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22/06/1992 | FRANCE | N°CETATEXT000007609653

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 22 juin 1992, CETATEXT000007609653


Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'à l'époque des faits MM. F..., Simon, A..., B..., E... et G... avaient la qualité de fonctionnaires de l'Etat, M. G... appartenant en outre au cabinet d'un membre du Gouvernement, qu'ils étaient donc justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article 1er de la

loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les marchés et commandes relatif...

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'à l'époque des faits MM. F..., Simon, A..., B..., E... et G... avaient la qualité de fonctionnaires de l'Etat, M. G... appartenant en outre au cabinet d'un membre du Gouvernement, qu'ils étaient donc justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les marchés et commandes relatifs à des missions d'assistance technique en organisation et communication :
Considérant que trois services extérieurs à compétence nationale du ministère des postes et télécommunications, le service de recherches techniques des postes (SRTP), le service de maintenance des installations des postes (SMIIP) et la direction des approvisionnements de la poste (DAPO), ont confié à la société Denis-Beaumont et associés (DBA) par marchés négociés et commande des 16 juin 1983 et 12 décembre 1983 pour le SRTP, du 2 mai 1984 pour le SMIP, des 5 avril 1984 et 15 février 1985 pour la DAPO, des missions d'assistance technique pour un montant total de 2.389.790 francs ;
Que ces marchés et commande étaient en fait destinés à couvrir la rémunération de la société DBA pour des conseils en stratégie de communication du ministre, comme prévu dans une proposition de DBA du 29 avril 1983 intitulée : "Image de M. Louis H..., ministre délégué chargé des postes et télécommunications et de la télédiffusion (programme de relations publiques de mai 1983 aux élections législatives)", dans une proposition complémentaire de DBA du 15 mai 1983 demandant pour rémunération de son intervention sur une période d'un an une somme de 600.000 francs hors taxes, non compris les frais techniques, de déplacement et de mission, et dans une note du 24 août 1983 de DBA adressée à M. G... ; que la collaboration de la société Denis-Beaumont et associés à l'activité du ministre et du cabinet s'est poursuivie de mai 1983 à février 1986 ;
Que M. G..., alors chargé de mission pour les relations et affaires internationales et la stratégie de communication et d'image auprès du ministre délégué, chargé des PTT, avait en effet demandé au directeur de la logistique de la direction générale des postes, M. B..., de faire assurer la rémunération de DBA par contrats avec des services extérieurs en raison, d'une part, de l'absence de crédits votés pour cet objet au budget de 1983 et afin d'éviter, d'autre part, l'opposition que les personnels du service de l'information et de la communication du ministère auraient selon lui manifestée au recours à un organisme extérieur privé ;

Que le directeur de la logistique était informé du montant global de la rémunération à assurer à DBA pour une année ; que le marché du SRTP du 16 juin 1983, le marché du SMIP du 2 mai 1984, la commande du 5 avril 1984 et le marché du 15 février 1985 de la DAPO ont été rédigés par la direction de la logistique ; que le service fait a été certifié par des agents du SRTP pour les marchés de 1983 sur instruction de l'administration centrale ; qu'il l'a été par des agents du SMIP pour le marché du 2 mai 1984 et par des agents de la direction de la logistique pour la commande et le marché de la DAPO sur l'indication, par M. B..., que les prestations avaient été fournies par DBA et que les factures de DBA pouvaient être réglées ;
Que M. G... ne connaissait ni le montant exact et l'objet particulier de chaque marché ni le service extérieur qui était sollicité pour le conclure, mais qu'il témoignait auprès du directeur de la logistique du travail exécuté par DBA, qu'il vérifiait que le service rendu par DBA avait été rémunéré conformément à l'accord passé en 1983 et qu'il autorisait le renouvellement des marchés sur les bases précédemment fixées ;
Considérant que les marchés précités ont été conclus sous la forme de marchés négociés sans mise en concurrence préalable, sur le fondement de l'article 104-2° du code des marchés publics qui autorise la passation de tels marchés "lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation qui, à cause de nécessités techniques, d'investissements préalables importants, d'installations spéciales ou de savoir-faire, ne peut être confiée qu'à un entrepreneur ou un fournisseur déterminé" ; que sans doute M. G... a-t-il fait état de diverses consultations mais qu'il n'en a précisé ni le nombre ni les modalités ; qu'il doit être constaté que la société Denis-Beaumont et associés, qui n'a été inscrite au registre de commerce que le 30 juin 1983, c'est-à-dire après la conclusion du marché susmentionné du 16 juin 1983, a été choisie sans mise en concurrence préalable alors qu'il existe un grand nombre d'entreprises qui peuvent mettre en oeuvre une stratégie de communication et affirmer une image ;
Que c'est donc à tort que les marchés font référence à l'article 104-2° du code des marchés publics, ce qui constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, dont la responsabilité incombe à M. G..., à titre principal ; qu'elle incombe aussi à M. B... dont la direction de la logistique a fourni aux chefs des services extérieurs intéressés les éléments nécessaires à la rédaction des marchés ; que MM. F... et Simon n'ont par contre pas eu de part au choix de l'entreprise ;

