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28/04/1987 | FRANCE | N°CETATEXT000007609221

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 28 avril 1987, CETATEXT000007609221


Vu la lettre du 23 juin 1978, enregistrée au Parquet le 26 juin 1978, par laquelle le Ministre du Budget a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités commises dans la gestion de l'Association pour la formation professionnelle des adultes AFPA ;
Considérant que l'Association pour la formation professionnelle des adultes, en tant qu'elle bénéficie d'un concours financier de l'Etat, est soumise, en application des dispositions de l'article 1er alinéa 6 de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée, de l'article 33 du décret n° 68-827 du 20 septembre 1

968 modifié et de l'article 38 du décret n° 85-199 du 11 févrie...

Vu la lettre du 23 juin 1978, enregistrée au Parquet le 26 juin 1978, par laquelle le Ministre du Budget a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités commises dans la gestion de l'Association pour la formation professionnelle des adultes AFPA ;
Considérant que l'Association pour la formation professionnelle des adultes, en tant qu'elle bénéficie d'un concours financier de l'Etat, est soumise, en application des dispositions de l'article 1er alinéa 6 de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée, de l'article 33 du décret n° 68-827 du 20 septembre 1968 modifié et de l'article 38 du décret n° 85-199 du 11 février 1985, au contrôle de la Cour des comptes ; que ses agents sont donc justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en vertu de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée ; Considérant que l'arrêté conjoint des ministres des Affaires sociales et de l'Economie et des finances du 21 décembre 1967, relatif aux règles de passation des marchés par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes et par l'Agence nationale pour l'emploi, prévoit, à son article 1er, que les marchés conclus par l'AFPA sont passés suivant les règles en vigueur pour les marchés de l'Etat ;
Considérant que l'article 7 de l'arrêté du ministre de l'Economie et des finances du 1er février 1966 relatif aux modalités d'exercice du contrôle économique et financier de l'Etat sur l'Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre ANIFRMO - devenue, en application de l'article 1er des statuts du 17 décembre 1965, l'Association pour la formation professionnelle des adultes - dispose que sont soumis au visa préalable du contrôleur d'Etat auprès de l'Association, accompagnés de toutes pièces justificatives et notes explicatives, tous les contrats passés par l'Association et exécutables, totalement ou partiellement, en recettes et en dépenses, sur son budget lorsqu'ils excèdent un montant fixé par le contrôleur d'Etat ; Que, par une lettre adressée le 21 décembre 1973 au directeur de l'AFPA, le contrôleur d'Etat a fixé le seuil prévu par l'arrêté précité à 30.000 francs pour le matériel et 50.000 francs pour les travaux ;
Considérant que le décret n° 67-1014 du 21 novembre 1967 fixant certaines modalités d'application de l'ordonnance n° 67-578 du 13 juillet 1967 créant une Agence nationale pour l'emploi institue une commission consultative des marchés commune à cette Agence et à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes ; Qu'en application de l'arrêté interministériel susmentionné du 21 décembre 1967 les seuils prévus par le code des marchés publics pour la consultation des commissions consultatives des marchés s'appliquaient à l'AFPA, à savoir 400.000 francs pour les marchés de gré à gré et 1 million de francs pour les marchés par adjudication ou sur appel d'offres ; Que si, à la suite de l'intervention du décret n° 72-198 du 13 mars 1972 supprimant les commissions consultatives fonctionnant dans chaque ministère pour les remplacer par des commissions spécialisées par type de prestations, les seuils précités pouvaient ne plus être considérés comme obligatoires, la commission consultative des marchés de l'AFPA subsistait et que cette Association pouvait se fixer à elle-même des règles dans ce domaine et notamment en matière de seuils d'intervention de ladite commission ; Qu'il résulte de l'audition de M. BENOIT, directeur des équipements de l'Association que celui-ci avait demandé que, pour l'AFPA, les seuils de saisine de la commission des marchés ne soient pas modifiés malgré la réforme ; qu'ainsi ces derniers devaient continuer à s'appliquer pour les marchés de l'Association ;
