La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2017 | FRANCE | N°C4107

France | France, Tribunal des conflits, 11 décembre 2017, C4107


Vu, enregistrée à son secrétariat le 25 septembre 2017, l'expédition de l'arrêt du 20 septembre 2017 par lequel la Cour de cassation, saisie par l'agent judiciaire de l'Etat d'un pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt du 3 mai 2016 de la cour d'appel de Rennes rendu dans un litige l'opposant aux sociétés MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH et Co KG et Triton Shiffahrts GmbH et Co KG, concernant la prise en charge des frais exposés par l'Etat en décembre 2007 à la suite de la perte de conteneurs par des navires dont ces sociétés étaient respectivement propriétaire et ar

mateur, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 d...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 25 septembre 2017, l'expédition de l'arrêt du 20 septembre 2017 par lequel la Cour de cassation, saisie par l'agent judiciaire de l'Etat d'un pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt du 3 mai 2016 de la cour d'appel de Rennes rendu dans un litige l'opposant aux sociétés MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH et Co KG et Triton Shiffahrts GmbH et Co KG, concernant la prise en charge des frais exposés par l'Etat en décembre 2007 à la suite de la perte de conteneurs par des navires dont ces sociétés étaient respectivement propriétaire et armateur, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 27 octobre 2017, le mémoire présenté pour l'agent judiciaire de l'Etat, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif que l'Etat qui a engagé des dépenses pour supprimer le danger causé par une épave maritime dispose devant cette juridiction d'une action en responsabilité civile contre les personnes qui ont rendu nécessaire son intervention ;

Vu, enregistrés à son secrétariat les 2 novembre et 7 décembre 2017, les mémoires présentés par la ministre des armées, qui soutient que la créance que l'Etat est susceptible de détenir sur une personne privée au titre d'une intervention en mer exécutée dans le cadre de ses missions de police administrative présente le caractère d'une créance administrative dès lors qu'elle est fondée sur les stipulations et dispositions de la convention d'assistance du 28 avril 1989, de la loi du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer ou de l'article L. 218-72 du code de l'environnement, sans préjudice de la possibilité pour l'Etat d'exercer devant la juridiction judiciaire une action en responsabilité civile lorsque ces stipulations et dispositions spéciales ne trouvent pas à s'appliquer ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 7 décembre 2017, le mémoire présenté pour les sociétés MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH et Co KG et Triton Shiffahrts GmbH et Co KG, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif que la créance que l'Etat est susceptible de détenir sur une personne privée au titre d'une intervention en mer exécutée dans le cadre de ses missions de police administrative présente le caractère d'une créance administrative et que l'Etat ne dispose pas en la matière d'une action en responsabilité civile devant la juridiction judiciaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 ;

Vu la convention internationale sur l'assistance, faite à Londres le 28 avril 1989 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 61-1262 du 24 novembre 1961 ;

Vu la loi n° 67-545 du 7 juin 1967 ;

Vu le décret n° 2004-112 du 6 février 2004 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Chauvaux, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Foussard, Froger pour l'Agent judiciaire de l'Etat ;

- les observations de la SCP Celice, Soltner, Texidor, Perier pour les sociétés MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH et Co KG et la société Triton Shiffahrts GmbH et Co KG ;

- les conclusions de M. Hubert Liffran, rapporteur public ;

