Vu, enregistré à son secrétariat le 26 octobre 1992, la lettre par laquelle le Garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la société civile immobilière Oasis à l'Etat (direction départementale de Haute-Corse des affaires agricoles et forestières) et à la société Serdef ;
Vu le déclinatoire présenté le 16 octobre 1990 par le préfet de la Haute Corse, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu le jugement en date du 17 décembre 1991 par lequel le tribunal de grande instance de Bastia a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 30 janvier 1992 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu le jugement du 24 mars 1992 par lequel le tribunal de grande instance de Bastia a sursis à toute procédure ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code forestier, et notamment son article L. 322-1 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Rougevin-Baville, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. de Caigny, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 322-1 du code forestier "l'autorité supérieure peut, indépendamment des pouvoirs du maire et de ceux qu'elle tient elle-même du code des communes, édicter toutes mesures de nature à assurer la prévention des incendies de forêts, à faciliter la lutte contre ces incendies et à en limiter les conséquences. Elle peut notamment décider : 1° que dans certaines zones particulièrement exposées, faute pour le propriétaire ou ses ayants droit de débroussailler son terrain jusqu'à une distance de cinquante mètres des habitations, dépendances, chantiers, ateliers et usines lui appartenant, il sera pourvu au débroussaillement d'office par les soins de l'administration et aux frais du propriétaire ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, sur la base de ce texte, le préfet de la Haute Corse a mis en demeure la société Oasis de procéder au débroussaillement de la parcelle lui appartenant à Calvi ; qu'en l'absence d'exécution, le préfet a fait procéder à ce débroussaillement par une entreprise spécialisée ; que la société Oasis ayant constaté qu'au cours de cette opération vingt deux pins adultes d'environ 50 ans d'âge avaient été abattus, a demandé au tribunal de grande instance de Bastia de condamner l'Etat et l'entrepreneur à l'indemniser de cette perte ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 322-1 du code forestier, qui ont été édictées pour permettre une lutte efficace contre les incendies de forêt, n'excluent pas, même si elles ne mentionnent expressément que le "débroussaillement", la possibilité pour le préfet, en cas de nécessité caractérisée, de prendre les mesures qui s'avèrent indispensables compte tenu de la situation des lieux afin de maîtriser les sinistres éventuels, et notamment de prescrire les abattages d'arbres nécessaires ;
Considérant qu'il suit de là que l'abattage des arbres appartenant à la société Oasis, même à le supposer illégal dans les circonstances de l'espèce, ne peut être regardé comme insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration ; qu'il ne constituait donc pas une voie de fait ; que, c'est à bon doit que le préfet de la Haute Corse a élevé le conflit dans la présente affaire ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 30 janvier 1992 par le préfet de la Haute Corse est confirmé.