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18/05/1994 | FRANCE | N°CETATEXT000007607782

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 18 mai 1994, CETATEXT000007607782


Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant que la Caisse nationale de sécurité sociale C, constitue, en application de l'article L. 221-2 du Code de la sécurité sociale, un établissement public national à caractère administratif ; qu'elle est soumise, en cette qualité, au contrôle de la Cour des comptes et qu'en conséquence ses représentant

s, administrateurs ou agents sont justiciables, en application de l'article 1e...

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant que la Caisse nationale de sécurité sociale C, constitue, en application de l'article L. 221-2 du Code de la sécurité sociale, un établissement public national à caractère administratif ; qu'elle est soumise, en cette qualité, au contrôle de la Cour des comptes et qu'en conséquence ses représentants, administrateurs ou agents sont justiciables, en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée, de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Qu'il en va de même des agents des centres nationaux informatiques et, parmi eux, de ceux du centre national d'études, services déconcentrés de la Caisse C, en application de l'arrêté du 29 mars 1978 relatif à l'organisation financière et comptable du service commun d'études informatiques de la Caisse C ;

Sur les irrégularités commises :
Considérant que la Caisse C a conclu, les 4 août et 4 octobre 1989, avec la Compagnie générale d'automatisme (CGA-HBS) d'une part et la société Crouzet, (division "terminaux et systèmes") d'autre part, deux marchés pour la réalisation de logiciels intitulés respectivement "gestionnaire de portabilité" et "noyau assurance maladie omni praticiens" dit OMNI ;
Considérant d'une part que des "lettres d'intention de commande" ont été adressées le 26 décembre 1988 par M. R, avec l'accord de M. M., aux deux entreprises concernées, lettres qui approuvaient les propositions faites le 16 décembre 1988 par la société Crouzet et le 19 décembre par la société CGA-HBS ; que les travaux ont débuté dès les premiers jours de janvier 1989 ;
Considérant que M. M., agissant pour le directeur de la Caisse C et par délégation, a confirmé le 18 janvier 1989 au centre national d'études son accord pour faire part de son intention de commande, tout en rappelant que la commande ferme ne pourrait être passée qu'après accord de la commission de gestion administrative et du ministère de tutelle ;
Considérant que les responsables du centre national d'études, ceux des services informatiques de la caisse C. et M. N., se sont tenus informés de la poursuite des travaux au cours du premier semestre de 1989 ; que les comptes rendus des réunions qui se sont tenues au Centre national d'études avec les entreprises et leurs correspondants auprès de la Caisse C attestent l'avancement rapide de ces travaux en l'absence de tout marché ;

Considérant que, si les lettres d'intention de commande n'ont pas, en droit strict et par elles-mêmes, engagé la Caisse C, ainsi que l'expose le mémoire en défense, la conjonction de ces lettres et de l'étroite coopération entre les deux entreprises et des agents du Centre national d'études et de la Caisse C. était de nature à engager cette dernière et à créer une situation difficilement réversible au cas où des commandes fermes ne seraient pas passées ; que tel a été le cas lorsque la délibération de la commission administrative de gestion, appelée à autoriser l'opération, a été reportée du 15 mars au 16 mai 1989 et qu'en conséquence les entreprises ont suspendu les travaux et en ont chiffré le coût ; que la société Crouzet a alors évalué ses frais à 470.000 F ; qu'au demeurant, l'état des travaux arrêté au 31 mars 1989 montre que ces derniers étaient très avancés ;
Considérant que l'article 39 du Code des marchés publics, aux termes duquel "les marchés doivent être notifiés avant tout commencement d'exécution", a donc été enfreint ;
Considérant, d'autre part, que le conseil d'administration de la Caisse C. a donné délégation à sa commission de gestion administrative" pour prendre toutes décisions intéressant la gestion du fonds national de gestion administrative" et notamment, dans ce cadre, "pour procéder à la mise en oeuvre du programme général d'automatisation des caisses primaires" ; que l'accord de ladite commission devait donc être obtenu avant la mise en oeuvre de nouvelles applications informatiques et le choix de constructeurs ou prestataires de services ;

Considérant que c'est seulement le 16 mai 1989, plusieurs mois après le début des travaux, que cette commission a délibéré sur la sous-traitance du développement des logiciels susmentionnés ;
Considérant que l'autorisation du ministre de la solidarité, de la santé et la protection sociale, qui exerce la tutelle de la Caisse C., n'a été sollicitée que le 12 juin 1989 et accordée le 5 juillet 1989 ;
Considérant que l'engagement et l'exécution de dépenses informatiques ont ainsi été effectués pour le compte de la Caisse C, sans que l'accord de son conseil d'administration ou de la commission de gestion administrative, dûment mandatée par lui, et du ministère de tutelle ait été sollicité au préalable et sans que les marchés aient été signés et notifiés ; que dès lors, les régles relatives à l'exécution des dépenses de l'établissement public, notamment l'article 167 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 67-1230 du 22 décembre 1967 portant application des dispositions de l'ordonnance n° 67-706 du 21 août 1967 relative à l'organisation financière de la sécurité sociale ont été violées ;
Considérant que l'engagement des dépenses de l'organisme par des personnes non habilitées tombe sous le coup des dispositions de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que l'ensemble de ces irrégularités est constitutif des infractions prévues par l'article 5 de la même loi ;

