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30/09/1987 | FRANCE | N°CETATEXT000007609230

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 30 septembre 1987, CETATEXT000007609230


Vu la décision du 9 janvier 1980 enregistrée au Parquet le 18 mars 1980 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités constatées dans la gestion de l'école des hautes études en sciences sociales EHESS et commises par l'intermédiaire de l'association Marc X..., toutes deux ayant été présidées par M. LE GOFF ;
En ce qui concerne la consultation de la commission administrative paritaire ; Considérant qu'il résulte de la lettre susvisée, en date du 14 avril 1987, du ministre délégué, chargé de la recherche

et de l'enseignement supérieur, qu'il n'existe pas de commission admin...

Vu la décision du 9 janvier 1980 enregistrée au Parquet le 18 mars 1980 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités constatées dans la gestion de l'école des hautes études en sciences sociales EHESS et commises par l'intermédiaire de l'association Marc X..., toutes deux ayant été présidées par M. LE GOFF ;
En ce qui concerne la consultation de la commission administrative paritaire ; Considérant qu'il résulte de la lettre susvisée, en date du 14 avril 1987, du ministre délégué, chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur, qu'il n'existe pas de commission administrative paritaire compétente, ni de formation pouvant en tenir lieu ; qu'en effet, si la loi du 26 janvier 1984 confie le pouvoir disciplinaire au conseil d'administration des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, elle précise que ce conseil statue alors comme juridiction de premier ressort et que ladite juridiction ne saurait donc être assimilée à l'organe purement consultatif qu'est la commission administrative paritaire, même siégeant en formation disciplinaire ; Considérant que la loi du 25 septembre 1948 modifiée, article 22, ne prévoit la consultation de la commission administrative ou d'une formation en tenant lieu que si cette commission ou cette formation a été effectivement instituée par les textes en vigueur ; que l'absence d'avis d'une telle instance ne fait donc pas obstacle à ce que la Cour de discipline budgétaire et financière statue sur la présente affaire ;
Au fond ; Considérant que la Cour des comptes a relevé dans la gestion de l'école des hautes études en sciences sociales EHESS érigée en établissement public à caractère scientifique et culturel par un décret du 23 janvier 1975 et dans celle de l'association Marc X..., dont le fonctionnement était intimement lié à celui de l'école, des irrégularités commises notamment par M. LE GOFF, président de la 6ème section de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes puis de l'EHESS de 1972 au 20 septembre 1977, qui a utilisé l'association Marc X... qu'il présidait pour soustraire l'établissement public aux réglementations qui lui étaient applicables ;
Sur la gestion de fait ; Considérant que l'association Marc X... a encaissé des recettes afférentes à des contrats de recherche qu'elle a certes conclus elle-même avec des tiers mais qui étaient exécutés par le personnel, dans les locaux et avec le matériel de l'EHESS ; que l'association a également encaissé le montant d'aides à la recherche ou de subventions de recherche allouées par la délégation générale à la recherche ou de subventions de recherche allouées par la délégation générale à la recherche scientifique et technique ou d'autres services publics, en réalité destinées à l'école ; qu'elle a perçu le produit de la vente de publications et notamment de la revue Annales dont les frais d'édition et d'impression étaient payés sur les crédits de l'école ;
Considérant que la Cour des comptes a jugé que ces encaissements constituaient une ingérence dans le recouvrement de recettes destinées à un organisme public doté d'un poste comptable au sens de l'alinéa XI de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, et déclaré, à titre définitif, par arrêt du 1er décembre 1982, notamment M. LE GOFF, président de l'association Marc X..., conjointement avec celle-ci, comptable de fait des deniers de l'EHESS ;
Considérant que par un arrêt du 9 octobre 1985, la Cour des comptes, statuant à titre définitif sur ladite gestion de fait, au vu du compte produit par ses auteurs, a rejeté comme irrégulières un certain nombre de dépenses et déclaré l'association Marc X... et M. LE GOFF solidairement débiteurs de la somme de 829.164,87 francs ;
Considérant que, par décision du 10 février 1987, le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, a fait remise à M. LE GOFF du débet mis à sa charge ;
Considérant que les mêmes irrégularités ayant été soumises par ailleurs à la Cour de discipline budgétaire et financière, la Cour des comptes n'a pas fait application de l'amende prévue par l'article 9 de la loi 54-1306 du 31 décembre 1954 ;
Considérant que les opérations de ladite gestion de fait constituent des infractions aux règles d'exécution des recettes et des dépenses de l'EHESS, passibles des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les irrégularités au regard du Code du Domaine ; Considérant que, parmi les dépenses de la gestion de fait rejetées par la Cour comme irrégulières, figure une somme de 1.804.312,80 F, correspondant à la différence entre les loyers versés par l'association Marc X... au propriétaire des locaux situés ... par elle auprès de l'EHESS qui les occupait dont 980.598,06 F pour la seule période pendant laquelle M. LE GOFF exerçait les fonctions de président ;
Considérant en effet que l'association Marc X... se trouvait en 1975 locataire de fait dans l'immeuble sis ... de locaux d'une surface de 1191 m2 environ dont la situation juridique était la suivante : - un local de 400 m2 environ situé aux 1er et 2ème étages ne faisait plus l'objet d'aucune convention écrite depuis l'expiration de la précédente en janvier 1974 ; - un local de 250 m2 environ situé au rez-de-chaussée ne faisait plus l'objet d'aucune convention écrite depuis l'expiration de la précédente en décembre 1974 ; - un local de 100 m2 environ situé au rez-de-chaussée n'avait apparemment jamais fait l'objet d'une convention écrite avec le propriétaire ; - des locaux de 441 m2 environ, situés au rez-de-chaussée et au 1er étage et naguère utilisés par les services culturels suédois, étaient les seuls à faire l'objet d'une convention en cours de validité expirant le 15 janvier 1976 ;
Que la totalité de ces locaux était sous-louée par l'association à l'Etat et occupée par l'EHESS ; Considérant qu'au début de 1976, M. LE GOFF, en tant que président de l'association Marc X..., a passé, avec le propriétaire de l'immeuble du ..., trois nouveaux baux portant respectivement : - pour le premier, daté des 12 janvier et 16 février 1976 et d'une durée de neuf ans, sur les locaux de 250 et 441 m2 ci-dessus mentionnés ; - pour le second, daté des mêmes jours et d'une durée de neuf ans également, sur le local de 100 m2 ci-dessus mentionné ; - pour le troisième, qui n'était ni daté, ni enregistré, et avait une durée de douze ans, sur des locaux qui n'ont jamais été occupés par l'EHESS, celle-ci ayant en contre-partie la jouissance du local de 400 m2 ci-dessus mentionné pour lequel aucun bail n'a été conclu ;
