Vu la décision du 16 mai 1984, enregistrée au Parquet le 15 novembre 1984, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de la Caisse de retraite et de prévoyance de la boucherie, boucherie-charcuterie et boucherie hyppophagique française (C.A.R.B.O.F.) ;
Sur la compétence de la Cour : Considérant que la CARBOF, en tant qu'elle assure la gestion d'un régime légalement obligatoire d'assurance couvrant la vieillesse, l'invalidité et le décès est soumise, conformément à l'article 7 de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée, au contrôle de la Cour des comptes ; qu'en conséquence ses représentants, administrateurs ou agents sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Qu'il en est ainsi de M. A... et de Melle Y... mais également de M. Z..., qui ne peut se prévaloir de l'exception prévue par l'article 1er de la même loi (avant dernier alinéa) dès lors qu'il a exercé les fonctions de président ;
Sur le fond : Considérant que diverses irrégularités ont affecté l'exécution des recettes et des dépenses de la CARBOF ; En ce qui concerne l'absence de mise en recouvrement de majorations de retard dues à la CARBOF : Considérant que le décret n° 73-76 du 22 janvier 1973 relatif aux cotisations des régimes d'assurance vieillesse des travailleurs non-salariés des professions artisanales, industrielles et commerciales, modifié par le décret n° 75-337 du 9 mai 1975, dispose à son article 7 que les cotisations provisionnelles dues par les assujettis "doivent être versées directement par l'assuré au siège de la Caisse dont il relève, le 15 février et le 31 juillet au plus tard" ; Considérant que cette obligation est sanctionnée par l'application d'une majoration de retard de 10 % instituée par l'article 12 du même décret du 22 janvier 1973 modifié et calculée sur le "montant des cotisations qui n'ont pas été versées aux dates limites fixées à l'article 7 "mentionné ci-dessus ; que ces majorations doivent être payées "dans les quinze jours de leur notification par mise en demeure" en application de l'article 13 du même décret ; Considérant qu'en ce qui concerne les cotisations des exercices 1979 à 1981, les mises en demeure ont été émises très tardivement par la CARBOF ; qu'ainsi pour l'exercice 1979, les mises en demeure du 1er semestre ont été notifiées avec celles du 2ème semestre le 31 décembre 1979 ; que pour l'exercice 1980, les mises en demeure du 1er semestre ont été envoyées aux débiteurs le 2 juin et celles du 2ème semestre le 30 octobre, soit trois mois après chacune des échéances semestrielles ; que les mêmes retards ont été constatés en 1981 ;
Considérant que durant cette période, aucune pénalité de retard n'a été mise en recouvrement sur les adhérents ayant réglé leurs cotisations après la date limite de versement et avant l'envoi de la mise en demeure ; que cette exonération, contraire aux dispositions du décret du 22 janvier 1973 modifié, constitue une violation des règles relatives à l'exécution des recettes de la Caisse et qu'elle a procuré à certains adhérents un avantage injustifié ; qu'elle tombe ainsi sous le coup des articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Considérant que les majorations de retard devant être "liquidées par le directeur de la Caisse" en application de l'article 13 du décret du 22 janvier 1973 modifié, la responsabilité de cette irrégularité incombe à M. A..., directeur intérimaire de la CARBOF durant la période en cause ;
En ce qui concerne les chèques non inscrits en comptabilité et non remis à l'encaissement : Considérant qu'une soixantaine de chèques bancaires ou postaux adressés à la CARBOF, émis pour la plupart au cours des années 1975, 1976 et 1977 en règlement soit de cotisations, soit de produits divers et notamment de loyers, n'ont pas été inscrits en comptabilité et non pas été remis à l'encaissement ou l'ont été hors délais ; qu'il en est résulté pour la CARBOF un préjudice certain ; Considérant qu'il découle des dispositions du décret n° 70-312 du 25 mars 1970 relatif aux opérations financières et comptables exécutées par les directeurs et comptables des caisses des organisations autonomes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions libérales, artisanales, industrielles et commerciales et notamment de son article 34 que l'agent comptable est chargé de "l'encaissement des recettes" et qu'"il a seul qualité pour opérer tout maniement de fonds et valeurs" ; que, dès lors, la responsabilité de ce préjudice, qui a pour origine une violation des règles relatives à l'exécution des recettes de la Caisse au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée incombe totalement à l'ancien agent comptable, Melle Y... ; Considérant que s'agissant d'une omission qui s'est prolongée dans le temps, l'infraction s'est continuée aussi longtemps qu'a duré l'omission ; que celle-ci a pris fin lors de la présentation à l'encaissement des chèques et en tout état de cause postérieurement à l'inventaire des chèques et documents trouvés dans le bureau de Melle Y... au mois d'avril 1982 ; qu'en conséquence les irrégularités reprochées à Melle Y... ne sont pas couvertes par la prescription prévue à l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
