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04/11/1996 | FRANCE | N°96-03035

France | France, Tribunal des conflits, 04 novembre 1996, 96-03035


Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant Mme X... au maire de la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) à la société Semsamar, au préfet de la région Guadeloupe et à l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu le déclinatoire présenté le 15 décembre 1995 par le préfet de la Guadeloupe tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que les décisions contestées trouvent leur base légale dans le Code des communes, le Code de l'urbanisme et le Code de la c

onstruction et de l'habitat ; que les deux cyclones qui se sont abattus ...

Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant Mme X... au maire de la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) à la société Semsamar, au préfet de la région Guadeloupe et à l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu le déclinatoire présenté le 15 décembre 1995 par le préfet de la Guadeloupe tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que les décisions contestées trouvent leur base légale dans le Code des communes, le Code de l'urbanisme et le Code de la construction et de l'habitat ; que les deux cyclones qui se sont abattus en septembre 1995 sur l'île de Saint-Martin constituent en toute hypothèse des circonstances exceptionnelles interdisant de regarder les mesures prises pour le rétablissement de l'ordre et de l'hygiène comme constitutives de voie de fait ;

Vu l'ordonnance du 5 mars 1996 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Basse-Terre, statuant en référé, a rejeté le déclinatoire de compétence ;

Vu l'arrêté du 20 mars 1996 par lequel le préfet a élevé le conflit ;

Vu le jugement du 26 mars 1996 par lequel le tribunal de grande instance a sursis à toute procédure ;

Vu le mémoire présenté au nom de l'Etat par l'agent judiciaire du Trésor, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le maire a agi dans le cadre de ses pouvoirs de police, et qu'aucune voie de fait n'a été commise ;

Vu le mémoire présenté par Mme X... tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que divers agissements de l'Administration sont constitutifs d'une voie de fait ; qu'il en va ainsi de la violation de domicile et de la façon dont l'Administration a décidé de détruire des habitations, ou a menacé de procéder à de telles destructions ; qu'il y a eu abus d'autorité ; que la théorie des circonstances exceptionnelles ne peut être retenue en l'espèce ;

Vu le mémoire présenté par le ministre de l'Outre-Mer, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que l'arrêté municipal du 9 septembre 1995 se rattachait à un pouvoir de l'Administration ; qu'il n'y a eu aucune mesure matérielle d'exécution forcée ou de contrainte physique ; que l'habitation de l'intéressée n'a été ni détruite ni endommagée ; qu'il n'y a pas eu violation de domicile ; que, subsidiairement, l'application de la théorie des circonstances exceptionnelles conduirait également à retenir la compétence de la juridiction administrative ;

Vu le mémoire présenté, d'une part, pour Mme X..., et d'autre part, par voie d'intervention, pour l'association " Le Gisti ", dont le siège est ... (10e) ; Mme X... et l'association " Le Gisti " concluent à l'annulation de l'arrêté de conflit ; elles soutiennent qu'il y a eu mise en oeuvre de mesures de démolition d'habitations, en dehors de toute décision judiciaire, dans des conditions constitutives d'une voie de fait ; que ni le Code de l'urbanisme, ni le Code de la construction et de l'habitation ni le Code des communes ne pouvaient fonder de telles mesures, qui sont insusceptibles de se rattacher à un pouvoir de l'Administration ; qu'il n'y a pas eu de circonstances exceptionnelles enlevant à de telles mesures leur caractère de voies de fait ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Sur l'intervention de l'association Le Gisti :

Considérant que l'association Le Gisti ne tient de son objet social, relatif à la défense des droits des étrangers et des travailleurs immigrés, aucun intérêt à ce que le Tribunal des Conflits détermine l'ordre de juridiction compétent pour connaître de l'action engagée par Mme X..., qui est de nationalité française ; que son intervention n'est, dès lors, pas recevable ;