Sur les responsabilités :
Considérant que les irrégularités relevées ci-dessus doivent, au premier chef, être imputées à M. N., délégataire des pouvoirs donnés par le conseil d'administration de la Caisse C. à la commission de gestion administrative et au directeur de l'établissement public pour ce qui concerne la gestion du budget exécutoire du fonds national de gestion administrative ;
Considérant qu'en second lieu, M. M., signataire de la lettre donnant instruction au Centre national d'études, à la place de M. N., de faire entamer les travaux, porte également une part de responsabilité dans les infractions sus-décrites ;
Considérant toutefois que les deux marchés en cause faisaient suite à des contrats antérieurement conclus avec les deux mêmes sociétés pour la réalisation et la fourniture à la Caisse C. des matériels informatiques nécessaires à l'expérimentation d'un projet de saisie électronique ; que la conception des deux logiciels, objet desdits marchés, s'inscrivait donc dans un processus continu de réalisation d'une opération complexe, comportant des phases complémentaires ;
Que cette expérimentation, telle qu'elle avait été décidée par la commission de gestion administrative du 12 juillet 1988, impliquait la disposition de logiciels qui soient adaptés aux machines qui devaient être livrées à la fin de 1988 ou au début 1989 par les deux sociétés CGA-HBS et Crouzet ;
Considérant qu'un comité de gestion du projet, certes sans pouvoir délibérant, réunissant les services intéressés (représentants de la caisse C. et d'autres caisses de sécurité sociale) avait choisi, le 9 novembre 1988, de confier la sous-traitance des logiciels à ces deux sociétés et chargé le responsable du projet et le Centre national d'études de constituer un dossier d'étude de faisabilité de cette sous-traitance ;

Que l'opération était inscrite au plan informatique pour 1989 régulièrement approuvé ;
Considérant que, certes, ces éléments n'impliquaient pas nécessairement de confier l'élaboration des logiciels aux constructeurs de machines et n'excluaient pas la mise en concurrence ; que, sur ce point toutefois, le ministre d'Etat, ministre des affaires sociales estime "raisonnable le choix de sous-traiter l'élaboration de logiciels spécifiques, dédiés exclusivement à des matériels de technologie avancée dont la caisse C était déjà dotée de prototypes, exclusivement conçus par les deux constructeurs concernés" ;
Considérant qu'en outre, le contexte d'urgence peut expliquer l'initiative prise par les responsables de se mettre en rapport avec les constructeurs, sans délibération préalable de la commission de gestion administrative ;
Que ces deux éléments - la spécificité des logiciels souhaités et l'urgence - peuvent également faire penser que la "mise en compétition" préalable aux marchés négociés, prévue par l'article 103 du Code des marchés publics, aurait pu, certes, être exercée, mais qu'elle aurait été difficile à mettre en oeuvre ;
Considérant par ailleurs que le report du 15 mars au 16 mai 1989 de la délibération de la commission de gestion administrative, appelée à se prononcer sur l'affaire, n'est pas le fait des responsables de l'informatique de la Caisse C ;
Considérant qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'engager la responsabilité de MM. N. et M. en regard des dispositions de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Relaxe de MM. N. et M..


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007607782
Date de la décision : 18/05/1994
Sens de l'arrêt : Relaxe
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion d'un établissement public national de sécurité sociale - Engagement de dépenses sans en avoir le pouvoir - Infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'organisme et de gestion de ses biens - Marchés publics.

18-01-05-01 Signature par deux agents d'un établissement public national de lettres d'intention de commande et début d'exécution des travaux avant commande ferme. La conjonction des lettres d'intention et d'une étroite coopération entre les services de l'établissement public au début des travaux était de nature à engager celui-ci et à créer une situation difficilement réversible. En conséquence, violation du code des marchés publics selon lequel les marchés doivent être notifiés avant tout commencement d'exécution. Engagement de dépenses par l'établissement public dans des conditions non conformes aux règles en vigueur. Cependant responsabilité des deux agents de l'établissement public en cause non engagée en raison de la spécificité des prestations et de l'urgence. Relaxes.


Références :

Code de la sécurité sociale L221-2
Code des marchés publics 39, 103
Décret 62-1587 du 29 décembre 1962
Décret 67-1230 du 22 décembre 1967
Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 1, art. 4, art. 5
Ordonnance 67-706 du 21 août 1967


Composition du Tribunal
Président : M. Joxe
Rapporteur ?: M. Pierre
Avocat(s) : Me Thiriez, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1994:CETATEXT000007607782
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