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06/07/1994 | FRANCE | N°CETATEXT000008283536

France | France, Tribunal administratif de Rennes, 06 juillet 1994, CETATEXT000008283536


Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 1991, présentée par M. Jean-René X..., demeurant à Toulgoat, 29610 Plouigneau ; M. X... demande :
- l'annulation de la décision du 25 juillet 1991 par laquelle le sous-préfet de Morlaix a rejeté la demande de l'association "Société Bretonne de Productions" tendant à la conclusion d'une convention avec l'Etat en vue de signer un contrat emploi-solidarité avec l'intéressé ;
- la condamnation de l'Etat à conclure une telle convention ;
- la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1.500 F au titre des frais irrépétib

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le co...

Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 1991, présentée par M. Jean-René X..., demeurant à Toulgoat, 29610 Plouigneau ; M. X... demande :
- l'annulation de la décision du 25 juillet 1991 par laquelle le sous-préfet de Morlaix a rejeté la demande de l'association "Société Bretonne de Productions" tendant à la conclusion d'une convention avec l'Etat en vue de signer un contrat emploi-solidarité avec l'intéressé ;
- la condamnation de l'Etat à conclure une telle convention ;
- la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1.500 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 22 juin 1994 :
M. Scatton, conseiller, en son rapport,
M. Gualeni, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... demande que le tribunal annule la décision du 25 juillet 1991 par laquelle le sous-préfet de Morlaix a rejeté la demande de l'association "Société Bretonne de Productions" tendant à la conclusion d'une convention avec l'Etat en vue de signer un contrat emploi-solidarité avec l'intéressé ; ordonne la conclusion d'une telle convention et condamne l'Etat à lui verser la somme de 176.073,44 F assortie des intérêts en réparation du préjudice qu'il aurait ainsi subi ;
Sur la demande d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 322-4-7 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "En application de conventions conclues avec l'Etat pour le développement d'activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits, les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public peuvent conclure des contrats emploi-solidarité avec des personnes sans emploi, principalement des jeunes de seize à vingt-cinq ans rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, des chômeurs de longue durée, des chômeurs âgés de plus de cinquante ans ainsi que des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, en portant une attention privilégiée aux femmes isolées, notamment aux veuves ... " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 décembre 1989 favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle, dont est issue la rédaction des articles L. 322-4-7 et suivants du code du travail que le législateur a entendu réserver le bénéfice des contrats emploi-solidarité à des demandeurs d'emploi connaissant des difficultés d'insertion de différentes natures pour exercer des activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits dans le secteur non marchand ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la convention sollicitée, le sous-préfet de Morlaix s'est fondé d'une part sur la circonstance que M. X..., avec lequel aurait dû être signé le contrat était président de l'association qui devait l'employer et, d'autre part, sur le fait que l'intéressé, en tant que président d'une autre association dénommée "Agence Communication et Développement" assurait l'encadrement et le suivi de deux titulaires d'un contrat emploi-solidarité employés par cette dernière association ;
Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que l'association "Société Bretonne de Productions" a été créée le 2 octobre 1986 et a été présidée par M. X... de son origine au 26 mai 1991, date à laquelle celui-ci a démissionné de ce poste afin d'être disponible pour être recruté par contrat emploi-solidarité ; que cette association a pour but de produire, réaliser et éditer toutes productions sonores ou audiovisuelles, par tous moyens techniques présents ou à venir ; que l'association "Agence Communication et Développement" a été créée le 25 avril 1987, qu'elle est présidée depuis l'origine par M. X... ; que cette association a pour but d'apporter aux entreprises de toute nature, les moyens techniques et financiers, de leur création, de leur fonctionnement et de leur développement ; qu'enfin, M. X... préside l'Association Européenne pour la communication", créée le 12 octobre 1991 et dont le but est notamment de "s'intéresser" à toutes opérations mobilières, immobilières, financières et commerciales se rattachant aux activités liées à la communication ; que ces trois associations partagent les mêmes locaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la question de savoir si M. X... avait effectivement quitté ses fonctions de président de l'association "Société Bretonne de Productions" à la date de la décision attaquée, le sous-préfet de Morlaix, en estimant qu'eu égard à la capacité de M. X..., d'une part, à créer et assurer les activités précitées et, d'autre part, à encadrer des personnes éligibles à un contrat emploi-solidarité, l'intéressé n'était pas au nombre des personnes sans emploi auxquelles le législateur a entendu accorder le bénéfice d'un contrat emploi-solidarité, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant en deuxième lieu qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, M. X... ne remplissait pas les conditions requises par le législateur pour bénéficier d'un contrat emploi-solidarité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus opposé à la "Société Bretonne de Productions" de conclure un contrat emploi-solidarité avec le requérant méconnaîtrait le principe de la liberté d'association ne peut être qu'écarté ;
Considérant ensuite que la circonstance, à la supposer établie, que le sous-préfet de Morlaix aurait irrégulièrement consulté le fichier des associations de l'arrondissement avant de prendre la décision attaquée est sans influence sur la légalité de celle-ci ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions susvisées ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions tendant à ce que le tribunal ordonne à l'Etat de conclure une convention :
Considérant, en tout état de cause, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que dès lors, les conclusions susvisées ne peuvent être que rejetées ;
Sur la demande d'indemnisation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité desdites conclusions :
Considérant que M. X... demande la réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'illégalité de la décision précitée du 25 juillet 1991 ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, les conclusions du requérant tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ont été rejetées par le tribunal ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions susvisées ;

Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n 'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Jean-René X... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. Jean-René X... et au ministre du travail.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Rennes
Numéro d'arrêt : CETATEXT000008283536
Date de la décision : 06/07/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - ACTES A CARACTERE ADMINISTRATIF - ACTES PRESENTANT CE CARACTERE - Refus de conclure une convention avec une association en vue d'établir un contrat emploi-solidarité.

01-01-05-01-01, 17-03-02-005-01 S'il résulte de l'article L. 322-4-8 du code du travail que le contrat emploi-solidarité est un contrat de droit privé, le refus de la collectivité de conclure la convention en vue de signer ce contrat est un acte administratif.

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - Refus de conclure une convention avec une association en vue d'établir un contrat emploi-solidarité - Compétence administrative.

54-01-04-02-01 Le demandeur d'emploi avec lequel une association envisageait de conclure un contrat emploi-solidarité justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision par laquelle le représentant de l'Etat a rejeté la demande de cette association tendant à la conclusion de la convention en application de laquelle ce contrat aurait été conclu (sol. impl.).

- RJ1 PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTERET - INTERET LIE A UNE QUALITE PARTICULIERE - Demandeur d'emploi - Intérêt à contester le refus de l'Etat de conclure une convention d'emploi-solidarité du demandeur d'emploi avec lequel serait conclu le contrat emploi-solidarité (1).

54-07-02-04 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur l'appréciation à laquelle se livre le représentant de l'Etat de la situation d'une personne au regard de la qualification de personne sans emploi "rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi" pour l'application de l'article L. 322-4-7 du code du travail prévoyant la conclusion de contrats "emploi-solidarité".

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTROLE DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR - APPRECIATIONS SOUMISES A UN CONTROLE RESTREINT - Appréciation de la qualité de "personne rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi" (art - L - 322-4-7 du code du travail) (1).

66-10-01 Il résulte des dispositions de l'article L. 322-4-7 du code du travail, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 14 décembre 1989 dont est issue sa rédaction, que le législateur a entendu réserver le bénéfice des contrats emploi-solidarité à des demandeurs d'emploi connaissant des difficultés d'insertion et pour exercer des activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits dans le secteur marchand. Le refus de conclure une convention avec une association en vue d'établir un contrat emploi-solidarité pour l'emploi du président de cette association, lequel, en tant que président d'une autre association encadrait deux titulaires de tels contrats conclus avec celle-ci, n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de la qualification de "personne rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi" au sens des dispositions de cet article L. 322-4-7.

TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - AIDE A L'EMPLOI - Convention en vue de signer un contrat emploi-solidarité - Refus de conclusion avec une association pour l'emploi de son président - Absence d'erreur manifeste d'appréciation.


Références :

Code du travail L322-4-7
Loi 89-905 du 19 décembre 1989

1.

Rappr. CE, 1986-12-19, Ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle c/ Le Bouter, T. p. 677


Composition du Tribunal
Président : Mme Roussaux
Rapporteur ?: M. Scatton
Rapporteur public ?: M. Gualeni

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.rennes;arret;1994-07-06;cetatext000008283536 ?
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