Sur la validité de l'arrêté de conflit :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté, en date du 9 septembre 1995 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin (Guadeloupe), prenant en considération l'état de péril dans lequel se trouvaient, à la suite du passage d'un cyclone, des habitations précaires qui avaient été implantées dans des zones que le plan d'occupation des sols rendait inconstructibles, a, d'une part, dans son article 1er, mis en demeure les personnes habitant dans ces zones de " cesser immédiatement les travaux de construction et de reconstruction d'habitations précaires " et, d'autre part, dans son article 2, interdit dans ces zones tous travaux de construction ou de reconstruction, n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'Administration ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le 12 octobre 1995 le maire de Saint-Martin a fait diffuser un communiqué aux termes duquel :

" Conformément à l'arrêté du maire du 9 septembre 1995 et confirmé par le sous-préfet de Saint-Martin, vous être mis en demeure d'évacuer vos logements dans la journée le 12 octobre 1995 avant la destruction par les agents communaux ; vos propriétaires ont été avertis des expulsions locatives ; vous avez été vous-même avertis par deux fois (par hélicoptère et gendarmes à pied avec la police) ; ceci est donc le dernier avertissement ", il ne ressort ni des termes de ce communiqué ni d'autres pièces du dossier que Mme X..., qui habitait une maison qui n'avait pas été construite ni reconstruite postérieurement à l'arrêté du 9 septembre 1995 auquel se réfère expressément ce communiqué, ait été visée par cette mise en demeure ; que si Mme X... soutient que, le 20 novembre 1995, des agents de l'Administration se sont rendus à son domicile et ont fait état de ce qu'il serait procédé d'office à des démolitions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait fait l'objet d'une menace précise d'exécution forcée à jour fixé ; qu'il est d'ailleurs constant que son habitation n'a pas été démolie ; qu'ainsi les diverses menaces invoquées ne sauraient être regardées comme constitutives d'une voie de fait ;

Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il ressort tant des autres pièces du dossier que des termes de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal de grande instance de Basse-Terre a rejeté le déclinatoire de compétence présenté par le préfet de la Guadeloupe, aucune violation du domicile de Mme X... n'est établie ;

Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que c'est à bon droit que le conflit a été élevé ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Le Gisti n'est pas admise.

Article 2 : L'arrêté de conflit pris le 20 mars 1996 par le préfet de la Guadeloupe est confirmé.

Article 3 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par Mme X... devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre et le jugement de cette juridiction en date du 26 mars 1996.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 96-03035
Date de la décision : 04/11/1996

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Voie de fait - Définition - Acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'Administration - Maire - Etat de péril - Mise en demeure pour les personnes habitant les zones menacées de cesser tous travaux de construction et de reconstruction (non) .

SEPARATION DES POUVOIRS - Voie de fait - Définition - Exécution d'office de sa décision par l'Administration - Menace d'exécution forcée - Preuve

N'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'Administration l'arrêté du maire d'une commune qui, prenant en considération l'état de péril dans lequel se trouvaient, en raison du passage d'un cyclone, des habitations précaires, met en demeure les personnes habitant les zones menacées de cesser tous travaux de construction ou de reconstruction. Et, en l'état du communiqué du maire se référant à cet arrêté, par lequel ces mêmes personnes ont été invitées à évacuer, à la date du sinistre, leur logement avant sa démolition par les agents communaux, ne sont pas constitutives d'une voie de fait les menaces invoquées par une personne dont l'habitation n'a pas été démolie et qui soutient, alors qu'il n'est pas démontré qu'elle ait été visée par cette mise en demeure, que des agents communaux se sont rendus à son domicile et ont fait état de possibles démolitions, menaces qui ne résultent d'aucune pièce du dossier.


Références :

Décret 16 Fructidor AN III
Décret du 26 octobre 1849
Loi du 16 août 1790, 1790-08-24
Loi du 24 mai 1872
Ordonnance du 12 mars 1831, 1831-03-21
Ordonnance du 01 juin 1928

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Basse-Terre, 26 mars 1996


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Vught .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. Sainte-Rose
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Labetoulle.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1996:96.03035
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