Considérant que les marchés et commande susvisés ont contrevenu en outre aux dispositions de l'article 75, alinéa 1er, du code des marchés publics qui prévoient que "les prestations qui font l'objet des marchés doivent répondre exclusivement à la nature et à l'étendue des besoins à satisfaire" ; qu'en effet les conditions de rémunération de la société Denis-Beaumont et associés ne figuraient ni dans les marchés et commande ni dans les factures présentées par DBA ; que le comptable était mis dans l'incapacité de vérifier l'exactitude des calculs de liquidation ;
Que l'occultation de l'objet réel des marchés et des modalités réelles de calcul de la rémunération de DBA constitue une deuxième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; que la responsabilité en incombe principalement à M. G... qui a négocié avec Denis-Beaumont et associés ; qu'elle incombe aussi à M. B... qui a mis au point les clauses exprimant le contenu des marchés ; que, par contre, MM. F... et Simon ont pu ignorer l'objet réel du marché ;
Considérant que les certifications du service fait ont été apposées sur les factures de DBA sans que leurs signataires au SRTP, au SMIP et à la direction de la logistique aient vérifié eux-mêmes que les prestations convenues avaient été fournies, comme leur en faisaient pourtant obligation l'article 30 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et, s'agissant de la liquidation des paiements sur des marchés, l'article 177 du code des marchés publics ainsi que l'article 32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978, cahier qui est une pièce constitutive des marchés des 2 mai 1984 et 15 février 1985 ; que c'est ainsi qu'ils ont été conduits à attester que le service avait été fait conformément aux stipulations des marchés et commande alors même que les prestations réellement effectuées ne correspondaient en rien aux mentions figurant dans ceux-ci ;
Que l'absence des vérifications prescrites par la réglementation précitée constitue une troisième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'il suit de là que les signataires des certifications ont apposé leur visa de manière fautive ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'ils ont agi sous le couvert ou sur la demande du directeur de la logistique, M. B..., et indirectement de M. G..., dans des conditions qui ne leur permettaient pas de faire valoir des objections ; qu'il y a lieu dès lors d'imputer la responsabilité de cette troisième infraction à MM. B... et G... ; que MM. F... et Simon n'ont eu par contre qu'un rôle d'exécutant dans la liquidation de la dépense ;

Considérant que les prestations de Denis-Beaumont et associés, qui portaient sur l'image et la stratégie de communication du ministre délégué, auraient dû faire l'objet, sur les crédits ouverts à l'administration centrale du ministère, d'engagements présentés au visa préalable du contrôleur financier près le ministre conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ; qu'elles ont néanmoins été réglées par des agents comptables régionaux des PTT au moyen des crédits ouverts à trois services extérieurs à compétence nationale ;
Que les marchés n'ont pas été soumis au visa du contrôleur financier mais vus par les chefs des services régionaux de comptabilité des PTT de Nantes pour les marchés du SRTP et de Rennes pour le marché de la DAPO et par l'agent comptable des services spéciaux des PTT d'Arcueil pour le marché du SMIP ; que le visa de ces agents comptables, qui n'a pas au demeurant la même portée que le contrôle financier local organisé par le décret n° 70-1049 du 13 novembre 1970, en l'absence d'un décret spécifique au ministère des PTT, ne pouvait être substitué à celui du contrôleur financier central, seul compétent en raison de la nature des dépenses ;
Que ces dépenses ont par conséquent été engagées sans respecter les règles applicables en matière de contrôle financier, ce qui constitue une infraction sanctionnée par l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Que la responsabilité de cette infraction incombe à M. G... qui a donné les directives nécessaires à la passation des marchés ; que les considérations d'opportunité tenant à l'attitude supposée des personnels du service de l'information et de la communication du ministère, avancées par M. G... au cours de l'instruction, ne sauraient l'exonérer de cette responsabilité ;
Qu'il en est de même de l'absence des crédits nécessaires au budget de 1983, invoquée aussi par M. G..., qui aurait ainsi, au moins en 1983, fait dissimuler un dépassement de crédits par une imputation irrégulière des dépenses, ce que sanctionne l'article 3 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur les marchés relatifs à la première "Lettre du ministre des PTT aux usagers" :
Considérant que, par marché négocié du 5 décembre 1984, le ministère des PTT, représenté par M. Lavenir, adjoint au directeur général des télécommunications, a chargé la société Denis-Beaumont et associés (DBA) de fournir 17 millions d'exemplaires d'une "Lettre aux usagers" que le ministre adresserait aux abonnés du téléphone, pour un prix de 4.052.562 francs ; que ce prix a été réglé en janvier 1985 au vu d'un certificat de service fait établi par un chef de département de la direction générale des télécommunications ; que M. Lavenir a présenté le 29 novembre 1984 le projet de marché au contrôleur financier en indiquant qu'à l'issue d'un appel d'offres, la société Denis-Beaumont et associés avait seule pu répondre dans les délais et avec les meilleurs prix à l'ensemble des prestations demandées ;
Que, par un deuxième marché négocié du 18 février 1985, signé lui aussi par M. Lavenir, la société DBA a été chargée de concevoir et réaliser 6 millions d'exemplaires d'un document de six pages "destiné à présenter la campagne "sécurité", aux usagers du téléphone" et 170.000 affichettes à coller sur les cabines publiques de téléphone ; que le prix total était de 2.109.265 francs, à savoir 1.537.056 francs pour le document de six pages et 572.209 francs pour les affichettes ; qu'il a été réglé en mars 1985 au vu d'un certificat de service fait signé par le même agent de la direction générale des télécommunications que pour le premier marché ; que M. Lavenir a présenté le 19 décembre 1984 le deuxième projet de marché au contrôleur financier en exposant à nouveau qu'à l'issue d'un appel d'offres, la société Denis-Beaumont et associés avait proposé les meilleurs prix pour l'ensemble des prestations demandées ; que M. G... a certifié pour sa part, le 25 janvier 1985, qu'une consultation avait été effectuée auprès de quatre imprimeurs et que la société Denis-Beaumont et associés, mieux disante, avait été retenue ;

