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04/06/2024 | FRANCE | N°22/00044

France | France, Tribunal judiciaire de Béthune, 1ère chambre civile, 04 juin 2024, 22/00044


1ère chambre civile

[V] [M]
, [W] [M]
, [Y] [M]

c/
[E] [D]
























copies et grosses délivrées
le

à Me SENAYA
à Me LACHERIE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE

N° RG 22/00044 - N° Portalis DBZ2-W-B7F-HJOC
Minute: /2024


JUGEMENT DU 04 JUIN 2024


DEMANDEURS

Madame [V] [M]
née le 28 Avril 1979 à LENS, demeurant 17 rue Saint Aimé - 62880 ANNAY

représentée par Me Edwige SENAYA, avocat au barreau de BETHUNE

Monsieur [W] [M]
né le 02 Décembre 1984 à LENS, demeurant 1 rue Desprez Demester - 62880 ANNAY

représenté par Me Edwige SENAYA, avocat au barreau de BETHUNE

Monsieur [Y] [M]
né le 24 Juin 1987 à LENS, demeurant 33 rue...

1ère chambre civile

[V] [M]
, [W] [M]
, [Y] [M]

c/
[E] [D]

copies et grosses délivrées
le

à Me SENAYA
à Me LACHERIE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE

N° RG 22/00044 - N° Portalis DBZ2-W-B7F-HJOC
Minute: /2024

JUGEMENT DU 04 JUIN 2024

DEMANDEURS

Madame [V] [M]
née le 28 Avril 1979 à LENS, demeurant 17 rue Saint Aimé - 62880 ANNAY

représentée par Me Edwige SENAYA, avocat au barreau de BETHUNE

Monsieur [W] [M]
né le 02 Décembre 1984 à LENS, demeurant 1 rue Desprez Demester - 62880 ANNAY

représenté par Me Edwige SENAYA, avocat au barreau de BETHUNE

Monsieur [Y] [M]
né le 24 Juin 1987 à LENS, demeurant 33 rue Desprez Demester - 62880 ANNAY

représenté par Me Edwige SENAYA, avocat au barreau de BETHUNE

DEFENDEUR

Monsieur [E] [D], demeurant 24 chemin de Vermelles - 62400 HARNES

représenté par Me Gautier LACHERIE, avocat au barreau de BETHUNE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président : CATTEAU Carole, Vice-Présidente, siègeant en Juge Unique

Assisté lors des débats de SOUPART Luc, greffier principal.

DÉBATS:

Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 Janvier 2024 fixant l’affaire à plaider au 09 Avril 2024 à l’audience de juge unique.

A la clôture des débats, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été avisées que le jugement serait mis à la disposition au Greffe au 04 Juin 2024.

La décision ayant été prononcée par jugement contradictoire et en premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [M] est décédé le 18 avril 2019 en laissant pour recueillir sa succession trois enfants, Mme [V] [M], M. [W] [M] et M. [Y] [M] (ci-après les consorts [M]).

M. [N] [M] était propriétaire de divers biens immobiliers dont un local situé 2 bis rue Joseph Mattei à Annay sous Lens, antérieurement propriété de feue sa mère, Mme [J] [M], occupé par M. [E] [D].

Les consorts [M] ont souhaité mettre en vente ce local et ils en ont informé l’occupant. Se prévalant d'un bail commercial conclu sur ce bien par Mme [J] [M], M. [E] [D] a fait valoir l'existence d'un droit de préemption puis il a renoncé à acquérir l’immeuble.

Considérant qu'il était occupant sans droit ni titre, Mme [V] [M], M. [W] [M], et M. [Y] [M] ont assigné M. [E] [D] devant le tribunal par acte de commissaire de justice en date du 27 décembre 2021 aux fins de voir, au visa des articles L 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, des articles L 145-1 et suivants du code de commerce, et des articles 1240, 1709 et suivants du code civil :

A titre principal:
-constater que M. [D] ne peut se prévaloir du statut des baux commerciaux ;
-constater que M. [D] est occupant sans droit ni titre ;
-le condamner à leur payer une indemnité d’occupation d’un montant de 291 euros par mois à compter de mai 2021 et ce jusqu’à libération des lieux ;
A titre subsidiaire:
-dire et juger que M. [D] a manqué gravement à ses obligations découlant du bail ;
En conséquence, résilier le bail avec effet au 1er mai 2021 au plus tard, date à laquelle M. [D] a cessé de remplir ses obligations;
-condamner M. [D] à leur payer une indemnité d’occupation d’un montant de 291 euros par mois à compter de la résiliation et ce jusqu’à libération des lieux;
-le condamner à régler les arriérés de loyers et de charges échus et à échoir soit 5 942 euros au titre au 30 septembre 2021 ;
En toute hypothèse:
-ordonner l’expulsion de M. [D] ainsi que de tous occupants de son chef des lieux dont les demandeurs sont propriétaires avec séquestration des meubles et objets garnissant les lieux dans un garde de meuble qu’il désignera ou dans tel autre au choix du propriétaire et ce en garantie de toutes sommes qui pourront êtres dues ;
-le condamner à la somme de 1 500 euros pour résistance abusive et injustifiée ;
-condamner le défendeur aux dépens dont distraction au profit de Me Edwige Senaya pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;
-condamner le défendeur au paiement de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du
code de procédure civile.