En ce qui concerne l'absence de mise en cause de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Melle Y... : Considérant que l'article 37 du décret 70-312 du 25 mars 1970 susmentionné dispose : "La responsabilité pécuniaire du comptable, en matière d'encaissement, est mise en cause immédiatement si le débiteur s'est libéré et si le comptable n'a pas inscrit la recette dans sa comptabilité" ; que l'article 55 du même décret précise notamment que la "responsabilité du comptable est mise en cause par le conseil d'administration" ; Considérant que pour que le conseil d'administration puisse valablement délibérer sur un point, il importe que celui-ci ait été inscrit à l'ordre du jour ; que dans le conseil d'administration d'une caisse de sécurité sociale comme dans tout organe délibérant la fixation de l'ordre du jour incombe au seul Président ; Considérant que, dans la mesure où Melle Y..., agent comptable, avait omis d'inscrire dans sa comptabilité les recettes dont les débiteurs de la caisse s'étaient libérés et d'encaisser des chèques, sa responsabilité pécuniaire devait être mise en cause devant le conseil d'administration dès la découverte des faits ; Considérant que si le conseil d'administration a bien été saisi dans sa séance du 25 octobre 1982 des irrégularités commises par l'agent comptable, c'était uniquement en vue d'entamer à son encontre une procédure de licenciement pour faute lourde qui est devenue sans objet en raison de la démission de Melle Y... ; Considérant qu'en ne saisissant pas le conseil d'administration pour mettre en cause la responsabilité de l'agent comptable, M. Z..., en qualité de président de la CARBOF, a enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes de la caisse au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
En ce qui concerne la gestion du personnel : Considérant qu'en vertu des articles 62 et 63 de l'ordonnance n° 67-706 du 21 août 1967 relative à l'organisation et au fonctionnement de la sécurité sociale, les conditions de travail du personnel des organismes de sécurité sociale sont fixées par voie de conventions collectives qui ne prennent effet qu'après avoir reçu l'agrément du ministre des affaires sociales ; que, s'agissant de la CARBOF, ces conditions et notamment les règles afférentes à la classification du personnel, à son avancement et au régime des congés maladies sont régies par la convention collective nationale des caisses du régime d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales du 1er mai 1972 et ses avenants successifs agréés par les autorités de tutelle ; Considérant que le règlement intérieur d'une Caisse qui précise les conditions d'application de certaines dispositions de la convention ne peut prévoir des conditions plus favorables que celles figurant dans le réglement intérieur type annexé à ladite convention et qu'en outre il doit être approuvé par les autorités de tutelle de la caisse ; Considérant que le règlement intérieur, élaboré par M. A... et daté du 1er janvier 1976, contient des dispositions qui vont au-delà des règles prévues par la convention collective susmensionnée et qu'au surplus il n'a pas été soumis à l'approbation des autorités de tutelle ; que ce document ne pouvait donc servir de justification à des mesures dérogatoires à la convention collective susvisée ; que cependant de telles dérogations ont été accordées à des agents de la Caisse en matière d'avancement et de versement de salaire en cas de maladie ;