Qu'un troisième marché négocié, du 17 janvier 1985, signé par M. A..., chef du service de l'information et de la communication du ministère, a confié à DBA une mission de pliage, mise sous pli et routage de trois documents établis en 22 millions d'exemplaires chacun par l'administration des PTT, pour un prix de 3.202.200 francs ; que ce prix a été réglé en février 1985 au vu d'un certificat de service fait établi par M. A... ;
Considérant que le document de six pages sur lequel portait le marché du 18 février 1985 était en fait la "Lettre aux usagers" ; que le devis du 15 octobre 1984 de DBA, accepté le 24 octobre 1984 par le ministre, portait d'ailleurs sur 22 millions d'exemplaires de la "Lettre" ; que cette "Lettre" était l'un des trois documents auxquels se rapportait le marché du 17 janvier 1985 pour le routage de 22 millions d'exemplaires, les deux autres documents étant la fiche-adresse des abonnés destinataires et un "mailing de promotion des CCP" dont l'impression a fait l'objet d'un marché du 20 décembre 1984 avec la société Inter Point Graphic d'un montant de 1.339.322 francs ; que la mise à disposition du public dans les bureaux de poste du 23ème million d'exemplaires de la "Lettre aux usagers" a fait l'objet d'une commande spécifique de la direction des approvisionnements de la poste à la société DBA pour un montant de 54.556 francs ; Qu'il apparaît ainsi que les opérations portant sur la conception, la réalisation, la mise sous pli et le routage d'un même document, la "Lettre aux usagers", confiées à une même entreprise, la société Denis-Beaumont et associés, ont été fractionnées ; que ce fractionnement ne présentait pas les "avantages techniques et financiers" auxquels l'article 77 du code des marchés publics subordonne l'emploi d'un tel procédé ;
Qu'il a eu pour effet de permettre de ne pas soumettre à la commission spécialisée des marchés d'approvisionnements généraux, comme l'imposait l'article 212 du code des marchés publics, les trois marchés ; que le montant total de ceux-ci, qui était de 9.364.027 francs, ou de 8.791.818 francs en ne comptant pas la partie du marché du 18 février 1985 qui se rapportait aux 170.000 affichettes, dépassait le seuil de compétence de la commission, porté à 4,5 millions de francs par l'arrêté du 20 octobre 1983 en application des articles 207 et 212-1° du code des marchés publics, et du décret du 13 mars 1972 ; que le seul montant des deux marchés de la direction générale des télécommunications, à savoir 6.161.827 francs, ou 5.589.618 francs sans les affichettes, dépassait le seuil de compétence de la commission ;
Que M. G... a d'ailleurs indiqué lors de son audition et confirmé dans son mémoire du 26 juin 1992 que le découpage artificiel des marchés opéré par la direction générale des télécommunications et par le service de l'information et de la communication, ainsi que le libellé inexact du marché du 18 février 1985 étaient dus au fait que la brièveté des délais impartis rendait impossible le passage devant la commission spécialisée des marchés ; qu'il doit être fait observer à cet égard que l'article 217 du code des marchés publics permet, sous certaines conditions, de passer un marché qui présente un caractère d'urgence impérieuse sans demander au préalable l'avis de la commission spécialisée des marchés ;

Que le fractionnement des marchés des 5 décembre 1984, 17 janvier et 18 février 1985, en permettant au ministère de se soustraire à l'obligation énoncée par l'article 212 du code des marchés publics, constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Que cette infraction est imputable au premier chef à M. G... qui a réparti les tâches correspondant aux différents marchés entre la direction générale des télécommunications et le service de l'information et de la communication ; qu'il n'est pas possible d'écarter la responsabilité des signataires des marchés, M. Lavenir pour ceux du 5 décembre 1984 et du 18 février 1985, M. A... pour celui du 17 janvier 1985 ; qu'en effet M. G... n'était pas le supérieur hiérarchique de MM. E... et A..., personnes responsables des marchés en application de l'arrêté du 17 janvier 1980 modifié du secrétaire d'Etat aux postes et télécommunications et à la télédiffusion portant désignation des personnes responsables habilitées à signer les marchés, et de l'arrêté du 8 août 1984 modifié du ministre délégué, chargé des PTT, portant délégation de signature ; Considérant que le ministre délégué, chargé des PTT, a transmis, le 25 octobre 1984, au directeur général des télécommunications "pour suite à donner" copie d'une lettre du 24 octobre par laquelle il indiquait au président-directeur général de la société Denis-Beaumont et associés qu'il avait demandé qu'un marché soit préparé sur la base du devis précité de DBA du 15 octobre et que le marché serait établi par la direction générale des télécommunications ; qu'en réponse à une note du directeur général des télécommunications du 30 octobre 1984, le ministre délégué a demandé, le 12 novembre 1984, au directeur général de préparer dès maintenant le marché correspondant à l'opération "Lettre aux usagers" qui devait être achevée le 20 décembre, et comportant aussi la campagne sur la sécurité des cabines téléphoniques ; que cette lettre précisait que la Poste prendrait en charge la réalisation du document CCP, la mise sous enveloppe, le transport et l'acheminement des documents, mais que les enveloppes seraient fournies par la direction générale des télécommunications ;
Que ces documents n'étaient pas joints aux pièces de dépense transmises au comptable ; que la transmission, le 25 octobre, d'une copie de la lettre du 24 octobre à la société DBA ne saurait en tout état de cause être assimilée à l'ordre écrit mentionné à l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; que la note du 12 novembre 1984, que le directeur général des télécommunications a remise à M. Lavenir, est bien un tel ordre mais qu'elle n'autorisait nullement le fractionnement des marchés des 5 décembre 1984 et 18 février 1985 ; qu'elle prévoyait la passation d'un marché distinct pour le routage de la lettre aux usagers mais ne comportait aucun ordre du ministre quant à la saisine de la commission spécialisée des marchés ; qu'ainsi les conditions posées par l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ne sont pas réunies ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code des marchés publics, les marchés doivent être conclus avant tout commencement d'exécution ; que les marchés ont été notifiés les 5 décembre 1984, 17 janvier et 18 février 1985, mais que le bon à tirer a été apposé le 30 octobre 1984 à la direction générale des télécommunications sur le projet de "Lettre aux usagers" transmis le 23 octobre 1984 par la société Denis-Beaumont et associés à M. G... et que les dernières factures de l'imprimeur auquel la société DBA s'est adressée ont été établies le 2 janvier 1985 ; que la lettre déjà citée du 24 octobre 1984 du ministre délégué, chargé des PTT, à la société DBA n'autorisait nullement le commencement des travaux avant la conclusion du marché qui constitue une deuxième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Que la responsabilité de cette infraction incombe à M. G... ; qu'il ressort par contre de l'attestation susvisée établie le 11 juin 1992 par M. Z..., directeur général des télécommunications au moment des faits, que M. Lavenir n'a eu connaissance du dossier préparatoire à la note du directeur général du 30 octobre 1984 déjà citée qu'à la fin de l'année 1985 ;
Considérant que les termes de la note déjà citée du 12 novembre 1984 par laquelle le ministre demandait au directeur général des télécommunications de préparer dès maintenant le marché selon les devis qui avaient été communiqués à ce dernier par l'organisme chargé de réaliser l'opération, à savoir la société Denis-Beaumont et associés que le ministre avait informée, le 24 octobre, de la prochaine préparation du marché, sont assez précis pour pouvoir être interprétés comme un ordre de conclure le marché avec la société Denis-Beaumont et associés sans l'appel à la concurrence qu'aurait imposé l'article 103 du code des marchés publics ;
Considérant que l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services, approuvé par le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 modifié, qui faisait partie des pièces constitutives des trois marchés, impose à la personne responsable d'un marché d'effectuer, lors de la livraison de la fourniture ou de l'exécution du service, les opérations de vérification quantitative et qualitative simples, mais qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la déposition du signataire des attestations de service fait pour les marchés des 5 décembre 1984 et 18 février 1985, du mémoire en défense de M. Lavenir et des déclarations de M. A... lors de ses auditions que les liquidations des dépenses afférentes aux trois marchés ont été effectuées sans que ces opérations de vérification aient été réalisées ;
Que l'absence du contrôle prévu par les pièces constitutives du dossier constitue une troisième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, dont la responsabilité incombe aux personnes responsables des marchés, M. A... pour le marché du 17 janvier 1985 et M. Lavenir pour ceux des 5 décembre 1984 et 18 février 1985 ;