M. [E] [D] a comparu à l'instance.

L'instruction de la procédure a été confiée au juge de la mise en état qui a ordonné sa clôture le 10 janvier 2024 et qui a fixé l'affaire pour plaidoiries à l'audience des débats du 9 avril 2024 devant le juge unique. A l'issue des débats, le prononcé de la décision a été reporté pour plus ample délibéré au 4 juin 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions visées ci-après et :

. Pour Mme [V] [M], M. [W] [M], et M. [Y] [M] à leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2023, aux termes desquelles ils demandent au tribunal de :
A titre principal :
-déclarer l'action des demandeurs recevable;
-déclarer que M. [D] ne peut se prévaloir du statut des baux commerciaux ;
-déclarer que M. [D] est occupant sans droit ni titre ;
-le condamner à leur payer une indemnité d’occupation d’un montant de 291 euros par mois à compter de mai 2021 et ce jusqu’à libération des lieux (mai 2022) soit 3 492 euros.

A titre subsidiaire :
-déclarer que M. [D] a manqué gravement à ses obligations découlant du bail ;

En conséquence, résilier le bail avec effet au 1er mai 2021 au plus tard, date à laquelle M. [D] a cessé de remplir ses obligations;

-condamner M. [D] à leur payer une indemnité d’occupation d’un montant de 291 euros par mois à compter de la résiliation et ce jusqu’à libération des lieux (mai 2022) soit 3 492 euros.
le condamner à régler les arriérés de loyers et de charges échus et à échoir soit 8 973 euros au 8 septembre 2022.

En toute hypothèse :
-condamner M. [D] à la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'ils ont subi;
-condamner M. [D] à la somme de 3 000 euros pour résistance abusive et injustifiée;
-le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-condamner le défendeur aux dépens dont distraction au profit de Me Edwige Senaya pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;
-condamner le défendeur au paiement de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
-le condamner aux entiers frais et dépens.

. Pour M. [E] [D], à ses dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2023, aux termes
desquelles il demande au tribunal, au visa des articles L145-9 du code de commerce, et des articles 1104
et 1219 du code civil, de:
-débouter les consorts [M] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
-condamner solidairement Mme [V] [M], M. [W] [M], M. [Y] [M] à lui payer la
somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
-condamner in solidum Mme [V] [M], M. [W] [M], M. [Y] [M] à payer
Me Gautier Lacherie la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10
juillet 1991 et de l’article 700 du code de procédure civile ;
-rappeler que la décision à intervenir est exécutoire à titre provisoire en application de l’article 514
du code de procédure civile ;
-condamner in solidum Madame [V] [M], M. [W] [M], M. [Y] [M] aux
dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle ;

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la demande en paiement

1) – Sur l'existence d'un bail

L'immatriculation du preneur et l'exploitation des locaux pris à bail sont des conditions d'application du statut des baux commerciaux. L'immatriculation n'a pas à être préalable à la conclusion du contrat et elle ne conditionne pas sa validité toutefois elle doit être effective durant l'exécution du bail et le défaut d'immatriculation est une cause de dénégation du statut des baux commerciaux.

A défaut d'immatriculation, le bail n'est pas nul mais le preneur ne peut plus bénéficier de la propriété commerciale.

En l'espèce, il est versé aux débats par M. [E] [D] un bail intitulé bail commercial conclu le 1er avril 1999 entre Mme [J] [M] et lui-même portant sur un local situé 1 bis rue Joseph Mattéi à Annay sous Lens.

Il n'est pas discuté que les locaux sur lesquels portent l'occupation de M. [E] [D] sont situés non pas au numéro 1 bis rue Josep Mattéi à Annay sous Lens mais au numéro 2 bis de cette même rue, l'intéressé évoquant quant à lui des locaux situés 4 bis rue Joseph Mattéi, à l'adresse desquels il a été immatriculé au registre du commerce et des sociétés à compter du 12 avril 2000.

