N° 4017
Conflit sur renvoi du Conseil d'Etat
Ministère de l'intérieur c/ M. Mohammed T.
M. Yves Maunand Rapporteur
M. Bertrand Dacosta Rapporteur public
Séance du 6 juillet 2015 Lecture du 6 juillet 2015
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition de la décision du 15 avril 2015 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation de l'arrêt du 30 avril 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'ordonnance du 4 juin 2013 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant la demande de M. T. comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;
Vu le mémoire présenté par le ministre de l'intérieur tendant à ce que le juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige aux motifs que les informations susceptibles d'être détenues par le directeur départemental de la sécurité publique lui ont été transmises dans le cadre de la procédure judiciaire menée de 1993 à 2003 et que la demande de M. T. tendant à obtenir la reprise d'une information sur charges nouvelles suppose de porter une appréciation sur la procédure judiciaire qui s'est déroulée entre 1993 et 2003 ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à M. T. qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;
Vu le décret du 27 février 2015 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Maunand , membre du Tribunal, - les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
Considérant que, le 7 avril 1993, Pascal T. a été retrouvé sans vie dans une chambre de sûreté du commissariat de police d'Arcachon où il avait été placé quelques heures auparavant en application de l'article L. 3341-1 du code de la santé publique ; que, le 19 avril 1993, M. et Mme T., parents de Pascal T., ont saisi la juridiction pénale d'une plainte contre personne non dénommée pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner et non-assistance à personne en danger ; que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu le 28 juin 1996, confirmée par un arrêt définitif de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bordeaux du 19 juin 2003 ; que, le 28 juin 2010, M. T. a demandé au directeur départemental de la sécurité publique de la Gironde de communiquer au parquet général ce qu'il savait "de l'affaire (...) qui puisse faire avancer le dossier" relatif aux circonstances du décès de son fils ; que M. T. a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de rejet implicite opposée à sa demande ; que, par ordonnance du 4 juin 2013, le président de la 5e chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par arrêt du 30 avril 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé cette ordonnance et renvoyé le litige devant le tribunal administratif de Bordeaux ; que, sur le pourvoi du ministre de l'intérieur, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par décision du 15 avril 2015, renvoyé au Tribunal des conflits la question de savoir si le litige relève ou non de la compétence de la juridiction administrative en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015 ;
Considérant qu'il résulte de l'article 188 du code de procédure pénale qu'une information clôturée par un non-lieu ne peut être reprise qu'en cas de survenance de charges nouvelles ; qu'aux termes de l'article 189 du même code : "Sont considérées comme charges nouvelles les déclarations des témoins, pièces et procès-verbaux qui, n'ayant pu être soumis à l'examen du juge d'instruction, sont cependant de nature soit à fortifier les charges qui auraient été trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité." ;
Considérant que les informations dont M. T. sollicitait la transmission au procureur général par le directeur départemental de la sécurité publique de la Gironde tendaient à la réouverture sur charges nouvelles d'une information judiciaire clôturée par un non-lieu ; que le rejet implicite opposé à cette demande ne saurait être regardé comme un acte administratif détachable de la procédure qui avait été suivie devant la juridiction de l'ordre judiciaire et susceptible, comme tel, d'être soumis à la juridiction administrative ; que seules les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour connaître du litige opposant M. T. au ministre de l'intérieur ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. T. au ministre de l'intérieur.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohammed T. et au ministre de l'intérieur.