Considérant que les marchés, qui ont été conclus après le commencement de leur exécution ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, ont été soumis tardivement au contrôleur financier, dont le visa doit pourtant être préalable aux termes de l'article 5 de la loi du 10 août 1922 précitée ;
Que la responsabilité de cette infraction aux règles applicables en matière de contrôle financier portant sur l'engagement des dépenses au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée incombe à M. G... ;
Considérant que le contrôleur financier a été saisi, pour le marché du 5 décembre 1984, d'une note du 29 novembre 1984 de M. Lavenir exposant que la société Denis-Beaumont et associés avait été retenue à l'issue d'un appel d'offres et que figurent de fait dans le dossier trois propositions en plus de celle de DBA, toutes trois d'un montant plus élevé et datées des 24, 27 et 31 octobre ;
Que toutefois la société DBA avait été avisée dès le 24 octobre par le ministre que le marché lui était confié ; que le président-directeur général d'une des trois autres entreprises a indiqué au cours de l'instruction qu'il ne détenait plus d'archives sur les offres et devis faits en 1984 ; que les deux dernières entreprises, les SARL D... de l'Ile de France et Inter Point Graphic, avaient les mêmes propriétaires et le même responsable technico-commercial, M. Y. C..., qui a exposé dans sa déposition que les devis qu'il avait établis pour les deux SARL étaient pour lui sincères dans leur valeur, mais qu'il savait que le marché ne serait pas attribué à ces sociétés ;
Que M. A... a indiqué au cours de son audition qu'à la demande du cabinet du ministre, il a transmis à M. Lavenir les devis nécessaires à la constitution du dossier d'appel d'offres et que ces devis avaient un caractère de convenance, l'intégralité de l'opération étant attribuée à la société Denis-Beaumont et associés depuis longtemps par le cabinet ;
Que le contrôleur financier a été saisi de même, le 19 décembre 1984, pour le marché du 18 février 1985 qu'il a visé le 6 février, d'une note de M. Lavenir exposant que la société Denis-Beaumont et associés avait été choisie à l'issue d'un appel d'offres ; que la réalisation d'une consultation auprès de quatre imprimeurs est mentionnée aussi dans un certificat administratif du 25 janvier 1985 signé de M. G... ; que figurent au dossier trois devis des mêmes entreprises que pour le marché du 5 décembre 1984, datés des 26 novembre, 29 novembre et 13 décembre 1984, que les déclarations du responsable technico-commercial des SARL D... de l'Ile de France et Inter Point Graphic et de M. A... rapportées ci-dessus valent pour le marché du 18 février 1985 ;
Que la présentation faite au contrôleur financier de la procédure du choix de Denis-Beaumont et associés était délibérément erronée et fallacieuse, ce qui constitue une deuxième infraction aux règles applicables en matière de contrôle financier au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; que la responsabilité en incombe à MM. A... et G... ; qu'il ressort par contre de l'attestation susvisée de M. Z... que M. Lavenir n'avait pas connaissance de l'ensemble du dossier lorsqu'il a signé les notes des 29 novembre et 19 décembre 1984 ;

Que la note précitée du ministre en date du 12 novembre 1984 ne fait aucune allusion à la constitution d'un dossier fictif d'appel d'offres destiné à donner au contrôleur financier l'impression qu'une mise en concurrence avait eu lieu ; que MM. A... et G... ne peuvent donc faire état d'un ordre écrit les exonérant de leur responsabilité ;
Considérant que la note du 19 décembre 1984 de M. Lavenir au contrôleur financier décrivait le marché projeté comme portant sur la conception et la réalisation de documents destinés aux usagers du téléphone et ne précisait nullement qu'il s'agissait pour l'essentiel du même document que pour le marché soumis à son visa le 29 novembre, ce que M. Lavenir n'ignorait pas, ainsi qu'il l'a confirmé dans son mémoire en défense ; que la même omission est constatée sur le certificat administratif signé le 25 janvier 1985 de M. G... ;
Que la présentation ainsi faite au contrôleur financier de l'objet du marché et de la consistance des prestations sur lesquelles il portait était délibérément incomplète ; qu'elle ne lui permettait pas de mesurer le volume réel de l'ensemble de l'opération engagée, et d'apprécier l'exactitude de l'évaluation et l'application des dispositions d'ordre financier des lois et règlements comme le prévoit l'article 5 de la loi du 10 août 1922 précitée ;
Que cette déformation des faits dans leur présentation au contrôleur financier constitue une troisième infraction aux règles applicables en matière de contrôle financier portant sur les engagements de dépenses au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, dont la responsabilité incombe à MM. E... et G... ;
Sur les marchés relatifs à la seconde "Lettre du ministre des PTT aux usagers" :
Considérant que, pour la conception, la réalisation et la diffusion d'une seconde "Lettre aux usagers", l'Etat a conclu six marchés d'un montant total de 12.521.788 francs, sur lesquels les paiements ont atteint en définitive 12.563.298 francs ;
Que quatre d'entre eux ont été signés le 23 décembre 1985 par M. A..., chef du service de l'information et de la communication (SIC) du ministère ; que l'D... Jean Y... SA a été chargée d'imprimer 23 millions d'exemplaires de la "Lettre" moyennant un prix de 1.660.400 francs, porté à 1.701.910 francs pour l'impression de 24 millions d'exemplaires ; que le pliage de 23 millions d'exemplaires de la "Lettre" a été confié à la SARL D... Louis XVI pour un prix de 1.309.344 francs ; que la SARL Export Diffusion a reçu commande de 25 millions d'enveloppes à fenêtre pour un prix de 2.920.525 francs ; qu'il a été demandé à la SARL Inter Point Graphic de mettre sous pli et d'assurer le routage de 23 millions d'exemplaires de la "Lettre" au prix de 4.214.451 francs ;

