et sur l'exécution provisoire

Sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une partie. Elle peut également être condamnée à payer à l'autre une somme que le juge détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. A cet égard, le juge tient compte, dans tous les cas, de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Partie ayant succombé au sens de ces dispositions, la SA SIA Habitat sera condamnée aux dépens. Elle sera également condamnée à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera écartée.

Sur l’exécution provisoire

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort ;

ECARTE la demande concernant la clause de l’acte notarié en date du 19 août 2019 relative à l’obligation pour l'acquéreur de « supporter les servitudes passives, apparentes ou non apparentes, continues ou discontinues pouvant grever le bien vendu sauf à s’en défendre et à profiter en retour sauf à s'en défendre et à profiter de celles actives de même nature, le tout s'il en existe à ses risques et périls personnels » ;

DECLARE M. [C] [F] et Mme [W] [G] [F] recevables épouse en leur action ;

CONDAMNE la SA SIA Habitat à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] une indemnisation d'un montant de 18.900 euros au titre de l’article 1638 du code civil ;

CONDAMNE la SA SIA Habitat à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] des dommages et intérêts de 1.000 euros chacun au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la SA SIA Habitat aux dépens ;

CONDAMNE la SA SIA Habitat à payer à M. [C] [F] et Mme [W] [G] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA SIA Habitat de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Béthune
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00434
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;23.00434 ?
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