Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 1993, présentée par M. Guy Y..., demeurant ..., 29480, Le Relecq Kerhuon ;
M. Le Floch demande l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 1992 par lequel le ministre de la justice a prononcé son retrait de la S.C.P. "Jean-Max Z..., François X... et Guy Le Floch, notaires associés" ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution et, notamment, son préambule ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;
Vu le décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 22 JANVIER 1997,
M. SCATTON, conseiller, en son rapport,
M. Le Floch, requérant, en ses observations,
M. GROS, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Le Floch demande l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 1992 par lequel le ministre de la justice a prononcé son retrait de la société civile professionnelle "Jean-Max Z..., François X... et Guy Le Floch notaires associés" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 56 du décret du 2 octobre 1967 pris pour l'application de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles : "Tout associé qui a fait l'objet d'une condamnation disciplinaire définitive à une peine égale ou supérieure à trois mois d'interdiction peut être contraint, à l'unanimité des autres associés, de se retirer de la société. Ses parts sociales sont cédées dans les conditions prévues à l'article 33 (alinéas 2 et 3)" ; que l'article 57 du même décret dispose que : "L'associé interdit de ses fonctions ne peut exercer aucune activité professionnelle pendant la durée de sa peine, mais conserve pendant le même temps sa qualité d'associé avec tous les droits et obligations qui en découlent, à l'exclusion de sa vocation aux bénéfices professionnels ..." ;
Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, reprise dans le préambule de la Constitution : "La propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous condition d'une juste et préalable indemnité" ; que l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose que : "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes" ;
Considérant, en premier lieu, que M. Le Floch soutient que l'article 56 du décret du 2 octobre 1967 susvisé serait contraire aux dispositions précitées de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en prévoyant que tout associé faisant l'objet de la condamnation mentionnée audit article 56 peut être contraint par les autres associés à se retirer de la société, l'article 56 a pour but de ne pas imposer aux autres associés l'exercice en commun de leur profession avec un notaire ayant fait l'objet d'une condamnation disciplinaire d'une certaine gravité pour manquement aux obligations professionnelles ; que ce but, qui vise à la sauvegarde de l'ordre publie, présente un caractère d'intérêt général et constitue une nécessité publique ; que, dans ces conditions, l'article 56 du décret du 2 octobre 1967 qui, par ailleurs, d'une part prévoit les conditions justes et équitables dans lesquelles les parts sociales du notaire condamné sont cédées et, d'autre part, ne restreint pas sa liberté ultérieure d'entreprendre, n'est contraire ni aux dispositions susmentionnées de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Considérant, en deuxième lieu, que la Cour d'appel de Rennes, par un arrêt du 11 décembre 1990, a prononcé contre le requérant une peine d'interdiction temporaire d'exercer pour une durée d'une année ; que cette décision n'était pas susceptible d'une voie de recours ordinaire et ne pouvait donner lieu qu'à un pourvoi en cassation, lequel n'a pas de caractère suspensif en matière civile ; qu'ainsi, en vertu de l'article 500 du nouveau code de procédure civile, selon lequel les jugements qui ne sont susceptibles d'aucun recours suspensif d'exécution ont force de chose jugée, l'arrêt du 11 décembre 1990 prononçant la peine d'interdiction temporaire d'exercer pour une durée d'un an avait un caractère définitif ; que, par suite, cette peine avait elle-même un caractère définitif au sens des dispositions précitées de l'article 56 du décret du 2 octobre 1967 ;
Considérant, en troisième lieu, que M. Le Floch soutient que les autres associés de la société civile immobilière ne pouvaient décider, en assemblée générale, de l'exclure sans le convoquer à cette assemblée, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 57 précité, l'associé interdit de ses fonctions conserve sa qualité d'associé pendant la durée de sa peine ; que, toutefois, il résulte clairement des dispositions précitées de l'article 56 du décret du 2 octobre 1967 que la décision des autres associés de contraindre l'associé condamné de se retirer, si elle doit être prise à l'unanimité des autres associés, n'impose nullement ni le recours à une assemblée générale, ni la présence de l'intéressé ; que, dès lors, les irrégularités alléguées qui entacheraient les assemblées générales des 3 mai et 19 juin 1991 sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que, par ailleurs et en tout état de cause, il résulte également clairement de la combinaison des dispositions des articles 56 et 57 du décret du 2 octobre 1967 que les dispositions précitées de l'article 57 ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure où l'associé n'a pas été contraint, à l'unanimité des autres associés, de se retirer de la société, en application de l'article 56 ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la présente requête ne peut être que rejetée ;
ARTICLE 1er - La requête présentée par M. Guy Le Floch est rejetée.
ARTICLE 2 - Le présent jugement sera notifié à M. Guy Le Floch et au garde des sceaux, ministre de la justice.