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20/10/1999 | FRANCE | N°96181;96190

France | France, Tribunal administratif de Rouen, 20 octobre 1999, 96181 et 96190


Vu 1° la requête, enregistrée le 1er février 1996, sous le n° 96181, présentée par Mme Anne-Marie Y..., demeurant ... tendant à ce que le tribunal annule la décision en date du 7 décembre 1995 par laquelle le directeur du centre financier de la Poste à Rouen l'a désignée pour assurer un service minimum lors de la journée de grève du 11 décembre 1995 ;
2° la requête, enregistrée le même jour, sous le n° 96190, présentée par la susnommée par laquelle cette dernière demande au tribunal l'annulation de la décision l'ayant désignée pour assurer un service minimum le

8 décembre 1995 ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces du dossi...

Vu 1° la requête, enregistrée le 1er février 1996, sous le n° 96181, présentée par Mme Anne-Marie Y..., demeurant ... tendant à ce que le tribunal annule la décision en date du 7 décembre 1995 par laquelle le directeur du centre financier de la Poste à Rouen l'a désignée pour assurer un service minimum lors de la journée de grève du 11 décembre 1995 ;
2° la requête, enregistrée le même jour, sous le n° 96190, présentée par la susnommée par laquelle cette dernière demande au tribunal l'annulation de la décision l'ayant désignée pour assurer un service minimum le 8 décembre 1995 ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces du dossier :
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;
Vu le décret n° 90-1214 d 29 décembre 1990 relatif au cahier des charges de la Poste et notamment son article 17 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 1999 :
- le rapport de M. LADREYT, conseiller ;
- les observations de Mme X..., représentant la Poste ;
- et les conclusions de M. CRANDAL, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 96181 et 96190 présentées par Mme Y... présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;
Sur l'intervention de la Fédération syndicaliste des P.T.T. de Seine-Maritime Force Ouvrière :
Considérant que ce syndicat, en charge de la défense des droits collectifs des agents des services de la Poste du département, a intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées, par lesquelles le directeur du Centre financier de la Poste de Rouen a enjoint à Mme Y..., gréviste, de se mettre à la disposition du centre afin d'assurer le traitement des opérations de chèques et d'épargne, ont eu pour effet de modifier les conditions de travail de l'intéressée ; qu'elles font par suite grief à la requérante qui est recevable à en demander l'annulation ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'en l'absence de réglementation par le législateur du droit de grève dans les services publics, il revient aux chefs de services, responsables du bon fonctionnement des services publics placés sous leur autorité, de fixer eux-mêmes, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces-services, la nature et l'étendue des limitations à apporter au droit de grève en vue d'éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels de la nation ;

Considérant que les décisions par lesquelles le directeur du Centre financier de la Poste de Rouen a requis Mme Y..., lors des journées de grève du 8 et du 11 décembre 1995, afin d'assurer la continuité du fonctionnement de la Section des opérations groupées relatives aux usagers importants de la Poste sont ainsi motivées : "En vertu de la loi du 2 juillet 1990, fixant le cadre juridique de la Poste et de l'article 17 du décret du 29 décembre 1990 relatif au cahier des charges de la Poste, cette dernière doit impérativement assurer la continuité d'un service public et exécuter toute mission nécessaire au maintien des activités essentielles de la nation (...). Dans le cadre d'un minimum de service, les tâches que vous aurez à effectuer sont les suivantes : assurer le déroulement de la chaîne UI afin de permettre le traitement des opérations de chèques et d'épargne" ;
Considérant que si l'article 17 du cahier des charges de la Poste, qui a pour objet de définir la contribution de l'exploitant aux missions de défense et de sécurité publique par référence à l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense et aux décrets n° 65-28 du 13 Janvier 1965 et n° 83-321 du 20 avril 1983 modifié relatifs respectivement à l'organisation de la défense civile et aux pouvoirs des commissaires de la République en matière de défense de caractère non militaire. n'avait pas vocation à s'appliquer pour des faits de grève, il ressort des décisions attaquées qu'elles ont entendu également se fonder sur le principe selon lequel la poursuite du mouvement de grève dans les services de la Poste était de nature à compromettre la continuité d'un service public essentiel ; qu'un tel motif est au nombre de ceux qui sont de nature à justifier légalement les décisions litigieuses ;