Que les prix convenus ont été réglés en janvier et février 1986 au vu de certificats de service fait établis par M. A..., chef du SIC ;
Qu'un marché préparé par la direction de la logistique et le service de l'information et de la communication a été signé le 3 janvier 1986 par la direction des approvisionnements de la poste avec la SARL Export Diffusion pour la fourniture de 300 tonnes de papier d'impression, moyennant un prix de 2.120.568 francs, qui a été réglé en février 1986 au vu d'un certificat de service fait établi par M. A... le 9 janvier 1986 ;
Que le sixième marché a été signé pour régularisation le 21 janvier 1986 par M. A... avec la société Denis-Beaumont et associés pour la conception et la réalisation de la maquette de la "Lettre" moyennant un prix de 296.500 francs, qui a été réglé en février 1986 au vu d'un certificat de service fait signé de M. A... ;
Considérant que les quatre marchés du 23 décembre 1985 font référence à l'article 103-4° du code des marchés publics qui permet la conclusion de marchés négociés pour l'exécution des travaux, fournitures ou services, dans les cas d'urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ; que l'article 103 n'en impose pas moins à la personne responsable de mettre en compétition, par une consultation écrite au moins sommaire, les candidats susceptibles d'exécuter de tels marchés ; que, de fait, M. A..., chef du SIC, exposait dans une note du 18 décembre 1985 au contrôleur financier que l'administration s'était efforcée de s'entourer de toutes les garanties souhaitables quant à la bonne exécution des prestations et à la valeur des prix proposés et que, dans le cas où cela était possible, un appel à la concurrence restreint avait été engagé sous forme de demande de devis auprès de divers fournisseurs habituels de l'administration ;
Que s'agissant des travaux d'impression confiés à l'Imprimerie Jean Didier J..., le dossier contient des offres, plus élevées, de quatre autres sociétés ; que toutefois l'une des offres émanait d'une entreprise appartenant au même groupe que le titulaire ; qu'une autre société n'avait été saisie que d'une demande verbale de prix ; que les deux dernières offres émanaient des SARL D... de l'Ile de France et Inter Point Graphic qui avaient déjà remis des devis pour la première "Lettre aux usagers", qui ont les mêmes détenteurs de parts et dont le responsable technico-commercial commun a indiqué lors de sa déposition qu'il était impossible aux sociétés de réaliser la prestation demandée dans les délais impartis ; que, de surcroît, l'Imprimerie de l'Ile-de-France était en dissolution depuis le 18 décembre 1984 ; que la conclusion de ce marché n'a donc pas respecté la règle posée par l'article 103 du code des marchés publics ;

Que pour les travaux de pliage confiés à la SARL D... Louis XVI, le dossier contient des propositions, plus élevées, des SARL Inter Point Graphic et D... de l'Ile de France, mais que la gérante de l'D... Louis XVI, qui était attaché commercial d'Inter Point Graphic, a indiqué que l'offre de prix de la société avait été établie par le chef de fabrication d'Inter Point Graphic ; que dès lors la dévolution du marché n'a pas été précédée de la mise en compétition que prévoit l'article 103 précité ;
Qu'aucun document écrit dans les dossiers des marchés avec la SARL Export Diffusion pour la fourniture d'enveloppes et avec la SARL Inter Point Graphic pour le routage ne permet d'établir l'existence d'une telle mise en compétition ;
Que M. A... a indiqué lors de son audition qu'en raison du problème de délai, il avait choisi de s'adresser à M. Y. C..., maître d'oeuvre de l'opération, qui aurait d'ailleurs recommandé de retenir l'Imprimerie Jean Didier J... ; que M. A... a souligné que "M. C... était le directeur commercial de plusieurs sociétés gravitant dans le domaine de l'impression, ce qui permettait de présenter des dossiers d'appels d'offres plus crédibles" ;
Que M. C... a confirmé dans sa déposition qu'il avait "fait tout le technique et le commercial pour l'ensemble de ces affaires", qu'il avait "coordonné l'ensemble", qu'il était responsable d'un groupe d'entreprises comprenant notamment Inter Point Graphic, Export Diffusion, D... Louis XVI et Imprimerie de l'Ile de France et que cette dernière entreprise avait été rachetée en 1978 par les salariés de la société anonyme Gutenberg Paris Nord qu'il dirigeait ;
Que la liquidation de l'Imprimerie Gutenberg Paris Nord SA et de deux SARL a été prononcée le 4 décembre 1978 sur saisine d'office et clôturée pour insuffisance d'actif le 26 mai 1982 ; que le tribunal de commerce de Paris a prononcé, le 17 novembre 1980, la déchéance du président-directeur général de la société anonyme, gérant des deux SARL, du droit de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale, en application de l'article 108 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Que le gérant de la société Export Diffusion, fils de la gérante des SARL Inter Point Graphic et D... de l'Ile de France, et du responsable technico-commercial des SARL Inter Point Graphic, D... Louis XVI et Export Diffusion, détenait la moitié des parts d'Export Diffusion, et 325 et 240 des 500 parts des deux autres SARL; que l'autre moitié du capital d'Export Diffusion appartenait à la gérante de la SARL D... Louis XVI ;

