Vu, 1°) enregistrés au greffe du tribunal administratif de Poitiers respectivement les 15 mai, 15 juillet et 24 août 1992, sous le n° 921774, la requête et les mémoires ultérieurs présentés par M. Joël Y..., demeurant ... des Grigons, 17990 La Tremblade ;
M. Y... demande au tribunal d'annuler la décision en date du 16 mars 1992 par laquelle le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rochefort-sur-Mer a retiré l'agrément qui lui avait été donné ;
Vu, 2°) enregistrés comme ci-dessus respectivement les 15 mai, 15 juillet, 21 septembre 1992 et 3 février 1993, sous le n° 921773, la requête et les mémoires ultérieurs présentés par M. Joël Y... tendant à l'annulation de la décision en date du 3 avril 1992 par laquelle le maire de La Tremblade l'a rayé des cadres de la commune ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 3 février 1993 à laquelle siégeaient M. J.J. Jérôme, Président, M. J. Miet et Mme S. Pellissier, conseillers, assistés de Mme A. Melin, greffier, les parties régulièrement convoquées :
M. J. Miet, conseiller, en son rapport,
M. Joël Y..., requérant,
Me Pielberg, avocat à la Cour de Poitiers, substituant Me X..., pour la commune de la Tremblade,
M. P. Allal, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 921773 et n° 921774 présentée par M. Y... concernent la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul jugement ;
Sur le retrait d'agrément du 16 mars 1992 :
Sur la compétence du tribunal :
Considérant que l'agrément prévu par les dispositions de l'article L. 412-49 du code des communes qui a pour objet de vérifier que l'intéressé présente les garanties d'honorabilité requises pour occuper l'emploi de l'administration municipale auquel il a été nommé, présente par son objet, quelle que soit l'autorité qui y procède, le caractère d'un acte administratif ; que la juridiction administrative est, dès lors, seule compétente pour connaître des litiges nés d'un retrait d'agrément ; que, par suite, l'exception tirée par le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rochefort de ce que la juridiction administrative serait incompétente pour connaître de la demande présentée par M. Y..., tendant à l'annulation de sa décision du 16 mars 1992 par laquelle il lui a retiré son agrément, doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que, pour prendre la décision litigieuse, le Procureur de la République s'est fondé sur la circonstance que M. Y... avait été condamné par jugement du tribunal de grande instance de Rochefort en date du 3 mars 1992 à une peine d'amende pour infraction à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pour avoir, à La Tremblade, courant 1989, 1990 et 1991 procédé à des traitements informatisés d'informations nominatives sans qu'aient été faites à la Commission nationale informatique et libertés les déclarations prévues par la loi du 6 janvier 1978 précitée ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Y... n'était que l'utilisateur du fichier informatique en cause dont il n'était pas à l'origine de la création ; qu'en outre, le maire de la commune, lequel dispose du pouvoir hiérarchique à l'égard de ses agents et est chargé du fonctionnement des services municipaux, n'a pas usé de ses pouvoirs et a laissé se perpétuer l'infraction en cause pendant près de deux ans et demi, circonstance ayant justifié l'octroi par le tribunal correctionnel du bénéfice des circonstances atténuantes ; que si les agissements ainsi reprochés à M. Y... sont répréhensibles et ont, d'ailleurs, été sanctionnés, ils ne constituent pas, dans les circonstances de l'espèce, des manquements à l'honorabilité de nature à justifier un retrait d'agrément ; que, par suite, la décision litigieuse est entachée d'excès de pouvoir ; que, dès lors, M. Y... est fondé à en demander l'annulation ;
Sur le licenciement du 3 avril 1992 :
Considérant que l'arrêté du maire de La Tremblade licenciant M. Y... est fondé en droit sur l'article L. 412-49 du code des communes et en fait sur le retrait d'agrément décidé le 16 mars 1992 par le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rochefort-sur-Mer ; qu'il résulte de ce qui précède que le retrait d'agrément étant entaché d'excès de pouvoir, l'arrêté précité doit être, par voie de conséquence, annulé ;
Article 1er - La décision du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rochefort-sur-Mer en date du 16 mars 1992 et portant retrait de l'agrément de M. Y... en qualité de fonctionnaire de police municipale est annulée.
Article 2 - L'arrêté du maire de La Tremblade en date du 3 avril 1992 portant radiation des cadres des services municipaux de M. Y... est annulé.
Article 3 - Notification du présent jugement sera faite dans les conditions prévues par l'article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à M. Joël Y..., à la commune de La Tremblade, au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rochefort sur Mer, au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique, au garde des sceaux, ministre de la justice.