Considérant qu'en vertu du principe de continuité du service public précité, l'autorité administrative a pu légalement enjoindre à des agents grévistes d'assurer le versement des prestations sociales et des minima sociaux aux assurés sociaux ; qu'il ne résulte d'aucune disposition que les décisions attaquées auraient dû être prises au début de la grève ; que la double circonstance que les agents requis aient pu également effectuer des opérations courantes du service en raison de l'impossibilité technique de différencier les opérations mentionnées dans l'ordre de réquisition et que le personnel gréviste ne représentait qu'un pourcentage minoritaire du centre demeure sans incidence sur la légalité des décisions attaquées, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la section qui assure le traitement des prestations sociales et des minima sociaux, au sein de laquelle les agents requis ont été provisoirement affectés, était totalement dépourvue d'effectifs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ;
Article 1er : L'intervention de la Fédération syndicaliste des P.T.T. de Seine-Maritime Force Ouvrière est admise.
Article 2 : Les requêtes de Mme Anne-Marie Y... sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme Anne-Marie Y..., à la Fédération syndicaliste des P.T.T. de Seine-Maritime Force Ouvrière et au directeur du centre financier de la Poste à Rouen.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Rouen
Numéro d'arrêt : 96181;96190
Date de la décision : 20/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 - RJ2 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - DROIT DE GREVE - LIMITATIONS DU DROIT DE GREVE - Pouvoir des chefs de service d'apporter au droit de grève les limitations nécessaires - Légalité de mises en demeure adressées à des agents de La Poste afin d'assurer le versement des prestations sociales et des minima sociaux (1) (2).

36-07-08-01, 51-01-03-01 En l'absence de réglementation par le législateur du droit de grève des fonctionnaires, il revient aux chefs de service de fixer eux-mêmes, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne les services placés sous leur autorité, la nature et l'étendue des limitations à apporter à ce droit en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels de la Nation (1). Si les décisions attaquées, par lesquelles le directeur du centre financier de La Poste de Rouen a requis des agents grévistes afin d'assurer le versement des prestations sociales et des minima sociaux, ne pouvaient légalement se fonder sur les dispositions de l'article 17 du cahier des charges de La Poste qui renvoient à l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, il ressort des pièces du dossier que ces décisions ont également entendu se fonder sur le principe de continuité du service public qui était de nature à les justifier légalement. A la date des décisions attaquées, la poursuite du mouvement de grève était de nature à interrompre le versement des prestations sociales et des minima sociaux et, par suite, à compromettre la continuité d'un service public essentiel. Légalité des décisions attaquées (2).

- RJ1 - RJ2 POSTES ET TELECOMMUNICATIONS - POSTES - PERSONNEL DE LA POSTE - GREVE - Pouvoir des chefs de service d'apporter au droit de grève les limitations nécessaires - Légalité de mises en demeure adressées à des agents de La Poste afin d'assurer le versement des prestations sociales et des minima sociaux (1) (2).


Références :

Décret 65-28 du 13 janvier 1965
Décret 83-321 du 20 avril 1983
Ordonnance 59-147 du 07 janvier 1959

1.

Cf. CE, 1950-07-07, Dehaene, p. 426. 2.

Cf. CE, 1996-09-25, Ministre du budget c/ Mme Emard et autres, p. 351


Composition du Tribunal
Président : Mme Corouge
Rapporteur ?: M. Ladreyt
Rapporteur public ?: M. Crandal

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.rouen;arret;1999-10-20;96181 ?
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