Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon le 8 octobre 1991, sous le n° 91-02455, la requête présentée pour :
- M. et Mme C... de Sousa, demeurant à Ramarigaes (Portugal) ;
- E... Maria Alice Pereira de Sousa, demeurant ... ;
- M. José G... de Sousa, demeurant ... ;
- E... Idalina Pereira de Sousa, demeurant avenida de Castrelos n° 11 - 3è, VIGO PONTEVEDRA (Espagne) ;
- Mme Maria de Y... Pereira de Sousa, épouse BARBOSA, demeurant Praceta Padre Alvaro H..., Lote 214 - Casa direito, Casal S. Bras 2700 AMADORA CODEX (Portugal) ;
- Mme I... de Jesus G... de Sousa, épouse DA CUNHA A..., demeurant à Lugar de Crasto, Romarigaes 4940 PAREDES DE Z... (Portugal) ;
par Me B..., avocat au barreau de CUSSET-VICHY, tendant à la condamnation des Hospices civils de LYON à verser respectivement une somme de 50.000 Francs à M. et à Mme C... de Sousa, père et mère de M. D... de Sousa, et une somme de 10.000 Francs à chacun de ses 5 frères et soeurs en réparation du préjudice personnel qu'ils ont subi à la suite du prélèvement d'organes sans autorisation intervenu après le décès de M. D... de Sousa le 7 décembre 1990 ;
Vu les autres pièces et mémoires produits au dossier ;
Vu la loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d'organes ;
Vu le décret n° 78-501 du 31 mars 1978 pris en application de la loi susvisée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ;
Après avoir entendu, à l'audience publique du 5 mai 1993, dont avis a été donné régulièrement aux parties,
le rapport de M. SIMON, conseiller,
les conclusions de M. BERTHOUD, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 22 décembre 1976 : "Des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou scientifiques sur le cadavre d'une personne n'ayant pas fait connaître de son vivant son refus d'un tel prélèvement ..." ; qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 31 mars 1978 : "La personne qui entend s'opposer à un prélèvement sur son cadavre peut exprimer son refus par tout moyen ..." ; que, selon l'article 9 du même-décret : "... Toutes les personnes pouvant témoigner qu'une personne hospitalisée a fait connaître qu'elle s'opposait à un prélèvement sur son cadavre, en particulier les membres de sa famille et ses proches, consignent leurs témoignages assortis des justifications nécessaires dans le registre mentionné à l'alinéa précédent. Elles doivent notamment préciser le mode d'expression du refus, les circonstances dans lesquelles il a été exprimé et, le cas échéant, sa portée" ; que, selon l'article 10 dudit décret : "Avant de procéder à un prélèvement sur un cadavre, le médecin auquel incombe la responsabilité de ce prélèvement et qui n'a pas appris par d'autres voies que le défunt s'y était opposé de son vivant doit s'assurer que le refus de ce dernier n'a pas fait l'objet d'une inscription au registre mentionné à l'article 9 ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si le consentement d'une personne à un prélèvement d'organe sur son cadavre est présumé, le refus de cette personne peut être exprimé par tout moyen et que la consignation par quiconque, sur le registre prévu à l'article 9 précité du décret du 31 mars 1978, y compris par le personnel hospitalier, n'est qu'une des modalités de l'expression du refus de ladite personne ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. D... de Sousa, hospitalisé à Vichy à la suite d'un accident du travail, a été transféré le 6 décembre 1990 à l'hôpital Edouard Herriot, dépendant des Hospices civils de Lyon ; que la victime étant incapable d'exprimer sa volonté, l'infirmière de garde, compte tenu de l'évolution de son état de santé, a demandé à son entourage des renseignements sur le point de savoir si elle avait entendu ou non s'opposer à un prélèvement de ses organes après sa mort ; qu'il n'est pas contesté qu'à cette occasion, les agents du service hospitalier ont été informés de la volonté de M. D... de Sousa de s'opposer à tout prélèvement ; qu'ainsi, en prélevant les deux reins, le foie et le coeur de la victime après son décès survenu le 7 décembre, alors qu'il n'a été tenu aucun compte de l'expression de sa volonté, laquelle ne figure même pas dans le registre prévu à cet effet, et à supposer même que les circonstances dans lesquelles elle aurait pu l'exprimer n'étaient pas connues de manière assez précise, les Hospices civils de Lyon ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité ;
Considérant que la faute susmentionnée a causé un préjudice moral pour les père et mère de la victime ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant les Hospices civils de Lyon à verser respectivement une somme de 20.000 francs à M. et à Mme C... de Sousa, père et mère de M. D... de Sousa ;
Considérant, en revanche, que les cinq frères et soeurs de M. D... de Sousa, tous plus âgés que lui et qui avaient quitté le domicile parental, n'établissent pas la réalité de leur préjudice personnel ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à réclamer une indemnité ;
Article 1er - Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser vingt mille francs (20.000 F) à M. Joao X... de Sousa et vingt mille francs (20.000 F) à Mme F... Rosa G..., son épouse.
Article 2 - Le surplus des conclusions de la requête des consorts de Sousa est rejeté.
Article 3 - Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.