Vu la requête, enregistrée le 15 juin 1999, présentée pour la société LE CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD, dont le siège est ..., par Me Jean-Michel De Forges, avocat à la Cour ; la société LE CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD demande que le Tribunal :
1°) annule l'arrêté du 26 avril 1999 approuvant le renouvellement du contrat de concession conclu entre l'Etat et la clinique des Roseraies à Aubervilliers ;
2°) condamne l'Etat au paiement de la somme de 20.000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2000 ;
- le rapport de M. ALLAL, conseiller ;
- les observations de Me de X..., avocat aux conseils ;
- et les conclusions de M. CELERIER, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 715-10 du code de la santé publique : "Les établissements d'hospitalisation privés (...) peuvent conclure avec l'Etat des contrats de concession pour l'exécution du service public hospitalier. Ces contrats comportent : 1° De la part de l'Etat, l'engagement de n'autoriser ou n'admettre, dans une zone et pendant une période déterminée, la création ou l'extension d'aucun autre établissement ou service d'hospitalisation de même nature aussi longtemps que les besoins déterminés par la carte sanitaire demeurent satisfaits ; 2° De la part du concessionnaire, l'engagement de satisfaire aux obligations définies à l'article L. 715-5. L'établissement concessionnaire conserve son individualité et son statut propre pour tout ce qui concerne sa gestion .... Ces concessionnaires ne peuvent recevoir de subventions d'équipement" ; qu'aux termes de l'article L. 715-5 - "Les établissements de santé privés peuvent être admis à assurer l'exécution du service public hospitalier (...) sur leur demande ou sur celle de la personne morale dont ils dépendent, sous réserve qu'ils s'engagent à respecter les obligations de service public imposées aux établissements de santé par les dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4. Les établissements de santé privés assurant l'exécution du service public hospitalier sont assimilés aux établissements publics de santé en ce qui concerne l'accès des assurés sociaux et des bénéficiaires de l'aide sociale." ; qu'aux termes de l'article L. 711-3 : "Le service public hospitalier (...) concourt : 1° A l'enseignement universitaire et postuniversitaire (...) ; 2° A la formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers ; 3° A la recherche de type médical, odontologique et pharmaceutique ; 4° A la formation initiale et continue des sages-femmes et du personnel paramédical et à la recherche dans leur domaine de compétence ; 5° Aux actions de médecine préventive et d'éducation pour la santé et à leur coordination ; 6° Conjointement avec les praticiens, les autres professionnels de santé et services concernés, à l'aide médicale urgente ; 7° A la lutte contre l'exclusion sociale ..." ; qu'aux termes de l'article L. 711-4 du même code : "Le service public hospitalier est assuré : 1° Par les établissements publics de santé ; 2° par ceux des établissements de santé privés qui répondent aux conditions fixées aux articles L. 715-6 et L. 715-10. Ces établissements garantissent l'égal accès de tous aux soins qu'ils dispensent. Ils sont ouverts à toutes les personnes dont l'état requiert leurs services. Ils doivent être en mesure de les accueillir de jour et de nuit, éventuellement en urgence, ou d'assurer leur admission dans un autre établissement mentionné au premier alinéa ; qu'enfin, aux termes de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée: "Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes (...)" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées du code de la santé publique que les contrats de concession passés pour l'exécution du service publie hospitalier entre l'Etat et les établissements de santé privés à but lucratif qui le souhaitent le sont à l'initiative de ces derniers ; que lesdits contrats ne confient aux établissements de santé privés aucune prérogative de puissance publique et qu'ils ne sont assortis d'aucune clause d'exclusivité à leur profit, l'engagement de n'autoriser ou n'admettre, dans une zone et pendant une période déterminée, la création ou l'extension d'aucun autre établissement ou service d'hospitalisation de même nature aussi longtemps que les besoins déterminés par la carte sanitaire demeurent satisfaits, mentionné au 1° de l'article L. 715-10, étant pris par l'Etat en application de l'article L. 712-9 applicable à tous les établissements de santé publics ou privés, participant ou non au service public hospitalier ;
Considérant, d'autre part, que la seule circonstance que les établissements admis à participer au service public hospitalier soient tenus de concourir, dans le respect du principe d'égalité, aux missions spécifiques confiées à celui-ci, compte tenu de leurs modalités de gestion, qui demeurent inchangées, et de l'intérêt propre de ces établissements, ne suffit pas à permettre de les regarder comme étant un service public ;
Considérant, enfin, que le contrat, par lequel les établissements de santé privés à but lucratif sont admis à participer au service public hospitalier, ne prévoit aucune rémunération au titre de cette participation ; que la part des recettes de ces établissements spécifiquement liée à la passation du contrat est limitée aux seules admissions prononcées dans le cadre de leur participation, le cas échéant, au service de l'aide médicale urgente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les contrats mentionnés à l'article L. 715-10 du code de la santé publique ne constituent pas des délégations de service public au sens de l'article 38 précité de la loi du 29 janvier 1993 mais de simples habilitations, données par l'Etat, à participer à l'exécution du service public hospitalier ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de procédure de publicité préalablement à la passation du contrat entre l'Etat et la clinique de la Roseraie est inopérant ;
Considérant que si le CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD soutient que le contrat passé entre l'Etat et la clinique de la Roseraie induirait des distorsions de concurrence entre les établissements d'un même secteur sanitaire, un tel moyen, à le supposer établi, est inopérant à l'appui de la contestation d'un contrat dont le principe, l'objet et les modalités ont été fixés par la loi ;
Considérant que si le CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD soutient qu'il n'aurait été procédé à aucune évaluation circonstanciée de la gestion de la clinique de la Roseraie par l'autorité administrative préalablement au renouvellement du contrat de concession et que celle-ci ne remplirait pas les conditions pour être admise à participer au service public hospitalier, il n'apporte, à l'appui de ses affirmations, aucun élément permettant d'en apprécier le bien fondé ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée ;
Sur l'application de L'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD doivent dès lors être rejetées ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD à payer à la clinique de la Roseraie une somme de 5000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD versera à la clinique de la Roseraie une somme de 5000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD, à la ministre de l'emploi et de la solidarité, à la secrétaire d'Etat à la santé et à la clinique de la Roseraie.