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23/02/2004 | FRANCE | N°04-03381

France | France, Tribunal des conflits, 23 février 2004, 04-03381


Vu la requête présentée pour la commune d'Auribeau-sur-Siagne (Alpes-Maritimes) tendant à ce que le Tribunal, en application de l'article 17 du décret du 26 octobre 1849 modifié, détermine l'ordre de juridiction compétent sur la question de savoir si les terrains dont les consorts X... étaient propriétaires et ont été acquis par la commune par la voie de l'expropriation ont été utilisés conformément à l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 mai 1980 déclarant d'utilité publique cette acquisition, à la suite du conflit négatif découlant de ce que :

1) par un

jugement du 24 février 1995, le tribunal de grande instance de Grasse, saisi d...

Vu la requête présentée pour la commune d'Auribeau-sur-Siagne (Alpes-Maritimes) tendant à ce que le Tribunal, en application de l'article 17 du décret du 26 octobre 1849 modifié, détermine l'ordre de juridiction compétent sur la question de savoir si les terrains dont les consorts X... étaient propriétaires et ont été acquis par la commune par la voie de l'expropriation ont été utilisés conformément à l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 mai 1980 déclarant d'utilité publique cette acquisition, à la suite du conflit négatif découlant de ce que :

1) par un jugement du 24 février 1995, le tribunal de grande instance de Grasse, saisi d'une demande des consorts X... tendant à se voir reconnaître le droit de rétrocession des terrains expropriés, a sursis à statuer et renvoyé les parties à saisir la juridiction administrative seule compétente pour apprécier la conformité de l'affectation des terrains à l'objet de l'opération déclarée d'utilité publique ;

2) par une décision en date du 16 juin 2000, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, après avoir interprété l'arrêté du 9 mai 1980 pour préciser la nature des opérations déclarées d'utilité publique, a déclaré la juridiction judiciaire seule compétente pour constater si l'affectation des terrains était conforme à cette destination ;

Vu les décisions juridictionnelles précitées ;

Vu le mémoire présenté pour les consorts X..., tendant au rejet de la requête et à la condamnation de la commune d'Auribeau-sur-Siagne à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; les consorts X... soutiennent que les juridictions des deux ordres ne se sont pas déclarées incompétentes sur la même question ; que le tribunal de grande instance de Grasse, par un jugement du 24 juillet 2002, a rouvert les débats pour statuer sur le fond ;

Vu le mémoire présenté pour les consorts X... ;

Vu le mémoire en réplique, présenté pour la commune d'Auribeau-sur-Siagne ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales en réponse à la communication qui lui a été donnée de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Sur la recevabilité :

Considérant que, saisi d'un litige relatif aux droits des consorts X... à obtenir la rétrocession de terrains ayant été expropriés au bénéfice de la commune d'Auribeau-sur-Siagne à la suite d'un arrêté portant déclaration d'utilité publique du préfet des Alpes-Maritimes en date du 9 mai 1980, le tribunal de grande instance de Grasse a, par un jugement du 24 février 1995, après avoir relevé qu'il y avait lieu d'interpréter cet arrêté préfectoral et de renvoyer au juge administratif la question de savoir si les terrains dont la rétrocession était demandée avaient ou non reçu la destination prévue, décidé de surseoir à statuer et de renvoyer les parties à saisir la juridiction administrative compétente de " la question préjudicielle relative à la conformité de l'affectation des terrains expropriés à l'objet de l'utilité publique " ; que, par une décision en date du 16 juin 2000, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que les conclusions de la demande des consorts X... tendant à faire constater par la juridiction administrative que les terrains expropriés n'avaient pas reçu l'affectation résultant de la déclaration d'utilité publique relevaient de la compétence de l'autorité judiciaire et s'est borné à interpréter l'arrêté préfectoral du 9 mai 1980 ; qu'ainsi l'autorité judiciaire et l'autorité administrative se sont successivement déclarées incompétentes sur la même question de la conformité de l'affectation des terrains au motif que l'autre ordre de juridiction était compétent ; qu'il en résulte un conflit négatif de compétence ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au Tribunal au cours de l'instruction contradictoire qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat la juridiction judiciaire aurait statué sur le litige ; qu'ainsi, il y a lieu de se prononcer sur la compétence ;

Sur la compétence :

Considérant qu'à l'exception des questions préjudicielles touchant à l'interprétation ou à la validité des décisions administratives relatives à l'affectation des biens expropriés, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître des litiges relatifs aux demandes de rétrocession formées en application de l'article 54 de l'ordonnance du 23 octobre 1958, devenu l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, y compris pour apprécier si les biens expropriés ont effectivement reçu une affectation conforme à celle définie dans l'acte déclaratif d'utilité publique ; que dès lors c'est à tort que, par son jugement en date du 24 février 1995, le tribunal de grande instance de Grasse a décliné la compétence de l'ordre judiciaire pour statuer sur cette question ;

Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la Commune d'Auribeau-sur-Siagne à verser aux consorts X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour apprécier si les biens dont l'acquisition par la commune d'Auribeau-sur-Siagne a été déclarée d'utilité publique par l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 9 mai 1980 ont reçu une affectation conforme à celle prévue par cet arrêté.

Article 2 : Le jugement en date du 24 février 1995 est déclaré nul et non avenu en tant que par ce jugement le tribunal de grande instance de Grasse a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour apprécier si les biens ont reçu une affectation conforme à celle prévue par l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 9 mai 1980.

Article 3 : La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 4 : Les conclusions des consorts X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 04-03381
Date de la décision : 23/02/2004

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Expropriation pour cause d'utilité publique - Rétrocession - Conditions - Immeuble n'ayant pas reçu la destination prévue - Litige relatif à la destination - Compétence judiciaire.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Rétrocession - Conditions - Immeuble n'ayant pas reçu la destination prévue - Litige relatif à la destination - Compétence judiciaire

A l'exception des questions préjudicielles touchant à l'interprétation ou à la validité des décisions administratives relatives à l'affectation des biens expropriés, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître des litiges relatifs aux demandes de rétrocession formées en application de l'article 54 de l'ordonnance de 1958, devenu l'article L.12-6 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, y compris pour apprécier si les biens expropriés ont effectivement reçus une affectation conforme à celle définie dans l'acte déclaratif d'utilité publique.


Références :

Code de l'expropriation L.12-6
Loi 91-647 du 10 juillet 1991

Décision attaquée : Conseil d'Etat, 2000-06-16, Tribunal de grande instance de Grasse, 1995-02-24


Composition du Tribunal
Président : M. Robineau.
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: M. Durand-Viel.
Avocat(s) : La SCP Bouzidi,La SCP Lesourd.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2004:04.03381
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