Que, dans ces conditions, la mise en compétition avant la passation des quatre marchés, d'un montant total de 10.104.720 francs, notifiés le 23 décembre 1985 a été inexistante ou fictive ; que cette violation de l'article 103 du code des marchés publics constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'elle est imputable à la personne responsable des marchés du 23 décembre 1985, M. A... ;
Que la note précitée du 18 décembre 1985 au contrôleur financier faisait état d'appels à la concurrence qui étaient en fait fictifs ou inexistants ; qu'elle ne permettait donc pas au contrôleur d'apprécier l'application des dispositions d'ordre financier des lois et règlements comme le prévoit la loi du 10 août 1922 ; que cette présentation tronquée constitue une infraction aux règles applicables en matière de contrôle financier portant sur les engagements de dépenses au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, dont la responsabilité incombe au signataire de la note du 18 décembre 1985 et des marchés du 23 décembre 1985, M. A... ;
Considérant que les six marchés, qui étaient d'un montant total de 12.521.788 francs, se rapportaient à une même opération, la rédaction, la réalisation et le routage de la seconde "Lettre aux usagers" ;
Que les titulaires de plusieurs marchés étaient dans l'incapacité d'effectuer eux-mêmes les prestations qui leur étaient demandées ;
Qu'en particulier la SARL D... Louis XVI avait été mise en dissolution à dater du 31 décembre 1983 ; que le marché de pliage a été exécuté par quatre sous-traitants, dont Inter Point Graphic ; que les trois autres sous-traitants, Merkhofer J..., SA Atelier Brochage Cergy Pontoise et SARL Manibrochure, ont déclaré que le travail leur avait été commandé par Inter Point Graphic à qui ils avaient adressé leurs factures ;
Que la société Export Diffusion n'avait depuis 1984 qu'une activité très réduite ; que son gérant a indiqué dans sa déposition qu'il n'avait aucunement participé à la négociation des marchés et qu'il s'était adressé à d'autres fournisseurs ;
Que la prestation de routage confiée à la SARL Inter Point Graphic a, elle aussi, été confiée par celle-ci à d'autres entreprises spécialisées dans le routage, ainsi que l'établissent un télex du 3 janvier 1986 d'Inter Point Graphic au service de l'information et de la communication et les déclarations des sociétés de routage ;

Que M. A... a confirmé lors de son audition qu'il s'agissait en réalité d'une opération globale comme pour la première "Lettre aux usagers" ; qu'il a soutenu qu'un passage devant la commission spécialisée des marchés d'approvisionnements généraux ne lui aurait pas permis de tenir les délais qu'imposait l'ouverture de la campagne électorale pour les élections législatives ; qu'il a précisé que, pour l'éviter, il avait décidé de partager en quatre marchés, ceux du 23 novembre 1985, la réalisation pratique de la "Lettre" ;
Que, toutefois, le découpage de l'opération en marchés distincts que plusieurs des titulaires retenus, les SARL D... Louis XVI, Export Diffusion et Inter Point Graphic, étaient dans l'incapacité d'exécuter eux-mêmes n'était pas susceptible de présenter les avantages techniques et financiers auxquels l'article 77 du code des marchés publics subordonne le fractionnement en lots ; que ce fractionnement artificiel constitue une deuxième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Qu'il a eu en outre pour effet de faire apparaître fallacieusement le montant de l'opération comme étant inférieur au seuil de 4,5 millions de francs au-delà duquel les marchés devaient être transmis à la commission spécialisée des marchés d'approvisionnements généraux conformément à l'article 212 du code des marchés publics ; que l'absence de transmission à la commission constitue une troisième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Que ces deuxième et troisième infractions au regard de l'article 5 sont imputables à M. A..., personne responsable et signature des marchés des 23 décembre 1985 et 21 janvier 1986, qui a pris part aussi à la préparation du marché du 3 janvier 1986 ;
Que M. G..., qui avait quitté le cabinet en août 1985, a présidé une réunion de coordination en novembre 1985 sur les modalités d'impression, de diffusion et de répartition du financement de la "Lettre aux usagers", à laquelle participaient M. A... et des représentants des directions générales de la poste et des télécommunications, mais qu'il n'est pas établi qu'il ait donné l'instruction de fractionner les marchés ;
Que M. F... n'a pas eu connaissance de l'ensemble de l'opération et par conséquent de son fractionnement artificiel ;

Considérant que l'article 41 du code des marchés publics prévoit qu'il peut être exigé des candidats aux marchés publics la production de renseignements énumérés dans un modèle résultant de l'arrêté du ministre de l'Economie en date du 12 janvier 1979 ; que parmi ces renseignements figure une déclaration attestant que la société ne se trouve pas en état de liquidation de biens ; que le marché du 23 décembre 1985 avec la SARL D... Louis XVI fait bien référence à la "déclaration MPE prévue à l'article 41-2 du code", mais que cette déclaration n'a pas été jointe au marché transmis au comptable et produit par celui-ci à la Cour des comptes, et qu'elle n'a pu être retrouvée dans les services destinataires des pièces du marché, ainsi que l'a indiqué le 2 novembre 1990 le chef du service de l'information et de la communication du ministère ;
Que le marché de pliage précité du 23 décembre 1985 indique que le signataire agit au nom de l'D... Louis XVI, mais que la société, dont la raison sociale exacte était "I... Louis XVI", avait été mise en liquidation le 30 décembre 1983 ; que sa liquidation avait été prononcée le 10 janvier 1985 avec une insuffisance d'actif ; que de surcroît le numéro d'immatriculation au registre de commerce indiqué au marché correspondait à une société vendant des produits de la mer ;
Que la cession du fonds de commerce et de l'enseigne de la SARL "I... Louis XVI" à l'entreprise individuelle "Nicole X... - BCC (Bureau - Communication - Conseil)" n'autorisait pas le responsable de cette entreprise à signer au nom d'une société qui avait juridiquement disparu ;
Que le fait de ne pas exiger la production de la déclaration prévue à l'article 41-2° du code des marchés publics et visée dans le marché du 23 décembre 1985 avec la SARL D... Louis XVI, et de se mettre ainsi hors d'état de constater l'inexistence juridique du cocontractant, constitue une quatrième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; que cette infraction est imputable à la personne responsable du marché, M. A... ;
Considérant que le marché conclu le 21 janvier 1986 avec la société Denis-Beaumont et associés pour la réalisation de la maquette de la "Lettre aux usagers" précise, en ses articles 2 et 4, que ces prestations ont déjà été commandées et qu'elles ont été exécutées en totalité au 23 décembre 1985 ; qu'en conséquence ce marché n'a pas été notifié avant tout commencement d'exécution, comme l'aurait exigé l'article 39 du code des marchés publics ; qu'il ressort d'ailleurs des déclarations de M. G... que la société Denis-Beaumont et associés avait fourni avant l'été 1985 au cabinet un pré-projet de deuxième "Lettre" qui avait fait l'objet de discussions en juin 1985 ;