Pour autant, M. [E] [D] déclarait devant les services de police lorsqu'il déposait plainte contre Mme [V] [M] et Mme [O] [X] qu'il occupait les locaux situés 2 bis rue Mattéi à Annay sous Lens (pièce def. N° 2), qui étaient selon ses déclarations référencés au cadastre au numéro 4.

Cette adresse (2 bis rue Mattéi) correspond à l'immeuble dont était propriétaire M. [N] [M] ainsi qu'il résulte de l'attestation de propriété immobilière produite (pièce dem. N°3) étant observé qu'il résulte de cet acte que sa superficie est de 206 m², ce qui correspond à la superficie des locaux litigieux telle qu'elle figure en page 2 du bail en cause et en réalité, comme l'invoque M. [E] [D], il existe bien une erreur matérielle sur l'adresse du local donné à bail en sorte que M. [E] [D] est bien fondé à invoquer lors de son entrée dans les lieux l'existence d'un bail commercial conclu à son profit.

Toutefois, il est justifié que l'intéressé à été radié du registre du commerce et des sociétés le 2 avril 2001 et à défaut d'immatriculation, M. [E] [D] ne peut plus se prévaloir du statut des baux commerciaux et de la tacite prolongation du bail commercial à son échéance du 31 mars 2008.

A cet égard, le tribunal observe comme le font valoir les demandeurs que le bail produit ne contient aucune clause expresse de soumission au statut des baux commerciaux indépendamment de la réunion des conditions d'application du statut, ce qui ne peut se déduire du seul intitulé du bail, et le moyen invoqué par M. [E] [D] à ce titre est inopérant.
Consécutivement à l'absence d'application du statut des baux commerciaux, le bailleur ne pouvait plus non plus se prévaloir de l'existence d'un bail commercial sur les locaux en cause.

Pour autant, il n'est pas discuté que M. [E] [D], qui n'exerçait plus aucune activité commerciale, a continué d’occuper le hangar litigieux et à payer un loyer jusqu’au mois d’avril 2021 de sorte qu'à compter du 1er avril 2008 la relation contractuelle s’est poursuivie, le bail étant devenu un bail régi par les dispositions de droit commun. M. [E] [D] n’était dès lors pas occupant sans droit ni titre.

2) – Sur la fin du bail

Selon l'article 1737 du code civil le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé lorsqu'il a été fait par écrit sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

L'article 1738 de ce code dispose que si à l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par l'article relatif aux locations faites sans écrit.

Le bail reconduit est un nouveau bail qui comporte les mêmes clauses et conditions que le précédent.

Par application de l'article1736 du code civil, si le bail a été fait sans écrit l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux.

En l'espèce, et comme analysé supra, le bail conclu entre les parties le 1er avril 1999 n'est pas nul mais il n’est plus soumis au statut des baux commerciaux. Il prévoit une durée de 9 années et jusqu'au 31 mars 2008 en sorte qu’en application des dispositions susvisées, un nouveau bail a succédé à ce bail à compter du 1er avril 2008.

Les courriers produits établissent qu'au début de l'année 2021 la question de la fin du bail s'est posée aux parties alors que les consorts [M] souhaitaient mettre en vente le local occupé par M. [E] [D] et dans un courrier du 28 avril 2021 (pièce def. N° 12) le conseil du locataire évoquait le respect des dispositions du statut des baux commerciaux, l'absence de possibilité d'expulsion et le paiement d'une indemnité d'éviction.

Le 28 février 2021 les consorts [M] mettaient en demeure le locataire de quitter les lieux dans le délai d’un mois du courrier adressé, avant de lui faire délivrer assignation aux fins d'expulsion le 27 décembre 2021 pour défaut d'application du statut des baux commerciaux et subsidiairement défaut de paiement des loyers.

Il n'est pas discuté qu'à cette date les loyers n'étaient plus payés depuis le mois de mai 2021 de sorte que le manquement du locataire à cette obligation essentielle du bail est avérée et justifie la demande de résolution présentée.

Pour faire échec à celle-ci, étant observé que M. [E] [D] a restitué les clefs du local le 15 mai 2022, celui-ci invoque le manquement du bailleur à son obligation de jouissance paisible et à son obligation de délivrance d'un local en bon état d'entretien.

Sur ce point le tribunal observe, à défaut de production d'un état des lieux d'entrée dans les lieux, que M. [E] [D] produit diverses attestations établissant que dès son arrivée en 1999 le hangar était déjà dans un état dégradé.

