La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/1996 | FRANCE | N°03036

France | France, Tribunal des conflits, 04 novembre 1996, 03036


Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 mai 1996, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. Paul X... au maire de la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) à la société "Semsamar", au préfet de la région Guadeloupe et à l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu le déclinatoire présenté le 15 décembre 1995 par le PREFET DE LA GUADELOUPE tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que les décisions contestées trouvent leur base légale dans le code des

communes, le code de l'urbanisme et le code de la construction et de l...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 mai 1996, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. Paul X... au maire de la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) à la société "Semsamar", au préfet de la région Guadeloupe et à l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu le déclinatoire présenté le 15 décembre 1995 par le PREFET DE LA GUADELOUPE tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que les décisions contestées trouvent leur base légale dans le code des communes, le code de l'urbanisme et le code de la construction et de l'habitation ; que les deux cyclones qui se sont abattus en septembre 1995 sur l'île de Saint-Martin constituent en toute hypothèse des circonstances exceptionnelles interdisant de regarder les mesures prises pour le rétablissement de l'ordre et de l'hygiène comme constitutives de voie de fait ;
Vu l'ordonnance du 5 mars 1996 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Basse-Terre, statuant en référé, a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 20 mars 1996 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu le jugement du 26 mars 1996 par lequel le tribunal de grande instance a sursis à toute procédure ;
Vu, enregistré au secrétariat du parquet du tribunal de grande instance de Basse-Terre le 12 avril 1996, le mémoire présenté au nom de l'Etat par l'agent judiciaire du Trésor, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le maire a agi dans le cadre de ses pouvoirs de police, et qu'aucune voie de fait n'a été commise ;
Vu, enregistré au secrétariat du parquet du tribunal de grande instance de Basse-Terre le 15 avril 1996, le mémoire présenté par M. X... tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que divers agissements de l'administration sont constitutifs d'une voie de fait ; qu'il en va ainsi de la violation de domicile et de la façon dont l'administration a décidé de détruire des habitations, ou a menacé de procéder à de telles destructions ; qu'il y a eu abus d'autorité ; que la théorie des circonstances exceptionnelles ne peut être retenue en l'espèce ;
Vu, enregistré le 19 juillet 1996 au secrétariat du Tribunal des Conflits, le mémoire présenté par le ministre de l'outre-mer, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que l'arrêté municipal du 9 septembre 1995 se rattachait à un pouvoir de l'administration ; qu'il n'y a eu aucune mesure matérielle d'exécution forcée ou de contrainte physique ; que l'habitation de l'intéressé n'a été ni détruite ni endommagée ; qu'il n'y a pas eu violation de domicile ; que, subsidiairement, l'application de la théorie des circonstances exceptionnelles conduirait également à retenir la compétence de la juridiction administrative ;

Vu, enregistré le 22 octobre 1996 au secrétariat du Tribunal des Conflits le mémoire, présenté, d'une part, pour M. X..., et d'autre part, par voie d'intervention, pour l'association "Le Gisti", dont le siège social est ... ; M. X... et l'association "Le Gisti" concluent à l'annulation de l'arrêté de conflit ; ils soutiennent qu'il y a eu mise en oeuvre de menaces de démolition d'habitations, en dehors de toute décision judiciaire, dans des conditions constitutives d'une voie de fait ; que ni le code de l'urbanisme, ni le code de la construction et de l'habitation, ni le code des communes ne pouvaient fonder de telles mesures, qui sont insusceptibles de se rattacher à un pouvoir de l'administration ; qu'il n'y a pas eu de circonstances exceptionnelles susceptibles de retirer à de telles mesures leur caractère de voies de fait ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1928 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Labetoulle, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X... et du Gisti,
- les conclusions de M. Sainte Rose, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de l'association "Le Gisti" :
Considérant qu'eu égard à son objet social qui est, notamment : "D'informer les étrangers des conditions de l'exercice et de la protection de leurs droits ; de soutenir leur action en vue de la reconnaissance de leurs droits fondamentaux et d'en obtenir le respect", l'association "Le Gisti" a intérêt à ce que le Tribunal des Conflits détermine l'ordre de juridiction compétent pour connaître de l'action engagée par M. X... qui est de nationalité haïtienne ; que son intervention est, dès lors, recevable ;
Sur la validité de l'arrêté de conflit :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté, en date du 9 septembre 1995 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin (Guadeloupe), prenant en considération l'état de péril dans lequel se trouvaient, à la suite du passage d'un cyclone, des habitations précaires qui avaient été implantées dans des zones que le plan d'occupation des sols rendait inconstructibles, a, d'une part, dans son article 1er, mis en demeure les personnes habitant dans ces zones de "cesser immédiatement les travaux de construction et de reconstruction d'habitations précaires" et, d'autre part, dans son article 2, interdit dans ces zones tous travaux de construction ou de reconstruction, n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'administration ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le 12 octobre 1995 le maire de Saint-Martin a fait diffuser un communiqué aux termes duquel : "Conformément à l'arrêté du maire du 9 septembre 1995 et confirmé par le sous-préfet de Saint-Martin, vous êtes mis en demeure d'évacuer vos logements dans la journée le 12 octobre 1995 avant la destruction par les agents communaux ; vos propriétaires ont été avertis des expulsions locatives ; vous avez été vous-même avertis par deux fois (par hélicoptère et gendarmes à pied avec la police) ; ceci est donc le dernier avertissement", il ne ressort ni des termes de ce communiqué ni d'autres pièces du dossier que M. X..., dont la maison n'avait pas été construite ni reconstruite postérieurement à l'arrêté du 9 septembre 1995 auquel se réfère expressément ce communiqué, ait été visé par cette mise en demeure ; que si M. X... soutient que, le 20 novembre 1995, des agents de l'administration se sont rendus à son domicile et ont fait état de ce qu'il serait procédé d'office à des démolitions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait fait l'objet d'une menace précise d'exécution forcée à jour fixé ; qu'il est d'ailleurs constant que son habitation n'a pas été démolie ; qu'ainsi les diverses menaces invoquées ne sauraient être regardées comme constitutives d'une voie de fait ;
Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il ressort tant des autres pièces du dossier que des termes de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal de grande instance de BasseTerre a rejeté le déclinatoire de compétence présenté par le PREFET DE LA GUADELOUPE, aucune violation du domicile de M. X... n'est établie ;
Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que c'est à bon droit que le conflit a été élevé ;
Article 1er : L'intervention de l'association "Le Gisti" est admise.
Article 2 : L'arrêté de conflit pris le 20 mars 1996 par le PREFET DE LA GUADELOUPE est confirmé.
Article 3 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par M. X... devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre et le jugement de cette juridiction en date du 26 mars 1996.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 03036
Date de la décision : 04/11/1996
Sens de l'arrêt : Confirmation arrêté de conflit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Conflit positif

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - LIBERTE INDIVIDUELLE - PROPRIETE PRIVEE ET ETAT DES PERSONNES - LIBERTE INDIVIDUELLE - VOIE DE FAIT.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTERET - SYNDICATS - GROUPEMENTS ET ASSOCIATIONS.

PROCEDURE - INCIDENTS - INTERVENTION - RECEVABILITE.


Références :

Arrêté préfectoral du 20 mars 1996 Guadeloupe arrêté de conflit confirmation

Cf. décision du même jour : Préfet de la Guadeloupe c/ Mme Robert, n° 3035


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Labetoulle
Rapporteur public ?: M. Sainte Rose

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1996:03036
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award