Que la conclusion du marché pour régularisation constitue une cinquième infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; que cette infraction est imputable à la personne responsable du marché, M. A..., qui avait certifié, le 23 décembre 1985, que les travaux avaient été bien exécutés ;
Que M. A... a exposé, dans une note du 6 janvier 1986 au contrôleur financier, que c'est le cabinet du ministre qui a confié à la société Denis-Beaumont et associés la conception et la réalisation de la maquette ; qu'il a ajouté lors de son audition que son service n'avait eu aucun rôle dans la rédaction de la "Lettre", et qu'il avait demandé au ministre l'autorisation de régler la facture de DBA ; qu'il n'a toutefois pas excipé d'un ordre écrit au sens de l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée;
Considérant que le coût total de la seconde "Lettre" du ministre aux usagers, à savoir 12.563.298 francs, a été nettement plus élevé que celui de la première "Lettre", à savoir 8.791.818 francs ; qu'il reste plus élevé même si le coût des achats des enveloppes par la direction générale des télécommunications et celui du routage du vingt-troisième million d'exemplaires, à savoir 1.840.672 francs et 54.556 francs, est ajouté à celui de la première "Lettre" ;
Que le caractère global des devis pour la première "Lettre" rend malaisée une comparaison précise des coûts de prestations qui étaient sensiblement différentes en ce qui concerne le tirage, le nombre de pages, la qualité du papier et de l'impression, et dont l'exécution n'a pas fait l'objet d'un contrôle identique de la part de l'administration, en ce qui concerne notamment le routage ;
Considérant toutefois, s'agissant de la seconde "Lettre aux usagers", que le tirage total à plier aurait été de 26 millions d'exemplaires, à savoir 23 millions d'exemplaires prévus au marché du 23 décembre 1985 avec l'Imprimerie Jean Didier J..., un vingt-quatrième million imprimé par la même société moyennant une augmentation du prix du marché de 41.510 francs, et un tirage supplémentaire de l'ordre de 2 millions d'exemplaires, que la société Inter Point Graphic aurait effectué sans établir de facture ni recevoir de paiement en contrepartie de l'abandon par l'administration du tonnage excédentaire de papier d'impression ;

Que la prestation de pliage, payée 1.309.344 francs à la SARL D... Louis XVI, a été assurée en fait par les sociétés Merkhofer, A.B.C.P., Manibrochure et Inter Point Graphic ; que les factures de la société de brochure et de façonnage Merkhofer J..., de la société Atelier Brochure Cergy Pontoise et de la SARL Manibrochure, établies en janvier 1986 à l'ordre d'Inter Point Graphic, s'élèvent à 636.795 francs pour 23.326.700 plis ; qu'au tarif moyen ainsi pratiqué, le coût du pliage des 26 millions d'exemplaires aurait été de 710.000 francs environ ; que la somme payée par le ministère est supérieure d'environ 600.000 francs, soit de 84 % ;
Que cet écart doit être considéré comme une marge exorbitante pour le titulaire du marché ; que l'octroi de cet avantage injustifié résulte des conditions irrégulières de passation des marchés du 23 décembre 1985 déjà exposées ; que, même s'il n'a pas eu connaissance de cette marge, M. A..., personne responsable du marché, a, en méconnaissance de ses obligations, procuré à la SARL D... Louis XVI un avantage pécuniaire injustifié entraînant un préjudice pour le Trésor et s'est rendu passible de l'amende prévue à l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que 25 millions d'enveloppes ont été achetées à la SARL Export-Diffusion, pour un prix de 2.920.525 francs, alors que 23 millions d'exemplaires de la "Lettre" seulement devaient être mis sous pli par la SARL Inter Point Graphic ;
Que le surplus d'enveloppes, qui excéderait largement la perte habituelle, ou "passe", que toute mise sous pli occasionnerait selon les indications recueillies au cours de l'instruction, a été laissé à Inter Point Graphic ; que M. A..., personne responsable du marché, a ainsi procuré un avantage en nature à la SARL Export Diffusion en méconnaissance de ses obligations ;
Considérant que le routage de la seconde "Lettre", facturé 4.214.451 francs par Inter Point Graphic au ministère, a été confié par Inter Point Graphic à quatre entreprises de routage ; que la liquidation judiciaire de l'une d'elles a été prononcée le 30 mai 1989 ; qu'il ressort des dépositions des trois autres entreprises, les sociétés Edipost, Routage 2000 et Setradis, qu'elles ont facturé 1.458.220 francs à Inter Point Graphic la mise sous pli et le routage de 11.307.190 plis ; qu'au tarif moyen ainsi pratiqué, le coût du routage de 23 millions de plis aurait été de l'ordre de 2,97 millions de francs ; que le prix payé par le ministère est supérieur d'environ 1,24 million de francs, soit de 41 % ;

