La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2000 | FRANCE | N°00-03113

France | France, Tribunal des conflits, 14 février 2000, 00-03113


Vu l'expédition du jugement du 12 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi d'une demande de la société anonyme Imphy tendant à ce que la commune d'Ingrandes-sur-Vienne soit condamnée à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait d'engagements de cautionnement irréguliers pris par le maire en sa qualité de président-directeur général de la Société d'investissement de la région ingrandaise, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le j

ugement du 1er septembre 1992 par lequel le tribunal de commerce de Châte...

Vu l'expédition du jugement du 12 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi d'une demande de la société anonyme Imphy tendant à ce que la commune d'Ingrandes-sur-Vienne soit condamnée à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait d'engagements de cautionnement irréguliers pris par le maire en sa qualité de président-directeur général de la Société d'investissement de la région ingrandaise, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 1er septembre 1992 par lequel le tribunal de commerce de Châtellerault s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu le mémoire, présenté pour la société anonyme Imphy qui conclut à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige ; elle soutient que, par trois actes des 6 juin 1989, 7 janvier 1990 et 8 juillet 1990, la Société d'investissement de la région ingrandaise (SIRI), société d'économie mixte dont le président-directeur général est le maire d'Ingrandes-sur-Vienne, s'est, sous la signature de ce dernier, porté caution solidaire et indivisible de toutes les sommes qui pourraient être dues à la société anonyme Imphy par la société Ingrandes Inox ; que cette société a été mise en liquidation judiciaire et qu'à son passif figurait une créance de la société anonyme Imphy pour un montant de 59 229 002,97 francs ; que la Société d'investissement de la région ingrandaise ayant refusé de satisfaire à ses engagements de caution solidaire, la société anonyme Imphy l'a assignée ainsi que la commune d'Ingrandes-sur-Vienne et son maire devant le tribunal de commerce de Châtellerault qui s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en tant qu'elle était dirigée contre la commune et a déclaré le cautionnement inopposable à la Société d'investissement de la région ingrandaise, faute pour son président-directeur général d'avoir obtenu l'autorisation préalable du conseil d'administration ; que le tribunal administratif de Poitiers s'est également déclaré incompétent pour connaître de la demande d'indemnité fondée sur la faute du maire d'Ingrandes-sur-Vienne agissant en qualité de président-directeur général de la Société d'investissement de la région ingrandaise ; qu'en vertu de la loi du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, ces sociétés sont des sociétés anonymes auxquelles s'applique la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales ; que, toutefois, en vertu de l'article 8 de la loi du 7 juillet 1983, codifié sur ce point au quatrième alinéa de l'article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, la responsabilité civile qui résulte de l'exercice du mandat des représentants d'une collectivité au conseil d'administration d'une société d'économie mixte incombe à la collectivité territoriale dont ils sont mandataires ; que c'est donc à bon droit que la société a recherché la responsabilité de la commune en raison de la faute commise par son maire en sa qualité de représentant de la commune au conseil d'administration de la Société d'investissement de la région ingrandaise ; qu'une telle action relève, conformément à la jurisprudence constante du Tribunal des Conflits, de la juridiction de l'ordre judiciaire ;

Vu le mémoire, présenté pour la commune d'Ingrandes-sur-Vienne qui conclut à ce que la juridiction de l'ordre judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige ; elle soutient qu'en usant de ses fonctions à la tête de la Société d'investissement de la région ingrandaise, pour l'amener, sans autorisation du conseil d'administration, à se porter caution des dettes de la société Ingrandes Inox dont il était le dirigeant, M. X..., maire d'Ingrandes-sur-Vienne a commis une faute personnelle détachable du service ; que la commune doit rester étrangère à ce litige ; qu'en tout état de cause, même si la commune pouvait être poursuivie, il n'appartiendrait qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître d'une action fondée sur une méconnaissance des règles relatives à l'information du conseil d'administration d'une société d'économie mixte, personne morale de droit privé, en matière de cautionnement ;

Vu les pièces du dossier dont il ressort que la saisine du Tribunal des Conflits a été notifiée au ministre de l'Intérieur qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le Code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;

Vu la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 ;

Considérant que, par des actes signés en 1989 et 1990, la Société d'investissement de la région ingrandaise, société d'économie mixte dont la commune d'Ingrandes-sur-Vienne possédait 80 % des actions et dont le président était le maire de cette commune, s'est portée, à l'égard de la société anonyme Imphy, " caution solidaire et indivisible pour le remboursement de toutes les sommes qui peuvent ou pourront lui être dues par la société Ingrandes Inox au titre des achats effectués par celle-ci " entre le 1er mai 1989 et le 30 juin 1991 ; que la société anonyme Imphy qui détenait, au titre des achats effectués auprès d'elle par cette société pendant la période susmentionnée, une créance d'environ 59 millions de francs dont elle n'a pu obtenir le paiement ni de la part de la société elle-même, mise en liquidation judiciaire en novembre 1991, ni de la part de la société ingrandaise d'investissement en raison de l'irrégularité des actes de caution signés par son président, a demandé réparation de son préjudice à la commune d'Ingrandes-sur-Vienne ;

Considérant que l'action exercée par la société anonyme Imphy contre la commune se fonde exclusivement sur la responsabilité que cette collectivité aurait encourue dans la gestion de la société d'économie mixte, en raison de la qualité d'administrateur et de dirigeant de droit de son maire, en vertu des dispositions combinées des articles 98 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et du quatrième alinéa de l'article 8 de la loi du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, codifié à l'article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales ; que cette action, qui met en cause des rapports de droit privé, relève des tribunaux de l'ordre judiciaire ;

DECIDE :

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est déclarée compétente pour connaître du litige opposant la société anonyme Imphy à la commune d'Ingrandes-sur-Vienne ;

Article 2 : Le jugement du 1er septembre 1992 du tribunal de commerce de Châtellerault est déclaré nul et non avenu en tant qu'il se déclare incompétent pour connaître des conclusions de la société anonyme Imphy contre la commune d'Ingrandes-sur-Vienne. La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal de commerce de Poitiers qui, en application du décret n° 99-959 du 30 juillet 1999, remplace le tribunal de commerce de Châtellerault supprimé ;

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Poitiers est déclarée nulle et non avenue à l'exception du jugement du 12 mars 1998.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 00-03113
Date de la décision : 14/02/2000

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Commune - Responsabilité - Gestion d'une société d'économie mixte - Qualité d'administrateur et de dirigeant de droit de son maire - Action - Compétence judiciaire .

L'action exercée par une société anonyme contre une commune qui se fonde exclusivement sur la responsabilité que cette collectivité aurait encourue dans la gestion d'une société d'économie mixte, en raison de la qualité d'administrateur et de dirigeant de droit de son maire, en vertu des dispositions combinées des articles 98 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et du quatrième alinéa de l'article 8 de la loi du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, codifié à l'article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, met en cause des rapports de droit privé. Il s'ensuit que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître de cette action.


Références :

Code général des collectivités territoriales L1524-5
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 98, art. 244
Loi 83-597 du 07 juillet 1983 art. 8

Décision attaquée : Tribunal administratif de Poitiers, 12 mars 1998


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. de Caigny
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Aubin.
Avocat(s) : Avocats : MM. Bertrand, Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2000:00.03113
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award