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17/04/2000 | FRANCE | N°00-03193

France | France, Tribunal des conflits, 17 avril 2000, 00-03193


Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. Philippe X... et autres à la société Air France devant le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges ;

Vu le déclinatoire, présenté le 7 avril 1999 par le préfet du Val-de-Marne, tendant à voir déclarer la juridiction administrative seule compétente pour apprécier la légalité de l'article 1.2.1 du règlement du personnel au sol n° 2 de la compagnie Air France qui détermine la durée hebdomadaire du travail ;

Vu le jugement du

23 septembre 1999, notifié le 30 septembre 1999, par lequel le conseil de pr...

Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. Philippe X... et autres à la société Air France devant le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges ;

Vu le déclinatoire, présenté le 7 avril 1999 par le préfet du Val-de-Marne, tendant à voir déclarer la juridiction administrative seule compétente pour apprécier la légalité de l'article 1.2.1 du règlement du personnel au sol n° 2 de la compagnie Air France qui détermine la durée hebdomadaire du travail ;

Vu le jugement du 23 septembre 1999, notifié le 30 septembre 1999, par lequel le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer concernant le litige relatif à la 39e heure ;

Vu l'arrêté du 14 octobre 1999 par lequel le préfet a élevé le conflit ;

Vu le jugement du 27 octobre 1999 par lequel le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a sursis à statuer sur le litige relatif à la 39e heure ;

Vu le mémoire par lequel l'Union locale des syndicats CGT de la Plate-Forme d'Orly, intervenante devant le conseil de prud'hommes, conclut à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que le préfet du Val-de-Marne est juge et partie ; qu'en outre, le litige porte exclusivement sur l'exécution du contrat de travail ;

Vu le mémoire présenté par le ministre de l'Emploi et de la Solidarité tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que la légalité du règlement du personnel au sol n° 2 n'est pas mise en cause devant le conseil de prud'hommes ;

Vu le mémoire présenté pour la société Air France tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le juge prud'homal ne peut se prononcer sur la légalité des situations individuelles résultant de l'application du règlement du personnel au sol n° 2 du statut de la société Air France sans remettre en cause la légalité de ce texte réglementaire alors que le juge administratif est seul compétent pour connaître de sa légalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifiée ;

Vu le Code du travail, notamment ses articles L. 132-8, L. 134-1, L. 134-2 et L. 321-1.2 ;

Vu le Code de l'aviation civile, notamment ses articles L. 342-1, R. 342-5 et R. 342-13 ;

Considérant que M. X... et 115 autres agents ont assigné la société Air France, leur employeur, devant le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges en paiement de diverses sommes, d'une part, au titre d'une prime de tâche spéciale, d'autre part, au titre d'une heure complémentaire car ne leur serait pas opposable le passage de la durée hebdomadaire du travail effectif de 38 heures à 39 heures résultant de la modification apportée au " règlement du personnel au sol n° 2 " par délibération du conseil d'administration de la Compagnie nationale Air France en date du 30 septembre 1994, approuvée par arrêté interministériel du même jour ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, d'une part, que si les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 font obstacle à ce que le Tribunal auquel un déclinatoire de compétence a été soumis statue au fond sans avoir respecté un délai de 15 jours à compter de la réception par le préfet de la copie du jugement rejetant le déclinatoire de compétence, le conseil de prud'hommes, contrairement à ce que soutient la société Air France, s'est conformé à ces exigences dès lors que, sur le litige afférent à la 39e heure, il a par son jugement du 23 septembre 1999, rejeté implicitement le déclinatoire de compétence sans prendre position sur le fond ; qu'en outre, après élévation du conflit, il a par son jugement du 27 octobre 1999 sursis à statuer sur ce même litige dans l'attente de la décision du Tribunal des Conflits tout en déclarant fondée la demande afférente au versement de la prime de tâche spéciale laquelle n'était pas en cause dans la procédure de conflit ;

Considérant, d'autre part, que le Tribunal des Conflits a pour mission essentielle de veiller au respect du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ; qu'il tranche à cet effet les questions touchant à la répartition des compétences entre les juridictions des deux ordres dans le cadre de règles qui garantissent à toute personne le droit à une juridiction indépendante et impartiale ; qu'il ne saurait donc être soutenu que la procédure d'élévation du conflit serait irrégulière au motif que l'Etat a la qualité d'actionnaire majoritaire de la société partie au litige devant le juge judiciaire ;

