Vu l'expédition de l'ordonnance du 20 juillet 2005 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de la demande présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative par M. X... et tendant à la condamnation de la société Gan-Vie à lui payer une provision sur les sommes qui lui sont dues au titre du complément de pension dont il bénéficiait en qualité d'ancien directeur général et d'ancien président du conseil d'administration de cette société, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 21 septembre 2004 par lequel la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) a déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. X... et à la société Gan-Vie ainsi qu'à la société de gestion de garanties et de participations (SGGP) ;
Vu le mémoire présenté pour la société de gestion de garanties et de participations (SGGP) et tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige, à l'annulation de l'arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2004 et au renvoi de l'affaire devant la Cour de cassation ;
Vu le mémoire en date du 5 octobre 2005, présenté pour la société Gan-Vie et tendant :
1) à ce que soit déclarée irrecevable et irrégulière la procédure en vertu de laquelle le Tribunal a été saisi, la requête au Conseil d'Etat étant irrecevable pour défaut de mandat de son signataire et le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté ;
2) à ce que soit annulée et déclarée nulle et non-avenue en raison de cette irrecevabilité l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat en date du 20 juillet 2005 ;
3) à ce qu'il soit décidé, en tout état de cause, que la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige dans lequel, d'une part, elle conclut à la nullité de l'acte administratif constitué par une lettre du 4 mars 1980 du directeur des assurances du ministère de l'économie et des finances sur le fondement de laquelle était versée à M. X... le complément de retraite dont il demande la poursuite du paiement et, d'autre part, elle fait valoir que la contestation concerne le dirigeant d'une entreprise publique ;
Vu le mémoire présenté pour M. X... et tendant à ce que la juridiction de l'ordre judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige, par les motifs que les sociétés Gan-Vie et SGGP sont des personnes morales de droit privé et ne sont pas investies d'une mission de service public, que ses qualités de directeur général puis de président d'une société d'assurance alors nationale, étrangère à sa qualité de fonctionnaire de l'Etat, ne lui a pas conféré la qualité d'agent public et que le litige n'oppose que des personnes de droit privé ;
Vu les observations présentées pour la SGGP qui s'associe aux conclusions de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Considérant que M. X..., après avoir exercé successivement, depuis 1979, les fonctions de conseiller du président de la société du groupe des assurances nationales (GAN) et de directeur général de cette société, alors société nationale, en a été nommé président du conseil d'administration par décret du Président de la République du 30 juin 1994 ; qu'il a été mis fin à ces dernières fonctions le 28 novembre 1996 ; qu'ayant été admis a faire valoir ses droits à la retraite en 2001, il a demandé le bénéfice du complément de retraite qui résulterait, pour les dirigeants des sociétés nationales d'assurances, d'une lettre adressée le 4 mars 1980 à certains de ces dirigeants par le directeur des assurances du ministère de l'économie et des finances ; que sa demande a été rejetée par les sociétés Gan-Vie et SGGP au motif que, par l'effet de la privatisation, la société Gan-Vie était soumise au droit privé et qu'elle n'avait pas à subir les conséquences d'une décision administrative ; qu'il a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour avoir paiement par la société Gan-Vie d'une provision sur les sommes dont il s'estime privé ; que, par son arrêt du 25 octobre 2002, la cour d'appel de Paris, infirmant l'ordonnance du premier juge, a rejeté l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative qui avait été présentée par la défenderesse et condamné la société Gan-Vie au versement d'une provision à M. X... ; que, par arrêt du 21 septembre 2004, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision des juges du second degré, déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
Sur la saisine du Tribunal :
Considérant qu'il n'appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la régularité de la procédure suivie devant la juridiction qui le saisit du soin de décider sur la compétence pour connaître d'un litige ;
Sur la compétence :
Considérant, d'abord, que si, en vertu de la loi n° 46-835 du 25 avril 1946 relative à la nationalisation de certaines sociétés d'assurances et à l'industrie des assurances en France, les sociétés du groupe des assurances nationales avaient le statut d'entreprises nationales dont l'Etat était l'unique actionnaire, elles demeuraient néanmoins des personnes morales de droit privé, constituées sous la forme de sociétés anonymes et soumises aux lois applicables aux sociétés commerciales ; que leur activité n'avait pas le caractère d'un service public et n'impliquait l'exercice d'aucune prérogative de puissance publique ;
Considérant, ensuite, que, quand bien même elle ferait l'objet d'une approbation par l'autorité administrative, la décision par laquelle une entreprise régie par les lois sur les sociétés commerciales prévoit, comme en l'espèce, le versement d'un avantage de retraite à certains de ses dirigeants, émane d'un organisme de droit privé et n'est pas un acte administratif ;
Considérant qu'il s'ensuit que le litige engagé par M. X... contre la société Gan-Vie, qui ne met en cause que des personnes de droit privé dans leurs rapports entre elles, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
DECIDE :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. X... à la société Gan-Vie.
Article 2 : L'arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 21 septembre 2004 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette Cour.
Article 3 : La procédure suivie devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de l'ordonnance du juge des référés du 20 juillet 2005.