Que la totalité de ces locaux a de nouveau été sous-louée par l'association à l'Etat au profit de l'EHESS par un bail du 10 mai 1976 applicable rétroactivement à compter du 16 janvier 1974 et d'une durée de trois, six ou neuf ans ; Considérant que ce contrat de sous-location en date du 10 mai 1976 avait reçu le 28 janvier 1976 un avis favorable de la commission régionale des opérations immobilières et de l'architecture de la région parisienne ; qu'il avait de ce fait également donné lieu à avis du service des domaines ; que ce bail, passé dans des conditions respectant la réglementation et à un prix conforme à l'avis du service des domaines, fixait le loyer à 317.000 F pour chacune des années 1974, 1975 et 1976 ; que ce montant a été porté par l'avenant du 18 octobre 1978 à 337.065 F pour l'année 1977 et à 500.000 F pour l'année 1978, ces majorations étant acceptées par le service des domaines ; Considérant que les différents baux conclus entre l'association Marc X... et le propriétaire de l'immeuble situé ... qui fixaient les loyers à des montants très largement supérieurs à ceux de la sous-location n'ont par contre été soumis ni à l'avis de la commission régionale des opérations immobilières, ni à celui du service des domaines ;
Considérant que la procédure utilisée par l'EHESS tendait en réalité à tourner celle prévue par la réglementation relative aux baux passés par un établissement public de l'Etat que vise l'article L4 du code du domaine de l'Etat et que précisent ses articles R2 à R21 ; que la passation des trois baux conclus par le président de l'association Marc X... avec le propriétaire du ... portant sur des locaux occupés par l'EHESS constitue un ensemble d'infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'établissement public, passibles des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Considérant que cette méconnaissance des obligations légales et réglementaires incombant à M. LE GOFF a eu pour effet de fixer les loyers consentis au propriétaire à un niveau qui, pour certaines périodes, a atteint plus du double de celui déterminé par le service des domaines ; que la différence entre les loyers versés par l'Etat à l'association Marc X... et les loyers passés par elle au propriétaire a dépassé, pour les seules années 1976, 1977 et 1978, plus d'un million de francs ; que les suppléments de loyers ainsi versés ont été payés par l'association Marc X..., au moyen de recettes destinées à l'EHESS et irrégulièrement encaissées par l'association ;
Considérant que M. LE GOFF a agi en toute connaissance de cause afin que l'EHESS puisse continuer à fonctionner dans les locaux du ... ; que l'application de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée n'exige pas que l'agent mis en cause ait eu l'intention de procurer à autrui un avantage injustifié entraînant un préjudice pour l'organisme dont il relève mais seulement que les décisions prises par cet agent, en méconnaissance de ses obligations, aient abouti à un tel résultat ; Considérant cependant que l'immeuble situé ..., classé monument historique, présente un caractère tout à fait exceptionnel et qu'il est particulièrement difficile de déterminer avec certitude, pour des bâtiments de cette nature, des loyers normaux se référant aux prix de marché des locations ; qu'ainsi il ne résulte pas suffisamment des pièces du dossier que les loyers consentis aient constitué, pour le bailleur, un avantage injustifié ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire application de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les responsabilités de M. LE GOFF Considérant que le Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière a enregistré, le 18 mars 1980, la décision par laquelle la Cour des comptes a saisi ladite juridiction ; que les opérations postérieures au 18 mars 1975 ne sont donc pas couvertes par la prescription qu'édicte l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Considérant que M. LE GOFF, président de la 6ème section de l'Ecole pratique des hautes études - puis de l'EHESS à dater de sa création - ainsi que de l'association Marc X... est responsable de l'ensemble des opérations de la gestion de fait effectuées pendant la période où il était en fonctions, postérieurement au 18 mars 1975 ; qu'il est notamment responsable de la passation irrégulière des baux conclus en 1976, comportant des loyers supérieurs à ceux acceptés par le service des domaines pour la sous-location à l'Etat ; qu'il a signé en 1976 aussi bien les trois contrats de location avec le propriétaire de l'immeuble du ..., en sa qualité de président de l'association, que le contrat de sous-location avec l'Etat, en qualité de délégué du ministre de l'Education nationale ;
Considérant néanmoins que doit être retenu comme circonstance atténuante le fait que les irrégularités constatées n'ont fait que prolonger partiellement celles commises par le prédécesseur de M. LE GOFF ; qu'on peut admettre la difficulté, compte tenu des besoins de l'établissement en locaux dotés de salles de cours et aisément accessibles, de remédier rapidement à cette situation anormale ; Considérant en outre que l'administration de tutelle, comme l'a reconnu le témoin cité par la défense, était parfaitement informée des irrégularités commises, tant en ce qui concerne l'utilisation de recettes destinées normalement à l'EHESS que la superposition de locations et sous-locations destinées à faire échec à l'application du Code du Domaine ; que ladite admnistration, en principe responsable de l'implantation immobilière des établissements de l'enseignement supérieur ne s'est pas suffisamment préoccupée de fournir à l'EHESS les locaux qui lui étaient nécessaires ; que dans son avis en date du 3 octobre 1985, le ministre de l'Education nationale a reconnu que l'administration centrale avait manqué de vigilance et de fermeté entre 1975 et 1982 dans son rôle de conseil et de tutelle ;
Considérant enfin que, grâce à leurs dirigeants successifs, la 6ème section de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes puis l'EHESS ont connu un développement particulièrement rapide, acquis une renommée internationale qui a attiré vers l'enseigement français de très nombreux professeurs et étudiants du monde entier, assurant ainsi un large rayonnement de la recherche et de la culture françaises ; Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant M. LE GOFF à une amende de 5.000 francs ;
ARRETE : Article unique : M. LE GOFF est condamné à une amende de cinq mille francs 5.000 F .