C’est ainsi que M. [H] [P], ancien locataire du local jusqu'en mars 1999 (pièce def. N° 21), atteste qu'il existait de nombreuses fissures, des fuites dans la toiture en tuile et les chéneaux, des tuiles manquantes. Il précise qu'il n’y avait ni tout à l'égoût, ni point d'eau et il expose qu'il a déménagé compte tenu de l'état des lieux. M. [B] [D] atteste lui aussi de l'existence de nombreuses fuites (pièce def. n° 23).

Dès lors, les lieux étaient déjà dans un état très dégradé lorsque M. [E] [D] les a pris à bail et il n'a jamais sommé le bailleur de les mettre en état de conformité quelconque ainsi qu'il était prévu par les clauses du bail étant observé que l'usage précis du local, qui n'est pas justifié, semble avoir été celui d’un simple hangar.

Les manquements du bailleur ne sont dès lors pas clairement établis dans ce contexte et en tout état de cause ils ne pouvaient dispenser le locataire du paiement des loyers en l’absence d’impossibilité de jouir et d’user du local qui a continué d’être utilisé pendant plus de 20 ans dans l’état qui était le sien.

Il en est de même pour le défaut de jouissance paisible, même si comme le fait justement valoir M. [E] [D] les consorts [M] auraient dû régulièrement délivrer congé au locataire ou agir directement en résolution du contrat tandis que la dégradation des relations entre les parties a abouti à la multiplication d’échanges de courriers et à des tensions, lesquelles n'ont toutefois pas présenté une gravité suffisante pour justifier que les loyers ne soient plus payés.

Dès lors que les loyers ne sont plus payés depuis le moi de mai 2021, la résolution du contrat sera prononcée à compter du 1er mai 2021 aux torts du locataire.

Les clefs ont été restituées aux propriétaires le 1 3 mai 2022 de sorte que M. [E] [D] est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à cette date.

. Sur le montant de l’indemnité d’occupation

L e défendeur invoque la précarité de sa situation due à de la résolution du contrat et l'état du bien pour voir minorer le montant de l’indemnité d'occupation due. Nonobstant l'accord des parties lors de l'entrée dans les lieux, leur état durant 23 ans a continué de se dégrader tandis que le propriétaire ne pouvait ignorer l'état de son bien et la poursuite de sa dégradation. Dans ce contexte et au regard de l’état de l’immeuble, l'indemnité d'occupation sera fixée à la somme mensuelle de 200 euros, tenant compte d’un abattement lié à la précarité de l’occupation.

M. [E] [D] sera en conséquence condamné à payer à Mme [V] [M], M. [W] [M] et M. [Y] [M] la somme de :

11 mois x 200 euros = 2 200 euros + (13 jours) 83,87 euros = 2 283,87 euros au titre de l'indemnité d'occupation due jusqu'à la libération des lieux.

. Sur la demande en paiement des impôts fonciers

Le paiement des impôts fonciers est mis à la charge du locataire par les termes du bail et il n'est pas discuté par M. [E] [D].

Il est justifié du montant de ces impôts pour les années suivantes :

. 2014 :548 euros
. 2017 : 807 euros
. 2018 :892 euros
. 2019 : 912 euros
. 2020 : 918 euros

S'agissant de l'année 2021, et le bail étant résilié au 1er mai 2021 sans pouvoir trouver à s'appliquer postérieurement, la demande présentée à ce titre sera rejetée.

M. [E] [D] sera condamné à payer aux consorts [M] la somme de 4 077 euros à ce titre.

Sur les demandes de dommages-intérêts présentée par Mme [V] [M], M. [W] [M], et M. [Y] [M]

1) – Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la privation de l'usage et la jouissance de l'immeuble

Les consorts [M] réclament le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts au motif qu'ils ont été privés de l'usage et de la disposition de leur bien du fait d'une occupation sans droit ni titre de M. [E] [D]. Ils font valoir qu'ils avaient trouvé un acquéreur mais que l'occupation des lieux a fait obstacle à la vente et ils reprochent à M. [E] [D] de les avoir privés d'une importante somme d'argent.

Mme [V] [M] indique également qu'elle est dans l'impossibilité de disposer du local durant le temps de la procédure.

Toutefois, comme le fait justement valoir M. [E] [D], il n'est pas démontré qu'il aurait fait obstacle à une vente ou qu'il aurait empêché la visite des lieux étant observé que les clefs ont été restituées en 2022 et qu'il n'est pas justifié d'une mise en vente de l'immeuble depuis lors. Il n'est d'ailleurs pas justifié d'une promesse d'achat ou de l’existence d’un acquéreur comme il est allégué.

D’autre part, les clefs ayant été restituées le 13 mai 2022, aucun obstacle ne s'opposait à ce que l'immeuble soit ensuite mis en vente.