Considérant que le rapprochement, sur la liste du personnel de la CARBOF, de la situation indiciaire dont bénéficiaient certains agents avec les indices prévus par la convention collective pour leur grade, fait ressortir entre 1977 et 1983 un certain nombre de dépassements par rapport aux dispositions en vigueur ; qu'il en va notamment ainsi pour un secrétaire général par intérim, un chef de service adjoint et trois agents de maîtrise dont les états individuels de carrière révèlent, pendant la période non couverte par la prescription, des positions indiciaires supérieures aux maxima autorisés pour leur grade ; Considérant que l'application du document élaboré par M. A... a, en outre, conduit la CARBOF à verser à Melle Y..., agent comptable en congé de maladie à compter du 25 janvier 1982, un plein salaire et les majorations indemnitaires y afférents pendant une durée de cent quatre-vingt jours au lieu des quatre vingt-dix jours autorisés par la convention collective ; Considérant que ces diverses irrégularités résultent de décisions prises sous la seule autorité du directeur de la Caisse ; qu'ainsi M. A... a enfreint les règles d'exécution des dépenses de la Caisse et procuré des avantages injustifiés au personnel de la CARBOF au sens des articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
En ce qui concerne l'omission de certaines déclarations fiscales : Considérant que l'article 12 du décret 70-312 susmentionné prévoit notamment que le directeur est "seul chargé de la liquidation de toutes les dépenses", qu'à ce titre lui incombent en particulier les déclarations fiscales auxquelles doit procéder la Caisse pour la liquidation des participations et impôts auxquels elle est assujettie ; Considérant que la CARBOF, en sa qualité d'employeur, est tenue d'adresser chaque année, en vertu respectivement des articles 235 ter J et 161 annexe II du Code général des impôts, deux déclarations à l'administration fiscale, l'une au titre de la formation professionnelle continue, l'autre au titre de la participation à l'effort de construction ; que la Caisse a omis d'effectuer ces deux déclarations en 1981 ; Considérant que si elle avait procédé pour ces deux cotisations à des dépenses libératoires, elle n'avait pas versé au Trésor public les sommes dues après déduction desdites dépenses ; que ces omissions ont eu pour conséquence la mise à la charge de la CARBOF de 2.995 francs d'intérêts de retard ; Considérant que ces irrégularités, commises par M. A..., tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les responsabilités encourues : Considérant que la responsabilité des irrégularités susvisées incombe respectivement à M. A... en matière de recouvrement des cotisations et des majorations de retard, de dépenses de personnel et de déclarations fiscales, à Melle Y... en ce qui concerne l'encaissement des chèques et à M. Z... pour ce qui est de la mise en cause de la responsabilité pécuniaire de l'agent comptable ; Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction que les déficiences du système informatique dont avait dû se doter la CARBOF pour gérer les comptes individuels de ses ressortissants, à la suite de la modification en 1972 du régime des cotisations, ont été la cause principale du désordre de la gestion ; Considérant qu'il n'apparaît pas que des mises en garde aient été adressées aux organes statutaires de la CARBOF, tant par les services d'inspection et de contrôle que par les autorités de tutelle administrative, au sujet des anomalies relevées ;
Considérant par ailleurs qu'il ressort des rapports de la tutelle, des témoignages recueillis au cours de l'instruction ainsi que des débats, qu'avant d'accepter, pour des raisons humanitaires de s'en tenir à la solution que constituait la démission de Melle Y..., le Président de la Caisse s'est entouré des avis des membres du bureau et que sa décision a recueilli un large accord ; qu'au demeurant les autorités de tutelle n'ont pas jugé opportun, de leur côté, d'intervenir pour faire engager la procédure de mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de l'agent comptable ; Considérant enfin que l'instruction n'a pas montré que les irrégularités relevées aient été commises dans une intention malhonnête ni qu'elles aient procuré à leurs auteurs un avantage injustifié ; Considérant que ces diverses circonstances sont de nature à exonérer totalement M. Z... de sa responsabilité personnelle et à atténuer sensiblement celle de M. A... ; Considérant, en ce qui concerne Melle Y..., que le fait d'avoir omis de remettre des chèques à l'encaissement constitue une faute particulièrement grave pour un comptable, mais que l'état de santé de l'intéressée à l'époque peut être retenu comme circonstance atténuante ; Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en condamnant M. A... et Melle Y... à une amende de 3.000 F chacun, ainsi qu'en prononçant la relaxe de M. Z... ;
Article 1er : M. X... TARAVEl est condamné à une amende de trois mille francs (3.000 F) ;
Article 2 : Melle Denise Y... est condamnée à une amende de trois mille francs (3.000 F) ;
Article 3 : M. Albert Z... est relaxé des fins de la poursuite ;
Article 4 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.