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609230
Date de la décision : 30/09/1987
Sens de l'arrêt : Condamnation amende
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES -Cour de discipline budgétaire et financière - Procédure - Gestion d'un établissement public d'enseignement supérieur et d'une association - Infractions aux règles d'exécution des recettes et des dépenses de l'établissement public - Avantages injustifiés procurés à autrui.

18-01 Gestion de fait de deniers d'un établissement public d'enseignement supérieur par une association qui encaissait des recettes destinées à cet établissement. Irrégularités au regard du code des domaines dans la location d'un immeuble par l'établissement public par l'intermédiaire de l'association. Avantages injustifiés procurés à autrui non établis. Responsabilité du président de l'établissement public qui était aussi président de l'association : condamnation à une amende de 5.000 F.


Références :

Avis du 03 octobre 1985 ministre de l'éducation nationale
Code du domaine de l'Etat L4, R2 à R21
Décret du 23 janvier 1975
Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 22, art. 5, art. 6, art. 30
Loi 54-1306 du 31 décembre 1954 art. 9
Loi 63-156 du 23 février 1963 art. 60 al. 11
Loi 84-52 du 26 janvier 1984


Composition du Tribunal
Président : M. Chandernagor
Rapporteur ?: M. Woimant

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1987:CETATEXT000007609230
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