Vu l'expédition du jugement en date du 27 février 1996, par lequel le tribunal administratif de Versailles a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence relative à la demande formée par la société anonyme Ciments Lafarge contre Electricité de France (EDF), tendant à l'indemnisation du coût de déplacement d'un pylône de ligne électrique ;
Vu le jugement, en date du 24 mai 1995, par lequel le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société anonyme Ciments Lafarge, tendant au déplacement du pylône et à la prise en charge du coût de ce déplacement par Electricité de France ;
Vu les observations du ministre de l'Industrie, tendant à ce que la juridiction de l'ordre judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige ;
Vu le mémoire présenté pour Electricité de France, contestant la régularité de la saisine du Tribunal des Conflits, et tendant subsidiairement à voir déclarer nulle et non avenue la procédure engagée par la société anonyme Ciments Lafarge devant la juridiction administrative ;
Vu le mémoire présenté pour la société anonyme Ciments Lafarge, tendant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et au renvoi devant le tribunal de grande instance de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi du 15 juin 1906 ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que le tribunal de grande instance a décliné la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer sur les demandes de la société anonyme Ciments Lafarge tendant à voir ordonner le déplacement, par Electricité de France, d'un pylône de ligne électrique, et la prise en charge, par cet établissement, du coût des travaux ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif, saisi de demandes se rattachant au même litige, a fait application des dispositions de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Sur la compétence :
Considérant qu'en application de la loi du 15 juin 1906, une convention conclue entre Electricité de France et la société anonyme Ciments Lafarge a institué la servitude de passage d'une ligne électrique sur un terrain de ladite société à usage de carrière ; que le déplacement d'un pylône supportant la ligne électrique, rendu nécessaire par la progression de l'exploitation de la carrière, a été effectué par Electricité de France, aux frais avancés de la société ; que celle-ci a réclamé la prise en charge du coût des travaux par Electricité de France ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 que si les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d'entretien des ouvrages ressortissent à la compétence des juridictions administratives, en revanche, les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées par ladite loi au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, tels que la dépréciation de l'immeuble, les troubles de jouissance et d'exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien ;
Considérant que le dommage occasionné par le déplacement du pylône de ligne électrique, en raison du plan d'exploitation de la carrière, est une conséquence de la servitude ; qu'il suit de là que le litige qui oppose la société anonyme Ciments Lafarge à Electricité de France, sur l'indemnisation de ce dommage, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
DECIDE :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la société anonyme Ciments Lafarge à Electricité de France ;
Article 2 : Le jugement rendu le 24 mai 1995 par le tribunal de grande instance de Paris est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal ;
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Versailles est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement du 27 février 1996.