TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
No du dossier : 07100273
Le douze Avril deux mil sept,
ORDONNANCE DE REFERE
Nous, Dominique DECOMBLE, PRESIDENT du Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN, assisté de Lydie PICAMAL, Faisant Fonction de Greffier, avons rendu la décision dont la teneur suit :
ENTRE :
Monsieur Christian AA...
né le 07 Octobre 1954 SAINT FELIU D'AMONT (66170). demeurant ...661 70 MILLAS représenté par l'Association SOPHIE BOUCLIER-GUILLAUME MADRENAS, avocats au barreau de PERPIGNAN
ET :
S. A. R. L. ARC EN CIEL " LE PETIT JOURNAL ", hebdomadaire. pris en la personne de Monsieur Alain X..., gérant de la Société, domicilié en cette qualité au siège social sis ...RI-82003 MONTAUBAN
représentée par SCP CONQUET MASSOL et MASCARAS, avocats au barreau de MONTAUBAN
COMPOSITION lors des débats :
Dominique DECOMBLE. PRESIDENT. Juge des référés Lydie PICAMAL Faisant Fonction de Greffier
DEBATS :
Après avoir entendu Les représentants des parties à notre audience du 10 Avril 2007 affaire a été mise en délibéré jusqu'à ce jour
FAITS ET PROCEDURE :
Par assignation du 6 avril 2007, M. Christian AA... saisit la juridiction des référés sur le fondement de l'article 809 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile aux fins d'obtenir :
-la condamnation de la SARL ARC-EN-CIEL « LE PETIT JOURNAL », à procéder au retrait des kiosques de tous les exemplaires du numéro 18 daté du 6 au 12 avril 2007 ainsi que toutes les affiches et affichettes afférentes.
-la publication de la décision à intervenir dans des quotidiens locaux et régionaux au choix du requérant et aux frais de l'hebdomadaire « LE PETIT JOURNAL ».
À l'audience du 10 avril 2007 à laquelle l'affaire a été fixée à la suite de I'ordonnance de fixation du référé d'heure à heure rendue le 6 avril 2007, M. Christian AA... fait observer que la une de l'hebdomadaire « Le Petit Journal » qui est placardée en plusieurs points de vente annonce un article intitulé « Jusqu'où va aller le président AA.... Le geste de trop Vers une sanction ? ».
L'article qui est reproduit en page quatre est lui-même intitulé « Le pétage de plomb " du président Y.... Au Conseil Général. la rose a des épines et qui s ‘ frotte s ‘ y pique ».
L'article est ainsi rédigé
« Voilà quelques semaines lors d'une réunion de la section du parti socialiste, l'avocate du conseil général proche du président Y.... Me Jacqueline Z...T. donne aux militants la consigne de boycotter la réunion publique lors de la venue de Dominique A...fin Février Lors d'une réunion à Toulouges, le lendemain. une militante, de plus employée au Conseil General s'interroge auprès de Jacques B...(premier secrétaire du PS) de cette consigne ne comprenant pas une telle attitude face a un éléphant du parti et soutien inconditionnel de Ségolène C.... Le 2 mars cette fervente militante (nous l'appellerons Y) se rend vers 20 heures avec d'autres socialistes au siège du parti, rue du rivage où DSK est reçu En raison sans doute de la consigne il n'y avait pas foule Là. Christian Bourquin qui se trouve sur place, quitte précipitamment la réunion et croise face au siège. un groupe de militants parmi lesquels se trouve Y Sans doute nervé il prend à l'écart la militante, l ‘ attrape des deux mains la secoue fortement en lui intimant l'ordre de lui faire parvenir sa démission dès le lundi suivant. Blessée dans sa fierté et sa chair (elle a obtenu une ITT) et révoltée par cette agression cette militante de la première heure, socialiste par conviction et qui de plus ne doit en aucun cas son emploi au président Y...(elle y était avant son arrivée) décide de porter plainte Depuis les faits contrairement au président Y...qui par deux fois a refusé de se rendre aux convocations de la police, minimisant l'affaire, elle et deux témoins de la scène ont été entendus par les enquêteurs. Devant le refus du Président de se rendre aux convocations concernant ce dossier, les enquêteurs se sont rendus quai Sadi-Carnot pour l'auditionner Même si les sautes d'humeur de Christian Bourquin sont notoires c'est la première fois à notre connaissance, que le geste dépasse la parole. Loin des querelles politiciennes la relation employeur employée aggrave le délit. Au Tribunal de décider maintenant de la suite à donner à l'affaire.
