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18/10/1999 | FRANCE | N°03169

France | France, Tribunal des conflits, 18 octobre 1999, 03169


Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 mai 1999, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant Mme X... à la commune d'Ajaccio devant la Cour d'appel de Bastia ;
Vu le déclinatoire présenté le 16 avril 1998 par le PREFET DE CORSE, PREFET DE LA CORSE DU SUD, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1e

r juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu l...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 mai 1999, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant Mme X... à la commune d'Ajaccio devant la Cour d'appel de Bastia ;
Vu le déclinatoire présenté le 16 avril 1998 par le PREFET DE CORSE, PREFET DE LA CORSE DU SUD, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu l'article L. 84 du code du domaine de l'Etat ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Genevois, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la ville d'Ajaccio,
- les conclusions de M. Sainte-Rose, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les contrats accordant à une personne publique ou à une personne privée la concession de l'établissement et de l'exploitation d'un port de plaisance en bordure du rivage de la mer ont le caractère de contrat portant occupation du domaine public ;que les litiges relatifs à ces contrats relèvent, en principe, de la juridiction administrative, par application de l'article 1er du décret du 17 juin 1938 devenu l'article L. 84 du code du domaine de l'Etat ; qu'il en va pareillement, sur le fondement du même texte, des contrats par lesquels leconcessionnaire, en sa qualité de concessionnaire de service public, confie à un tiers l'établissement d'un outillage ou l'exploitation d'ouvrages implantés sur le domaine public concédé ;
Considérant toutefois, que les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des atteintes portées par l'autorité administrative aux droits des concessionnaires comme des sous-concessionnaires, lorsque ces atteintes présentent le caractère d'une emprise irrégulière ou d'une voie de fait ;
Considérant que l'action engagée par Mme X... devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio tend à ce que soit ordonné, outre l'arrêt des travaux effectués par la commune d'Ajaccio dans le cadre de l'aménagement du port de plaisance dont l'établissement et l'exploitation lui ont été confiés par la puissance publique, la remise des lieux en l'état au motif que les travaux litigieux se traduisent par l'amputation à son détriment d'une "quinzaine de mètres" de bord de quai sur les soixante mètres visés dans la lettre du maire d'Ajaccio du 14 avril 1987 intervenue à la suite du sous-traité de concession conclu par l'intéressée avec la commune le 9 juillet 1980 en vue de l'établissement et de l'exploitation, à l'intérieur du port de plaisance, d'une station de distribution de produits pétroliers pour l'avitaillement des bateaux ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu du sous-traité de concession approuvé par l'autorité de tutelle le 3 septembre 1980 "tous les ouvrages et installations réalisés par le sous-traitant rentrent, dès leur achèvement, dans le domaine de l'Etat" ; que s'il est fait exception à cette règle pour les appareils de stockage et de distribution aussi longtemps que les dispositions du sous-traité n'auront pas été mises en conformité avec la nouvelle rédaction du cahier des charges de la concession issue de l'avenant n° 2 approuvé par arrêté préfectoral du 18 janvier 1984, il est constant que les appareils de stockage et de distribution dont s'agit n'ont fait l'objet d'aucune dépossession de la part de la commune d'Ajaccio ; que, dans ces conditions, l'intervention de cette dernière n'a pas le caractère d'une emprise irrégulière portant atteinte à un droit réel immobilier dont Mme X... serait titulaire ;

Considérant, d'autre part, que les restrictions qui affectent, en raison des travaux exécutés par la commune dans le cadre de la concession du port de plaisance, l'exercice par Mme X... de l'activité professionnelle qu'elle avait été autorisée à mener en tant qu'occupant temporaire du domaine public et pour les besoins de l'exploitation de ce dernier, ne sauraient être regardées, en tout état de cause, comme portant une atteinte grave au droit de propriété de Mme X... ou à une liberté fondamentale ; qu'ainsi l'intervention de la commune n'est pas davantage constitutive d'une voie de fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le conflit a été élevé ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris par le PREFET DE CORSE, PREFET DE LA CORSE DU SUD le 21 janvier 1999 est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par Mme X... contre la commune d'Ajaccio devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio et la Cour d'appel de Bastia, l'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance du 10 février 1998 ainsi que l'arrêt de la Cour d'appel en date du 12 janvier 1999.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 03169
Date de la décision : 18/10/1999
Sens de l'arrêt : Confirmation arrêté de conflit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Conflit positif

