La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2016 | FRANCE | N°T1604044

France | France, Tribunal des conflits, 11 avril 2016, T1604044


TRIBUNAL DES CONFLITS

N° 4044 __________
Conflit sur renvoi du Conseil d'Etat
Centre hospitalier de Chambéry c/M. Daniel X... et autres __________
Mme Domitille Duval-Arnould Rapporteur __________
Mme Nathalie Escaut Rapporteur public __________
Séance du 14 mars 2016 Lecture du 11 avril 2016 __________

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition de la décision du 23 décembre 2015 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi du pourvoi du centre hospitalier de Chambéry tendant, à la suite de sa condamnation à indemniser M. X...

des préjudices résultant de la défectuosité d'une prothèse du genou implantée le 25 janvi...

TRIBUNAL DES CONFLITS

N° 4044 __________
Conflit sur renvoi du Conseil d'Etat
Centre hospitalier de Chambéry c/M. Daniel X... et autres __________
Mme Domitille Duval-Arnould Rapporteur __________
Mme Nathalie Escaut Rapporteur public __________
Séance du 14 mars 2016 Lecture du 11 avril 2016 __________

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition de la décision du 23 décembre 2015 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi du pourvoi du centre hospitalier de Chambéry tendant, à la suite de sa condamnation à indemniser M. X... des préjudices résultant de la défectuosité d'une prothèse du genou implantée le 25 janvier 2000, d'une part, à l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon en ce qu'il rejette son appel en garantie contre la société Groupe Lépine et, d'autre part, à la condamnation de celle-ci à le garantir, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le mémoire présenté pour la société Groupe Lépine tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif que la responsabilité du fabricant sur le fondement de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, ne constituant pas un régime de responsabilité contractuelle, trouve sa source dans le défaut du produit mis en circulation et que l'action récursoire intentée par un établissement public de santé est aussi une action extracontractuelle ;
Vu le mémoire présenté par le ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif que la société Groupe Lépine est une personne privée, que le litige présente un caractère extracontractuel dès lors que la responsabilité du fabricant est fondée sur le défaut du produit et qu'il y a lieu de préserver un bloc de compétence au profit du juge judiciaire ;
Vu le mémoire présenté par Maître Le Prado pour le centre hospitalier de Chambéry tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux est un régime légal, sui generis, que le juge naturel du litige entre l'hôpital public et son fournisseur, avec lequel il est lié par un contrat administratif, est le juge administratif y compris si l'hôpital invoque une mauvaise exécution du contrat de fourniture, que l'intérêt d'une bonne administration de la justice conduit à unifier le contentieux des dommages causés par les produits de santé lorsqu'est en cause un établissement public de santé, que cet objectif est conforme aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il est logique que le juge qui statue sur le litige principal puisse statuer également sur l'appel en garantie ;
Vu les observations présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et de la Savoie ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à M. X..., qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, membre du Tribunal, - les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner-Texidor pour la société Groupe Lépine ; - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
Considérant qu'à la suite de la luxation d'une prothèse du genou, posée le 25 janvier 2000 au centre hospitalier de Chambéry, M. X... a dû subir, les 27 avril 2000 et 8 février 2001 deux interventions chirurgicales tendant à la reprise et au remplacement de sa prothèse ; qu'invoquant la défectuosité de celle-ci, M. X... a exercé un recours indemnitaire contre le centre hospitalier qui a appelé en garantie la société Groupe Lépine, producteur de la prothèse ; que, par un arrêt du 12 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a condamné le centre hospitalier à verser des indemnités à M. X... en réparation de ses préjudices et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie au titre de ses débours ; qu'elle a rejeté les conclusions du centre hospitalier tendant à ce que la société Groupe Lépine le garantisse des condamnations prononcées à son encontre sur le fondement des dispositions issues de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, transposée en droit français par les dispositions des articles 1386-1 à 1386-18 du code civil ; que, sur le pourvoi du centre hospitalier, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par décision du 15 avril 2015, renvoyé au Tribunal des conflits la question de savoir si le litige relève ou non de la compétence de la juridiction administrative en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015 ;
Considérant que, si le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise, y compris lorsqu'il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d'un patient, il peut, lorsque sa responsabilité est recherchée par ce dernier sur ce fondement, exercer un recours en garantie à l'encontre du producteur ;
Considérant que, selon l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001, les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs de sorte que les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence du juge administratif ; que constitue un tel litige, l'action en garantie engagée par le service public hospitalier à l'encontre d'un producteur auquel il est lié par un contrat administratif portant sur la fourniture de produits dont la défectuosité de l'un d'eux a été constatée et le contraint à indemniser le patient de ses conséquences dommageables ; que cette action peut être fondée sur les stipulations du contrat, sur les vices cachés du produit en application des articles 1641 à 1649 du code civil ou encore sur les règles issues de la directive précitée, telle qu'elle a été interprétée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2011 Centre hospitalier de Besançon c. Dutrueux e. n° C-495/10 ;
Considérant qu'il appartient en conséquence à la juridiction de l'ordre administratif de connaître du litige opposant le centre hospitalier de Chambéry à la société Groupe Lépine ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant le centre hospitalier de Chambéry à la société Groupe Lépine.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Chambéry, à la société Groupe Lépine, au ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et de la Savoie et à M. X....
Délibéré dans la séance du 14 mars 2016 où siégeaient : M. Edmond Honorat, président du Tribunal des conflits, présidant ; MM. Alain Ménéménis, Rémy Schwartz, M. Thierry Tuot, Yves Maunand, Thierry Fossier, Mmes Domitille Duval-Arnould et Bénédicte Farthouat-Danon, membres du Tribunal.
Lu en séance publique le 11 avril 2016


Synthèse
Numéro d'arrêt : T1604044
Date de la décision : 11/04/2016

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à un contrat administratif - Contrat administratif - Définition - Marché public - Applications diverses - Action en garantie exercée par un centre hospitalier, contraint à indemniser un patient des préjudices consécutifs à la défectuosité d'une prothèse, à l'encontre du producteur de cette prothèse

Si le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise, y compris lorsqu'il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d'un patient, il peut, lorsque sa responsabilité est recherchée par ce dernier sur ce fondement, exercer un recours en garantie à l'encontre du producteur. Selon l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs de sorte que les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence du juge administratif. Constitue un tel litige, l'action en garantie engagée par le service public hospitalier à l'encontre d'un producteur auquel il est lié par un contrat administratif portant sur la fourniture de produits dont la défectuosité de l'un d'eux a été constatée et le contraint à indemniser le patient de ses conséquences dommageables, cette action pouvant être fondée sur les stipulations du contrat, sur les vices cachés du produit en application des articles 1641 à 1649 du code civil ou encore sur les règles issues de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985, telle qu'elle a été interprétée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2011 (CJUE, arrêt du 21 décembre 2011, Dutrueux et caisse primaire d'assurance maladie du Jura, C-495/10). Il appartient en conséquence à la juridiction de l'ordre administratif de connaître du litige opposant le centre hospitalier au producteur


Références :

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

loi du 24 mai 1872

décret n° 2015-233 du 27 février 2015

directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985

code des marchés publics code civil

Décision attaquée : Conseil d'Etat, 23 décembre 2015


Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Avocat général : Mme Escaut (rapporteur public)
Rapporteur ?: Mme Duval-Arnould
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2016:T1604044
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award