Considérant qu'en décembre 2007, les navires " Emerald " et " Polarstream " ont perdu en mer, au large de la Pointe du Raz, plusieurs conteneurs ; qu'après avoir mis en demeure la société MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH et Co KG (la société MPC), propriétaire desdits navires, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser le danger que ces conteneurs présentaient pour l'environnement et la navigation, le préfet maritime de l'Atlantique a, en vertu du pouvoir de police générale dont il est investi, fait appareiller un navire de la Marine nationale avec mission de les rechercher, puis de les remorquer jusqu'au port de Brest ; que, le 14 mai 2008, le trésorier-payeur général du Finistère a émis à l'encontre de la société deux titres exécutoires d'un montant correspondant aux dépenses exposées à l'occasion de ces interventions en mer ; que ces titres ayant été annulés par deux jugements du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2012, l'agent judiciaire de l'Etat a assigné devant le tribunal de commerce de Quimper la société MPC, ainsi que la société Triton Schiffahrts GmbH et Co KG (la société Triton), armateur des navires, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile ; que, par un arrêt du 3 mai 2016, la cour d'appel de Rennes a estimé que la juridiction judiciaire ne pouvait connaître de cette action ; que, saisie par l'agent judiciaire de l'Etat d'un pourvoi en cassation dirigé contre cet arrêt, la Cour de cassation, par un arrêt du 20 septembre 2017, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Considérant que la créance que l'Etat est susceptible de détenir sur une personne privée au titre des frais afférents à une intervention en mer exécutée dans le cadre de la mission de police administrative confiée au préfet maritime par l'article 1er du décret du 6 février 2004 et assurée par lui au nom de l'Etat, tant dans la mer territoriale française qu'au-delà de celle-ci en application des stipulations de l'article 221 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, présente par nature le caractère d'une créance administrative ; que, dès lors, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur le bien-fondé d'une telle créance ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le litige opposant l'Etat aux sociétés MPC et Triton, relatif à la prise en charge des frais exposés par l'Etat en décembre 2007 à la suite de la perte de conteneurs par les navires " Emerald " et " Polarstream ", relève de la compétence de la juridiction administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant l'Etat aux sociétés MPC et Triton, relatif à la prise en charge par ces sociétés, au titre de leur responsabilité civile, des frais exposés par l'Etat en décembre 2007 à la suite de la perte de conteneurs par les navires " Emerald " et " Polarstream ".

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'agent judiciaire de l'Etat, à la ministre des armées et aux sociétés MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH et Co KG et Triton Shiffahrts GmbH et Co KG.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4107
Date de la décision : 11/12/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CRÉANCE DÉTENUE PAR L'ETAT SUR UNE PERSONNE PRIVÉE AU TITRE D'UNE INTERVENTION EXÉCUTÉE DANS LE CADRE D'UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC - CRÉANCE ADMINISTRATIVE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE POUR SE PRONONCER SUR LE BIEN-FONDÉ DE CETTE CRÉANCE.

17-03-02 La créance que l'Etat est susceptible de détenir sur une personne privée au titre des frais afférents à une intervention en mer exécutée dans le cadre de la mission de police administrative confiée au préfet maritime par l'article 1er du décret n° 2004-112 du 6 février 2004 et assurée par lui au nom de l'Etat, tant dans la mer territoriale française qu'au-delà de celle-ci en application des stipulations de l'article 221 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, présente par nature le caractère d'une créance administrative. Dès lors, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur le bien-fondé d'une telle créance.

POLICE - POLICE GÉNÉRALE - SÉCURITÉ PUBLIQUE - INTERVENTION EN MER EXÉCUTÉE DANS LE CADRE D'UNE MISSION DE POLICE ADMINISTRATIVE - ASSURÉE PAR LE PRÉFET MARITIME AU NOM DE L'ETAT - CRÉANCE DÉTENUE PAR L'ETAT SUR UNE PERSONNE PRIVÉE AU TITRE DES FRAIS AFFÉRENTS À CETTE INTERVENTION - CRÉANCE ADMINISTRATIVE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE POUR SE PRONONCER SUR LE BIEN-FONDÉ DE CETTE CRÉANCE.

49-04-03 La créance que l'Etat est susceptible de détenir sur une personne privée au titre des frais afférents à une intervention en mer exécutée dans le cadre de la mission de police administrative confiée au préfet maritime par l'article 1er du décret n° 2004-112 du 6 février 2004 et assurée par lui au nom de l'Etat, tant dans la mer territoriale française qu'au-delà de celle-ci en application des stipulations de l'article 221 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, présente par nature le caractère d'une créance administrative. Dès lors, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur le bien-fondé d'une telle créance.


Composition du Tribunal
Président : M. Maunand
Rapporteur ?: M. Didier Chauvaux
Rapporteur public ?: M. Liffran

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2017:C4107
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award