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - LIBERTE INDIVIDUELLE - PROPRIETE PRIVEE ET ETAT DES PERSONNES - LIBERTE INDIVIDUELLE - VOIE DE FAIT - Traité de sous-concession dans un port portant occupation du domaine public - Travaux amputant une partie du bord de quai objet du traité - Appréciation de l'existence d'une voie de fait - Titre d'occupation du domaine public prorogé par un acte administratif illégal - Conséquence - Absence.

17-03-02-08-01-02 Mme M. a conclu avec une commune un traité de sous-concession en vue de l'établissement et de l'exploitation, à l'intérieur d'un port de plaisance, d'une station de distribution de produits pétroliers pour l'avitaillement des bateaux. La durée de ce traité a été prolongée par une lettre du maire de la commune. Mme M. demande au juge judiciaire que soient ordonnés l'arrêt des travaux effectués par la commune dans le cadre de l'aménagement du port et la remise des lieux en l'état au motif que ces travaux se traduisent par une amputation à son détriment d'une partie du bord de quai. Pour l'application de la théorie de la voie de fait, il n'y a pas lieu pour le juge des conflits de tenir compte de la circonstance que le titre d'occupation du domaine public dont Mme M. est titulaire a été prorogé par un acte administratif illégal.

- RJ1 COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - LIBERTE INDIVIDUELLE - PROPRIETE PRIVEE ET ETAT DES PERSONNES - PROPRIETE - Traité de sous-concession dans un port portant occupation du domaine public - Travaux amputant une partie du bord de quai objet du traité - a) Théorie de l'emprise et de la voie de fait - Titre d'occupation du domaine public prorogé par un acte administratif illégal - Conséquence - Absence - b) Emprise irrégulière - Absence - Traité prévoyant l'incorporation dans le domaine de l'Etat - dès leur achèvement - des ouvrages ou installations réalisés par le concessionnaire (1).

17-03-02-08-02 Mme M. a conclu avec une commune un traité de sous-concession en vue de l'établissement et de l'exploitation, à l'intérieur d'un port de plaisance, d'une station de distribution de produits pétroliers pour l'avitaillement des bateaux. La durée de ce traité a été prolongée par une lettre du maire de la commune. Mme M. demande au juge judiciaire que soit ordonné l'arrêt des travaux effectués par la commune dans le cadre de l'aménagement du port et la remise des lieux en l'état au motif que ces travaux se traduisent par une amputation à son détriment d'une partie du bord de quai. a) Pour l'application des théories de l'emprise et de la voie de fait, il n'y a pas lieu pour le juge des conflits de tenir compte de la circonstance que le titre d'occupation du domaine public dont Mme M. est titulaire a été prorogé par un acte administratif illégal. b) Le sous-traité de concession prévoit que "tous les ouvrages et installations réalisés par le sous-traitant rentrent, dès leur achèvement, dans le domaine de l'Etat". S'il est fait exception à cette règle pour les appareils de stockage et de distribution, il est constant que ces appareils n'ont fait l'objet d'aucune dépossession de la part de la commune. Dans ces conditions, l'intervention de la commune n'a pas le caractère d'une emprise irrégulière portant atteinte à un droit réel immobilier dont Mme M. serait titulaire.


Références :

Code du domaine de l'Etat L84
Décret du 17 juin 1938 art. 1

1.

Cf. TC, 1904-12-24, Montlaur, p. 888, conclusions Romieu ;

TC, 1985-12-26, Commune de Rueil-Malmaison c/ SCI "Les Hauts de Malmaison", p. 849


Composition du Tribunal
Président : M. Waquet
Rapporteur ?: M. Genevois
Rapporteur public ?: M. Sainte-Rose
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1999:03169
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