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10/12/1991 | FRANCE | N°CETATEXT000008280652

France | France, Tribunal administratif de Marseille, 10 décembre 1991, CETATEXT000008280652


Vu la requête enregistrée au greffe le 23 novembre 1988 sous le n° 88-5116 présentée par Mme Denise Y..., tendant à l'annulation du rejet, par décision de l'inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône, en date du 12 juillet 1988, de sa demande de mise en oeuvre de la protection juridique statutaire due aux fonctionnaires dans l'exercice de leur profession ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et notamment so

n article 11 ;
Vu la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 8...

Vu la requête enregistrée au greffe le 23 novembre 1988 sous le n° 88-5116 présentée par Mme Denise Y..., tendant à l'annulation du rejet, par décision de l'inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône, en date du 12 juillet 1988, de sa demande de mise en oeuvre de la protection juridique statutaire due aux fonctionnaires dans l'exercice de leur profession ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et notamment son article 11 ;
Vu la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 12 novembre 1991 :
- le rapport de Mme Dol, conseiller ;
- les conclusions de M. Gall, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions en annulation :
Sur la recevabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : "Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ... La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ..." ;
Considérant, en premier lieu, que par lettre en date du 1er février 1988, Mme Y... a demandé à l'inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône la mise en oeuvre de la protection prévue par l'article 12, alinéa 2 de "la fonction publique" ; que, si la référence juridique ainsi invoquée concernait le texte relatif à la protection des fonctionnaires dans sa version issue de l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires, et non pas la version applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1983, cette erreur matérielle ne pouvait introduire aucune équivoque sur la demande présentée par Mme Y... dès lors que cette dernière précisait clairement qu'elle demandait à l'inspecteur d'académie "d'assurer sa protection et la garantie qu'elle puisse s'acquitter de sa tâche" ; qu'ainsi la réclamation présentée par Mme Y..., le 1er février 1988, tendait à la mise en oeuvre par l'administration de la protection fonctionnelle statutaire des agents de l'administration prévue par les dispositions susrappelées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par l'inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône et tirée du défaut de demande gracieuse explicite susceptible d'engendrer la protection juridique du fonctionnaire, doit être écartée ;

Considérant en deuxième lieu, qu'en demandant au tribunal de prendre en considération sa requête relative à des propos diffamatoires proférés à son préjudice sur le lieu de travail et en se référant à sa demande initiale, en date du 1er février 1988, présentée à l'inspecteur d'académie et au rejet de cette demande le 12 juillet 1988, pièces qu'elle a jointes à sa requête, Mme Y... doit être regardée comme ayant entendu demander l'annulation de la décision du 12 juillet 1988 ; que, dans ces conditions, la fin de non recevoir soulevée par l'administration et tirée du défaut de conclusions en annulation explicites, doit être écartée ;
Considérant, en troisième lieu, que les délais de recours contentieux ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la notification à Mme Y... de la décision attaquée du 12 juillet 1988 comportait lesdites mentions ; que, par suite, les délais de recours contentieux n'ont pu courir à l'encontre de la requérante ; qu'ainsi, la fin de non recevoir opposée par l'administration et tirée de la tardiveté de la requête doit également être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que les dispositions susrappelées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée établissent à la charge de l'Etat ou de la collectivité publique intéressée et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques relatives au comportement qu'ils ont eu dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection et de réparation des torts subis à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors d'une occupation par les parents d'élèves des locaux de l'école Saint Henri Raphel à Marseille, le 1er février 1988, Mme Y..., institutrice de l'établissement, a continué à assurer ses cours, dans la mesure où elle avait la possibilité ; que cette attitude lui a valu d'être prise à partie par une de ses collègues, Mme X... ; que les appréciations désobligeantes et humiliantes portées sur le comportement et le travail de Mme Y..., par sa collègue, en présence de parents et d'élèves, constituent des attaques relevant de l'article 11 précité ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, Mme Y... n'a commis aucune faute en tâchant d'assurer son service d'enseignement pendant l'occupation des locaux de l'école ; qu'en se prévalant de la circonstance que la requérante n'a pas porté plainte contre sa collègue, l'administration ne fait état d'aucun motif d'intérêt général de nature à la dispenser de provoquer les mesures susceptibles d'assurer la protection sollicitée par la requérante ; que la décision attaquée, en tant qu'elle refuse la protection demandée, est, dès lors, entachée d'excès de pouvoir et doit pour ce motif être annulée ;
Sur les conclusions tendant à ce que l'administration compare la carrière de Mme X... et celle de la requérante et à ce que la faute de Mme X... soit reconnue :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que, dès lors, les conclusions présentées par Mme Y... et tendant à ce que l'administratrion compare la carrière de Mme X... et la sienne et à ce que la faute de Mme X... soit reconnue, ne sauraient être accueillies ;
Article 1er : La décision, en date du 12 juillet 1988, de l'inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône est annulée.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme Denise Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Marseille
Numéro d'arrêt : CETATEXT000008280652
Date de la décision : 10/12/1991
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS GENERALES - QUESTIONS GENERALES RELATIVES AU PERSONNEL - QUESTIONS GENERALES RELATIVES AU PERSONNEL ENSEIGNANT - Protection des enseignants contre les attaques (art - 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) - Conditions.

30-01-02-01, 36-07-01-01 Institutrice prise à partie par l'une de ses collègues en raison de la poursuite de ses activités d'enseignement en dépit de l'occupation de l'école par des parents d'élèves, et ayant demandé en vain la mise en oeuvre de la protection prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. Les appréciations désobligeantes et humiliantes portées sur le comportement et le travail de l'intéressée, par sa collègue, en présence de parents et d'élèves, constituent des attaques relevant de l'article 11 précité. Contrairement à ce que soutient l'administration, la requérante n'a commis aucune faute en tâchant d'assurer son service d'enseignement pendant l'occupation des locaux de l'école. En se prévalant de la circonstance que la requérante n'a pas porté plainte contre sa collègue, l'administration ne fait état d'aucun motif d'intérêt général de nature à la dispenser de provoquer les mesures susceptibles d'assurer la protection sollicitée. La décision attaquée, en tant qu'elle refuse la protection demandée, est, dès lors, entachée d'excès de pouvoir.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES (LOI DU 13 JUILLET 1983) - Droit à la protection contre les attaques (art - 11) - Enseignante en butte à l'hostilité d'une collègue en raison de son attitude lors d'une occupation de l'établissement par des parents d'élèves.


Références :

Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 11, art. 12
Ordonnance 59-244 du 04 février 1959


Composition du Tribunal
Président : M. Bidard de la Noe
Rapporteur ?: Mme Dol
Rapporteur public ?: M. Gall

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.marseille;arret;1991-12-10;cetatext000008280652 ?
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