Vu, enregistrée au greffe central du tribunal administratif de Versailles, le 01/09/87, sous le n° 873540, la requête présentée pour la Société Bostik, dont le siège social est ... (95360) Montmagny, représentée par son représentant légal, par la SCP Labbe-Delaporte, ladite requête tendant à l'annulation de deux avis en date des 13 avril et 11 mai 1987 par lequels le directeur départemental du travail et de l'emploi du Val d'Oise a fait part de ses observations sur un projet de licenciement pour motif économique intéressant 54 salariés ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Vu les avis d'audience notifiés conformément à l'article R 162 du code des tribunaux administratifs ;
Entendu à l'audience publique du 17/01/89 :
Mme Picard-Claudel, Conseiller, en son rapport ;
Me X..., pour la société Bostik, Monsieur Y... pour le ministre, en leurs observations ;
M. Pretot, Commissaire du Gouvernement, en ses conclusions :
Sur les conclusions relatives à l'avis du 13 avril 1987 :
Sur la recevabilité :
Considérant qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 321-7 du code du travail, l'employeur est tenu de répondre aux observations que formule l'autorité administrative dans un avis écrit et notifié aux parties ; que si cette réponse intervient alors que le délai prévu à l'article L. 321-6 est écoulé, le délai préalable à l'envoi de lettres de licenciement est prorogé d'autant à compter de la date d'envoi à l'administration des information sollicitées ; qu'ainsi l'avis émis par l'autorité administrative présente le caractère d'acte faisant grief et, dès lors, est susceptible de recours ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par le Ministre ;
Sur la légalité :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes des alinéas 1. 3, 6 et 7 de l'article L. 321-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1986, "l'employeur est tenu de notifier à l'autorité administrative compétente tout projet de licenciement pour motif écominique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours .... L'autorité administrative compétente s'assure que les représentants du personnel ont été informés, réunis et consultés conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur, que les règles relatives à l'élaboration des mesures sociales prévues par les article L. 321-4 et L. 321-5 du présent code ou par des conventions ou accords collectifs de travail ont été respectées et que les mesures prévues aux articles L. 321-4 et L. 321-5 seront effectivement mises en oeuvre .... Lorsque l'autorité administrative compétente relève un irrégularité de procédure au cours de vérifications effectuées en application du 3ème alinéa du présent article, elle adresse à l'employeur, dans les délais prévus ci-dessus, un avis écrit précisant la nature de l'irrégularité constatée. Simultanément, l'autorité administrative compétente envoie copie de ses observations au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel. L'employeur est tenu de répondre aux observations de l'autorité administrative compétente et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel ...".
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, si l'autorité administrative, à laquelle a été notifié un projet de licenciement pour motif économique, doit s'assurer du respect des règles relatives à la consultation des représentants du personnel et à l'élaboration des mesures sociales ainsi que de leur mise en oeuvre, il ne lui appartient d'émettre un avis que pour autant qu'elle relève, au cours des vérifications auxquelles elle doit ainsi procéder, le non-respect par l'employeur d'une formalité prescrite pour la consultation des représentants du personnel et l'élaboration des mesures sociales ;
Considérant que la société Bostik a notifié conformément aux dispositions susrappelées, par lettre en date du 2 avril 1987 à l'administration du travail un projet de licenciement concernant 54 salariés ; que l'autorité administrative lui a alors adressé un avis en date du 13 avril 1987 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a formulé dans l'avis susvisé, trois observations, portant respectivement sur la nécessité pour l'employeur de solliciter une autorisation de licenciement s'agissant de quatre salariés protégés concernés par le projet de licenciement, sur les possibilités de reclassement ainsi que sur l'efficacité des mesures du plan social mis en oeuvre par l'entreprise ; qu'aucune de ces observations ne présente le caractère d'une irrégularité de procédure de nature à fonder l'avis de l'autorité administrative ; qu'ainsi, l'inspecteur du travail a méconnu l'étendue de sa propre compétente telle que défnies par les dispositions suscitées ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'avis en date du 13 avril 1987 ;
Sur les conclusions relatives aux observations en date du 11 mai 1987 :
Sur la recevabilité :
Considérant que les observations adressées par l'autorité administrative à la société Bostik en date du 11 mai 1987 lui enjoignent d'apporter des solutions à plusieurs problèmes soulevés par le projet de licenciement, avant que toute opération de licenciement puisse être engagée ; qu'elles lèsent ainsi les intérêts de l'employeur et constituent, par suite, un acte susceptible de recours ;
Sur la légalité :
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 4 de l'article L321-7 du code du travail, "l'autorité administrative compétente ... dispose pour procéder aux vérifications prévues à l'alinéa précédent, d'un délai de 14 jours à compter de la date de notification lorsque le nombre de licenciements est inférieur à cent ..." ;
Considérant qu'il est constant que l'autorité administrative, à la suite de la réponse de l'employeur aux observations contenues dans son avis du 13 avril 1987, a, par une lettre en date du 11 mai 1987 formulé de nouvelles remarques, en indiquant qu'à défaut de solution à certains problèmes, toute opération de licenciement devait être différée ; qu'à cette date, le délai prévu à l'article L. 321-7 suscité étant écoulé, l'autorité administrative ne pouvait, sans méconnaître les dispositions susrappelées, émettre de nouvelles observations ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que l'avis émis le 11 mai 1987 est entaché d'illégalité ; que, par suite, ledit avis, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par le requérant, doit être annulé ;
Article 1er : Les avis émis le 13 avril 1987 et le 11 mai 1987 par l'inspecteur du travail, agissant sur délégation du directeur départemental du travail et de l'emploi du Val d'Oise, sont annulés.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Bostik, au Ministre du Travail et de l'Emploi et de la Formation Professionnelle S.D.A.G..