Au surplus, et comme l’invoque à bon droit M. [E] [D], les demandeurs ne peuvent à la fois solliciter la fixation d'une indemnité d'occupation, laquelle a vocation à indemniser la perte de privation de son bien subie par un propriétaire, et des dommages-intérêts complémentaires du fait de la perte de l'usage et de la disposition de leur bien, ce qui est l’objet de l’indemnité d’occupation.

A défaut pour les demandeurs de rapporter la preuve d'une faute de M. [E] [D] qui serait à l'origine d'un préjudice complémentaire à ce titre leur demande de dommages-intérêts sera rejetée.

2) - Sur la demande de dommages-intérêts résultant d'une résistance abusive de l'occupant

Il a été jugé ci-avant que M. [E] [D] n'était pas occupant sans droit ni titre des lieux qu'il a occupé pendant plus de 20 années en versant régulièrement et jusqu'au différend qui l'a opposé aux ayants droit de [N] [M] le loyer mis à sa charge.

En présence d'un bail, il appartenait au bailleur de délivrer congé en laissant au locataire un délai suffisant pour quitter les lieux et en l'espèce il est justifié de la volonté rapide par les consorts [M] de reprendre possession de l'immeuble à la suite du décès de [N] [M].

Dès lors, la résistance abusive de M. [E] [D], qui souhaitait par ailleurs dans un premier temps se porter acquéreur des locaux mais qui n'a pas pu obtenir un financement bancaire, n'est pas justifiée pas plus que sa malice ou sa volonté de nuire aux demandeurs, et la demande de dommages-intérêts présentée à ce titre sera elle aussi rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par M. [E] [D]

Ainsi qu'il a été analysé ci-dessus, M. [E] [D] disposait d'un droit à occuper les lieux et il a pour sa part fait face à ses obligations de paiement du loyer jusqu'au mois de mai 2021, et pendant 22 ans, après que le différend l'opposant aux consorts [M] a tendu les relations entre les parties jusqu'au départ du locataire.

Il est justifié qu'à la suite du décès de [N] [M] survenu le 18 avril 2019 les consorts [M] ont souhaité rapidement mettre en vente l'immeuble occupé par M. [E] [D], en méconnaissant les droits de ce locataire auquel aucun congé contenant délai suffisant n'avait été délivré jusqu'à ce que celui-ci cesse de régler les loyers et que les relations s'enveniment. Il ressort également du dépôt de plainte effectué par le défendeur que Mme [V] [M] s'est introduite de force dans les lieux, contraignant M. [E] [D] à faire intervenir les forces de l'ordre.

Au regard de la durée de la relation contractuelle et de l'occupation, ces manquements sont constitutifs d'une faute qui a nécessairement causé un préjudice à M. [E] [D] et il lui sera alloué la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts. Les consorts [M], qui étaient alors tous trois copropriétaires indivis, seront condamnés in solidum au paiement de cette somme.

Il sera ordonné la compensation des sommes réciproquement dues entre les parties.

Sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une partie. Elle peut également être condamnée à payer à l'autre une somme que le juge détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. A cet égard, le juge tient compte, dans tous les cas, de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

M. [E] [D] étant partie perdante au sens de ces dispositions il sera condamné aux dépens de l'instance. Il sera accordé à Maître Edwige Senaya, avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande pour sa part de rejeter la demande présentée par les consorts [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et non susceptible d'appel immédiat ;

PRONONCE la résolution du bail portant sur le local situé 2 bis rue Mattéi à Annay sous Lens à la date du 1er mai 2021 aux torts de M. [E] [D] ;

DIT que M. [E] [D] est redevable depuis le 1er mai 2021 d’une indemnité d’occupation mensuelle de 200 euros jusqu’au 13 mai 2022, date de la libération des lieux ;

CONDAMNE M. [E] [D] à payer à Mme [V] [M], M. [W] [M] et M. [Y] [M] les sommes de :

. 2 283,87 euros au titre de l’indemnité d’occupation mise à sa charge ;
. 4 077 euros au titre des taxes foncières dues ;

REJETTE les demandes de dommages et intérêts présentées par Mme [V] [M], M. [W] [M] et M. [Y] [M] ;

CONDAMNE in solidum Mme [V] [M], M. [W] [M] et M. [Y] [M] à payer à M. [E] [D] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

ORDONNE la compensation des sommes réciproquement dues entre les parties ;

CONDAMNE M. [E] [D] aux dépens ;

DIT que Maître Edwige Senaya, avocat, pourra recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Béthune
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00044
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;22.00044 ?
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