Peut-être une affaire judiciaire de plus. après celle de complicité présumée de faux et minoration de comptes de campagne ». AL.
Monsieur AA... soutient que cet article est un tissu de mensonges qui n'a d'autre but que de le discréditer et le toucher dans son honneur, sa dignité et son intégrité en accréditant l'idée qu'il aurait pu frapper une femme.
II indique qu'il a l'intention, avec Mme Jacqueline D..., de déposer plainte en diffamation et dénonciation calomnieuse à l'encontre de leurs auteurs et de tous ceux qui les diffusent.
S'agissant de la diffusion de l'article visé et de sa « mise en scène », il estime qu'elles constituent une atteinte à la présomption d'innocence protégée par un article 9-1 du Code civil, un trouble manifestement illicite et un dommage imminent, justifiant la compétence du juge des référés.
Il soutient également qu'il y a urgence à faire droit à sa demande. Il sollicite en outre la condamnation de la société ARC-EN-CIEL au paiement de la somme de 15 euros, par exemplaire paru, à titre provisionnel.
La SARL ARC-EN-CIEL conclut au rejet des demandes présentées par M. Christian AA...
Elle conteste le grief d'atteinte à la présomption d'innocence puisque la première page de l ‘ hebdomadaire porte un titre interrogatif
Elle soutient donc qu'il n'y a pas eu atteinte puisque les expressions employées ne constituent pas un préjuge tenant pour acquise la culpabilité et que par ailleurs M Christian AA... ne conteste cas l'existence de l'altercation avec Mme Odile E...
Elle ajoute que l'information sur l'évènement qui s'est produit le 2 mars 2007 a été diffusée dans divers organes de presse et notamment « La Semaine du Roussillon » du 22 mars 2007 le journal « Marianne » du 31 mars 2007 « L'Agglo-Rieuse » du 21 mars 2007 et le journal télévise FR3 du Pays Catalan du 20 mars 2007
La SARL ARC-EN-CIEL soutient en définitive qu'il n'existe aucun dommage imminent ni trouble manifestement illicite et sollicite la condamnation de M. Christian AA... à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
DECISION
Attendu que la liberté d'expression et de communication qui est reconnue aux organes de presse trouve ses limites dans le principe du respect des droits de la personne ; que la présomption d'innocence est un droit de la personne reconnu et protégé par la loi ;
Attendu que par ailleurs la compétence du juge des référés est régie par L'article 809 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile, qui prévoit l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent ;
Attendu que la diffusion par la SARL ARC EN CIEL, dans le numéro 18 de l'hebdomadaire « Le Petit Journal » correspondant à la semaine du 6 au 12 avril 2007, de l'article relatant l'altercation qui s'est produite le vendredi 2 mars 2007 au siège de la section du parti socialiste de Perpignan entre M. Christian AA... et Mme Odile E...intervient après que plusieurs moyens de communication aient relaté l'événement par voie de presse écrite et télévisée notamment le 20 mars 2007 par le journal télévisé FR3 du Pays Catalan, le 21 mars 2007 par « L'Agglo-Rieuse », le 22 mars 2007 par « La Semaine du Roussillon », le 31 mars 2007 par le journal « Marianne » Que ces articles relatent l'événement dans les termes suivants :
-« une militante agressée dépose plainte » dans La Semaine du Roussillon du 22 mars 2007
-« une socialiste, salariée du conseil généra) () a été violemment secouée par Y... au point de porter plainte pour « agression physique et menace » dans le journal Marianne du 31 mars 2007
