Vu, enregistrée à son secrétariat le 24 juillet 2017, l'expédition de la décision du 21 juillet 2017 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi par la société ESSO SAF d'un pourvoi formé contre un arrêt du 17 novembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 qui lui a été délivrée par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, modifiant pour l'exercice clos en 2000 le bénéfice net servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu, enregistré le 11 septembre 2017, le mémoire présenté pour la société ESSO SAF, qui conclut à la compétence de la juridiction administrative, par les motifs que soit l'article L. 442-13 du code du travail, alors en vigueur, est interprété comme interdisant toute contestation portant sur le montant du bénéfice net figurant dans l'attestation de l'inspecteur des impôts, quel qu'en soit le motif, et le refus de ce dernier d'annuler une attestation rectificative illégalement établie à la suite d'une contestation des salariés ne peut être considéré que comme un acte administratif, ressortissant à la juridiction administrative, soit ce texte est interprété comme se bornant à interdire la remise en cause des données fiscales et comptables de l'entreprise, de sorte que l'action des salariés pour contester le calcul opéré sur la base de ces données serait alors possible, et, dans ce cas, le juge administratif est également compétent, en tant que juge de l'impôt ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre du travail, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code du travail ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Canas, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Monod, Colin, Stoclet pour la Société ESSO SAF ;
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
Considérant que la société en commandite par actions Mobil Oil Française, aux droits de laquelle vient la société ESSO SAF, a déposé, au titre de son exercice clos en 2000, une déclaration de participation des salariés aux résultats de l'entreprise, sur laquelle elle a retranché de son résultat net avant impôts sa quote-part du résultat de deux sociétés en participation dont elle était associée ; que l'attestation prévue à l'article L. 442-13 du code du travail, alors en vigueur, lui a été délivrée par l'inspecteur des impôts le 13 décembre 2001 ; que, par jugement du 3 décembre 2008, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris, saisi par le comité central d'entreprise de la société, a annulé le refus de l'administration fiscale de modifier ladite attestation en tant qu'elle n'a pas tenu compte de cette quote-part de résultat ; que, par une attestation rectificative du 12 janvier 2012, l'administration fiscale a modifié le montant du bénéfice net figurant dans l'attestation initiale ; que la société ESSO SAF a saisi la juridiction administrative d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette attestation rectificative ; que, saisi du pourvoi formé contre l'arrêt du 17 novembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté cette demande, le Conseil d'Etat a, par décision du 21 juillet 2017, renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du litige : "Toute entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés, quelles que soient la nature de son activité et sa forme juridique, est soumise aux obligations de la présente section, destinées à garantir le droit de ses salariés à participer aux résultats de l'entreprise." ; que, conformément à l'article L. 442-2 du même code, alors en vigueur : "Dans les entreprises mentionnées à l'article L. 442-1, une réserve spéciale de participation des salariés doit être constituée comme suit : / 1. Les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après clôture des comptes de l'exercice, calculées sur le bénéfice réalisé (...), tel qu'il est retenu pour être imposé au taux de droit commun de l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés (...) ; / 2. Une déduction représentant la rémunération au taux de 5 p. 100 des capitaux propres de l'entreprise est opérée sur le bénéfice net ainsi défini ; (...) /4. La réserve spéciale de participation des salariés est égale à la moitié du chiffre obtenu en appliquant au résultat des opérations effectuées conformément aux dispositions des alinéas 2 et 3 ci-dessus le rapport des salaires à la valeur ajoutée de l'entreprise."; qu'aux termes de l'article L. 442-13 de ce code, alors applicable : "Le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont rétablis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application du présent chapitre. / Les contestations relatives au montant des salaires et au calcul de la valeur ajoutée prévus au quatrième alinéa de l'article L. 442-2 sont réglées par les procédures stipulées par les accords mentionnés à l'article L. 442-5. A défaut, elles relèvent des juridictions compétentes en matière d'impôts directs. Lorsqu'est intervenu un accord au sens de l'article L. 442-5, les juridictions ne peuvent être saisies que par les signataires dudit accord. / Tous les autres litiges relatifs à l'application du présent chapitre sont de la compétence des tribunaux judiciaires." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu attribuer compétence à la juridiction judiciaire pour connaître des litiges relatifs à l'obligation, pour une entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés, de mettre en oeuvre les dispositions du code du travail relatives à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise ; qu'il n'en va autrement que pour les contestations relatives au montant des salaires et au calcul de la valeur ajoutée, qui relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; que l'attestation établie par l'inspecteur des impôts, en application de l'article L. 442-13, alinéa 1er, du code du travail, ayant pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice déclaré à l'administration et celui utilisé par l'entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, elle n'a pas le caractère d'un acte administratif détachable du contentieux s'y rapportant ; que, dès lors, la demande en annulation de l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 formée par la société ESSO SAF, qui tend à contester le montant du bénéfice net porté sur cette attestation, ressortit à la compétence de la juridiction judiciaire ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige né de l'action tendant à l'annulation de l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 qui a été délivrée à la société ESSO SAF par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société ESSO SAF, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre du travail.