Sur la compétence :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 134-1 du Code du travail, dans leur rédaction issue de la loi du 13 novembre 1982, combinées avec celles de l'article R. 342-13 du Code de l'aviation civile, les personnels de la société Air France sont au nombre des catégories de personnels relevant d'un statut réglementaire particulier, qui n'est susceptible d'être complété par des conventions ou accords d'entreprises que " dans les limites fixées par le statut " ; que les dispositions statutaires élaborées par le conseil d'administration puis soumises à l'approbation de l'autorité de tutelle apparaissent comme des éléments de l'organisation du service public exploité, qui présentent le caractère d'un acte administratif réglementaire ; que la juridiction administrative est seule compétente pour en apprécier la légalité ;

Considérant en revanche, qu'il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de se prononcer sur les litiges individuels opposant le personnel à la société Air France, qui est une société d'économie mixte à caractère industriel et commercial, sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle relative à la légalité du statut ;

Considérant que pour rejeter le déclinatoire de compétence dont il était saisi le conseil de prud'hommes a relevé que le litige qui lui était soumis portait sur " la modification de dispositions contractuelles " relatives à la durée hebdomadaire du travail ; que la position ainsi adoptée n'implique pas que le conseil de prud'hommes ait entendu se faire juge de la légalité du statut à caractère réglementaire dont il ne pourrait écarter les dispositions qu'au cas où la juridiction administrative, saisie directement ou à la suite d'un renvoi préjudiciel, en aurait constaté l'illégalité ; que, dès lors, c'est à tort que le conflit a été élevé ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 14 octobre 1999 par le préfet du Val-de-Marne est annulé.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 00-03193
Date de la décision : 17/04/2000

Analyses

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Conflit - Arrêté de conflit - Procédure - Régularité - Etat actionnaire majoritaire de la société partie au litige - Portée.

1° Le Tribunal des Conflits a pour mission essentielle de veiller au respect du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et tranche à cet effet les questions touchant à la répartition des compétences entre les juridictions des deux ordres dans le cadre de règles qui garantissent à toute personne le droit à une juridiction indépendante et impartiale. Il ne saurait donc être soutenu que la procédure d'élévation du conflit serait irrégulière au motif que l'Etat a la qualité d'actionnaire majoritaire de la société partie au litige devant le juge judiciaire.

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Services et établissements publics à caractère industriel et commercial - Personnel - Air France - Statut réglementaire particulier - Légalité des dispositions statutaires élaborées par le conseil d'administration - Compétence administrative.

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Société d'économie mixte - Personnel - Air France - Statut réglementaire particulier - Légalité des dispositions statutaires élaborées par le conseil d'administration - Compétence administrative 2° SEPARATION DES POUVOIRS - Services et établissements publics à caractère industriel et commercial - Personnel - Air France - Litige individuel opposant le personnel à la société - Compétence judiciaire.

2° En vertu des dispositions de l'article L. 134-1 du Code du travail, dans leur rédaction issue de la loi du 13 novembre 1982, combinées avec celles de l'article R. 342-13 du Code de l'aviation civile, les personnels de la société Air France sont au nombre des catégories de personnels relevant d'un statut réglementaire particulier, qui n'est susceptible d'être complété par des conventions ou accords d'entreprises que " dans les limites fixées par le statut ". Si la juridiction administrative est seule compétente pour apprécier la légalité des dispositions statutaires élaborées par le conseil d'administration, puis soumises à l'approbation de l'autorité de tutelle, qui apparaissent comme des éléments de l'organisation du service public exploité et présentent le caractère d'un acte administratif réglementaire, en revanche, il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de se prononcer sur les litiges individuels opposant le personnel à la société Air France, qui est une société d'économie mixte à caractère industriel et commercial, sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle relative à la légalité du statut.


Références :

2° :
Code de l'aviation civile R342-13
Code du travail L134-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. de Caigny
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Genevois.
Avocat(s) : Avocat : M. Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2000:00.03193
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