Vu la lettre par laquelle le ministre d'Etat, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. X... et le Groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti) au Préfet de Police Paris et à l'agent judiciaire du Trésor devant le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé ;
Vu les déclinatoires présentés le 16 novembre 1993 par le Préfet de Police de Paris tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu l'ordonnance du 24 novembre 1993 par laquelle le président du tribunal de grande instance a rejeté les déclinatoires de compétence ;
Vu l'arrêté du 28 novembre 1993 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1993 par laquelle le juge des référés a sursis à toute procédure ;
Vu, enregistré le 8 avril 1994, le mémoire présenté par le ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire tendant à la compétence de la juridiction administrative ;
Vu, enregistré le 19 avril 1994, le mémoire présenté pour M. X... et le Gisti tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu les articles 114 du Code pénal et 136 du Code de procédure pénale ;
Vu l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée ;
Considérant que M. X..., ressortissant roumain, a assigné devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé, le Préfet de Police de Paris et l'agent judiciaire du Trésor, sur le fondement des articles 143 et suivants et 808 du nouveau Code de procédure civile, en sollicitant une expertise sur les conditions de sa rétention, du 26 octobre au 2 novembre 1993, dans des locaux dépendant de la Préfecture de Police, en application de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de compléter le constat d'urgence qu'il avait obtenu du président du tribunal administratif de Paris en date du 29 octobre 1993 ;
Considérant que par acte séparé, le Groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés a assigné en référé les mêmes défendeurs sur le fondement des articles 66 de la Constitution, 3 et 5-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 136 du Code de procédure pénale et 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de voir constater que les conditions de rétention des étrangers dans lesdits locaux sont constitutives d'une voie de fait, et enjoindre au Préfet de la faire cesser ; qu'il demandait au juge des référés de se transporter sur place et de désigner un expert à l'effet de vérifier les conditions d'hébergement, d'hygiène et de salubrité et de s'assurer du respect de la liberté de communication des personnes retenues avec l'extérieur ou avec les familles ;
Considérant que le président du tribunal de grande instance, après avoir joint les deux instances, a déclaré irrecevables les déclinatoires de compétence dont il était saisi et a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, tout en renvoyant les débats à une date ultérieure, aux motifs que les faits allégués sont susceptibles de caractériser des atteintes à la liberté individuelle, au sens de l'article 114 du Code pénal, par la réduction des droits de déplacement et de communication, limités mais reconnus dans un régime de rétention administrative, et même, en ce qui concerne l'accès au registre des recours, par une entrave à l'exercice des droits de la défense ; que dans ce cas, selon l'ordonnance, l'article 136 du Code de procédure pénale confère aux tribunaux judiciaires une compétence exclusive pour statuer sur toute instance civile en la matière, sans que le conflit puisse jamais être élevé par l'autorité administrative ;
Considérant, d'une part, que l'article 114 du Code pénal, devenu 432-4 du nouveau Code pénal, incrimine au titre des atteintes à la liberté individuelle, les seuls actes d'arrestation, de détention ou de rétention arbitraires commis par des fonctionnaires publics ;
Considérant, d'autre part, que les litiges relatifs aux conditions matérielles d'exécution de la rétention des étrangers en instance d'éloignement prévue par l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, fût-elle prolongée par le juge judiciaire, ressortissent, en l'absence de voies de fait dont les éléments constitutifs ne sont pas réunis en l'espèce, à la seule compétence des juridictions administratives ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 26 novembre 1993 par le Préfet de Police de Paris est confirmé.
Article 2 : Sont déclarées nulles et non avenues les procédures engagées par M. X... et le Groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés devant le président du tribunal de grande instance de Paris et l'ordonnance de ce magistrat en date du 24 novembre 1993.