Que cet écart doit être considéré comme une marge exorbitante pour le titulaire du marché ; que pour les mêmes motifs que dans le cas, exposé ci-dessus, du marché de pliage, l'octroi d'un avantage injustifié à la SARL Inter Point Graphic rend la personne responsable du marché, M. A..., passible de l'amende prévue à l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Qu'il ressort en outre du tableau des "quantités exactes de fiches adresses par région" dressé par le service de l'information et de la communication (SIC) à partir des renseignements fournis par les centres de facturation régionaux des télécommunications, et communiqué le 14 janvier 1986 par le SIC à Inter Point Graphic, que le routage n'a porté que sur 22.006.590 plis, alors que la société Inter Point Graphic a été rémunérée pour le routage de 23 millions d'exemplaires ; qu'il en résulte un paiement indu de 182.000 francs environ, correspondant à 993.410 plis non expédiés ;
Qu'il appartenait à la personne responsable du marché, M. A..., de veiller à la bonne exécution de celui-ci ; qu'en ne procédant pas à ce contrôle, M. A... a procuré, en méconnaissance de ses obligations, un avantage injustifié supplémentaire à la société Inter Point Graphic au sens de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que le marché du 3 janvier 1986 avec la SARL Export Diffusion porte sur la fourniture de 300 tonnes de papier d'impression, mais que l'D... Jean Y... SA ne demandait dans son offre que la fourniture de 232,05 tonnes et que l'Imprimerie Alsacienne demandât 226,05 tonnes, dans son offre non retenue du 28 novembre 1985 ;
Que M. Y. C... a déclaré lors de son audition que la comptabilité de stocks d'Inter Point Graphic ne permet pas de savoir quelle quantité de papier la société a reçue ; que M. J. Y... a indiqué dans sa déposition que le dossier de fabrication de l 'D... Jean Y... SA a été détruit ; mais que M. A... a précisé lors de son audition qu'il "a donc été décidé de négocier avec M. C... une quantité supplémentaire de lettres (de l'ordre de 2 millions) gratuitement, compte tenu de l'excédent de papier dont il disposait" ;
Que sur la base du devis précité de l'D... Jean Y... SA la quantité nécessaire pour imprimer 26 millions d'exemplaires de la "Lettre aux usagers" ressort à 265 tonnes environ ; que l'excédent de papier conservé par Inter Point Graphic aurait ainsi été de l'ordre de 35 tonnes, soit de 11,7 % de la quantité achetée, pour une valeur de 247.000 francs qui est à rapprocher du prix de 41.510 francs que l'D... Jean Y... SA a facturé pour l'impression d'un million d'exemplaires supplémentaires ;
Que le fait de laisser cet excédent de papier à la disposition d'Inter Point Graphic a constitué un avantage injustifié en nature que M. A..., signataire de la certification du service fait par la SARL Export Diffusion et personne responsable du marché avec la SARL Inter Point Graphic, a procuré, en méconnaissance de ses obligations, à la SARL Inter Point Graphic, ce qui le rend passible de l'amende prévue à l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur les responsabilités :
Considérant que MM. F... et Simon ont pu ignorer le caractère irrégulier de celles des opérations à l'exécution desquelles leurs fonctions les ont fait participer ;
Considérant que l'urgence avec laquelle le cabinet du ministre des Postes et télécommunications a entendu lancer les opérations relatives aux missions d'assistance technique en organisation et communication, à la première "Lettre" du ministre aux usagers, puis à la seconde "Lettre", et l'intérêt qu'il a manifesté pour leur déroulement atténuent la responsabilité de MM. G..., A..., E... et B..., sans permettre de l'écarter néanmoins;
Que les infractions répétées au code des marchés publics, aux règles sur l'engagement et la liquidation des dépenses, à celles qui portent sur le contrôle financier, l'absence délibérée de mise en concurrence, les défaillances dans le contrôle de l'exécution des prestations, les surcoûts occasionnés de ce fait au Trésor, sont en revanche des circonstances aggravantes ;
Considérant que les faits incriminés, qui se sont produits et poursuivis postérieurement au 8 juin 1983, ne sont pas couverts par la prescription instituée par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant à M. G... une amende de 50.000 francs, à M. A... une amende de 40.000 francs, à MM. B... et E... une amende de 10.000 francs chacun et en prononçant la relaxe de MM. F... et Simon ;
(condamnation de M. G... à une amende de 50.000 F, de M. A... à une amende de 40.000 F, de M. B... et de M. Lavenir à une amende de 10.000 F chacun ; relaxe de MM. F... et Simon, publication de l'arrêt au Journal officiel).


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609653
Date de la décision : 22/06/1992
Sens de l'arrêt : Amendes relaxe
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion d'une administration centrale et de services extérieurs de l'Etat - Infractions aux règles relatives au contrôle financier - Imputation irrégulière de dépenses - Infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat - Avantages injustifiés procurés à autrui.

18-01-05-01 Passation de marchés négociés sans concurrence préalable. Fractionnement abusif de marchés. Marchés conclus après commencement d'exécution. Présentation trompeuse des faits au contrôleur financier. Dissimulation de l'objet réel du marché et des conditions de rémunération du cocontractant. Certification fautive du service fait. Absence de transmission des marchés à la commission spécialisée. Absence d'une déclaration attestant que le cocontractant n'est pas en liquidation de biens. Responsabilité d'un membre de cabinet ministériel et de directeurs et chefs de service. Condamnation à des amendes de 50.000 F, 40.000 F, 10.000 F et 10.000 F. Relaxe de fonctionnaires ayant pu ignorer le caractère irrégulier des opérations qu'ils exécutaient.


Références :

Code des marchés publics 39, 41, 75, 77, 103, 104, 177, 207, 212, 217
Décret du 13 mars 1972
Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 art. 30
Décret 70-1049 du 13 novembre 1970
Décret 77-699 du 27 mai 1977
Décret 78-1306 du 26 décembre 1978
Loi du 10 août 1922 art. 5
Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 1, art. 2, art. 3, art. 5, art. 6, art. 8, art. 30
Loi 67-563 du 13 juillet 1967 art. 108


Composition du Tribunal
Président : M. Arpaillange
Rapporteur ?: M. Capdeboscq

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1992:CETATEXT000007609653
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