« Y... violent » « Une militante socialiste salariée du conseil général des P-O à porter plainte pour menaces pour violence » contre son patron. Christian AA... (…) Le regard rempli de haine, « Boubou le terrible » prend un peu à part une femme salariée du conseil général, l'attrape à deux mains, la secoue et lui dit qu'il veut sa démission dans son bureau lundi matin (…) Entendue deux fois par la police la dame a porté plainte … ». dans le journal L'Agglo-Rieuse du mercredi 21 mars 2007
« … Selon ses déclarations, le président de l'exécutif départemental a saisi alors à deux mains et la secoue violemment. Elle affirme ensuite qu'il lui ordonne de venir déposer sur son bureau la démission de son poste de travail dès le lundi suivant (...) Le 8 mars dernier pourtant elle va déposer plainte au commissariat de Perpignan … » diffusé par FR3 le 20 mars 2007 18h55.
Qu'il n'existe au dossier aucun élément permettant d'établir que des poursuites aient été engagées à l ‘ encontre de ces organes de presse sur le fondement de la violation du principe du respect de la présomption d'innocence alors que les intitulés ou écrits sont comparables à ceux du « Petit Journal »
Attendu que les expressions employées dans l'article et sur les affiches du Petit Journal » ne dénotent aucune « volonté particulière par rapport aux autres écrits cités, de porter atteinte e la présomption d'innocence de Monsieur Christian AA... ; Qu'en effet à la première page il pose une interrogation en ce qui concerne « La sanction ? » : Que d'autre part, l'article relate l'événement dans des termes très voisins de ceux des autres organes de presse signalant que « devant le refus de se rendre aux convocations concernant ce dossier, les enquêteurs se sont rendus quai Sadi-Carnot pour l'auditionner (...) La relation employeur-employée aggrave le délit (..) » ;
Qu'il se termine en précisant expressément que la décision sur d'éventuelles suites judiciaires relève de la compétence du Tribunal ;
Attendu que l'analyse du texte incriminé fait apparaître en définitive que seul le mot « délit » est employé par le rédacteur, alors qu'aucune qualification pénale n'est à ce jour officiellement retenue d'aucune façon à l'encontre de Monsieur AA..., l'enquête étant toujours en cours ;
Que ce terme constitue à l'évidence un abus du langage courant par un organe de presse qu'aucun indice ne permet de qualifier de compétent en matière juridique ; Que dans le contexte relaté plus haut de la diffusion de l'événement et de ses suites qui intéressent l'opinion publique déjà avisée, l'emploi de ce terme juridique tombé dans le langage courant par un journaliste non spécialisé en matière juridique, constitue une imprudence qui n'est pas caractérisée pour constituer une violation de la présomption d'innocence au sens de l'article 9-1 du Code civil ;
Qu'il convient à titre surabondant de faire observer que toute personne citée dans un organe de presse dispose d'un droit de réponse prévu par la loi ;
Que dans ces conditions les demandes présentées par Monsieur Christian AA... seront rejetées ;
Attendu que la demande présentée par la SARL ARC-EN-CIEL sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile est justifiée dans son principe ; qu'l lui sera alloué la somme de 1000 euros ;
PAR CES MOTIFS
statuant par mise à disposition au greffe contradictoirement en premier ressort et en matière de référé
Rejetons les demandes présentées par Monsieur F...;
Le condamnons à payer à la SARL ARC EN CIEL la somme de 1000 euros sur le fondement de l ‘ article 700 du nouveau code de procédure civile outre les entiers dépens
Le faisant fonction de greffier Le Président Juge des référés
L. G...D. DECOMBLE