En ce qui concerne divers marchés de fournitures ; Considérant que pour la commande de trois cuisines destinées aux centres d'Amiens, Creil et Limoges, les propositions d'achat n'ont été adressées au contrôleur d'Etat que le 18 juillet 1974, soit dans un délai variant de six à dix semaines après l'ouverture des plis ; que dès le 19 juillet 1974, commande avait été passée sans attendre la prise de position du contrôleur d'Etat qui refusa son visa le 9 août 1976 ; que s'agissant de la cuisine de Stains le dossier n'a même été envoyé au contrôleur d'Etat que le 17 janvier 1975 alors que la commande avait été adressée à l'entreprise dès le 17 juillet 1974 ; Considérant que onze tours destinés au centre de Senones ont été commandés le 19 mars 1975 et que ce n'est que sur refus de paiement du comptable en l'absence de visa du contrôleur d'Etat que celui-ci fut réclamé ; Considérant que, malgré leur montant, l'acquisition des quatre cuisines précitées, de même que celle des onze tours destinés au centre de Senones n'ont pas été soumises à la commission consultative des marchés de l'AFPA ; Considérant que ces irrégularités constituent une violation des règles applicables en matière de contrôle financier portant sur l'engagement des dépenses ainsi que des règles relatives à l'exécution des dépenses au sens des articles 2 et 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Considérant que si certaines circonstances et en particulier l'urgence et les difficultés inhérentes à des modifications dans les relations entre l'AFPA et le contrôle d'Etat peuvent expliquer pour partie les irrégularités commises, elles ne suppriment pas entièrement pour autant la responsabilité de M. BENOIT qui a pris les décisions d'engagement ;
En ce qui concerne les marchés d'équipement de sections horlogères à Besançon ; Considérant qu'il a été décidé en mars 1974 de créer d'urgence de nouvelles sections d'horlogerie au centre de formation professionnelle de Besançon, à la suite de la défaillance de l'entreprise Lip ; qu'une structure particulière de décision a été créée à cet effet au sein de l'AFPA et que l'échelon central du service du matériel, dont le chef était M. SOUQUIERE, a été chargé d'organiser directement les achats d'équipements, outillages et matières d'oeuvre par dérogation à la procédure habituellement suivie pour l'approvisionnement des centres locaux ; que le service du matériel n'en continuait pas moins à relever hiérarchiquement du directeur des équipements, M. BENOIT ; Considérant qu'avait déjà été ouverte le 1er mars 1974, au Centre de formation professionnelle de Besançon, une autre section d'horlogerie et que l'achat des matériels nécessaires avait alors été confié au directeur de ce Centre ; Que cette circonstance aurait dû permettre aux responsables de la création de nouvelles sections d'établir d'utiles comparaisons de prix et d'éviter ainsi de procurer aux fournisseurs des nouvelles sections des avantages pécuniaires injustifiés résultant de prix excessifs ;
Considérant que les achats destinés aux nouvelles sections d'horlogerie ont été effectués auprès de quatre entreprises, le Comptoir d'outillage PARMENTIER C.O.P. pour 427.160,70 francs, la Société générale d'outillage de Saint-Etienne S.G.O.S. pour 365.624,40 francs, le Groupement d'intérêt économique Fourniture d'outillage aux administrations et collectivités F.O.A.C. pour 372.178,90 francs et la Société Conseil et diffusions industrielles et commerciales C.E.D.I.C.O.M. pour 319.730,40 francs ; Considérant que les conventions concernant ces acquisitions ont été signées et notifiées aux différents cocontractants sans avoir été soumises préalablement au visa du contrôleur d'Etat ; Que l'argument selon lequel l'intervention du contrôleur d'Etat n'aurait pas été nécessaire puisque ces marchés, étant financés sur des crédits en provenance du fonds national de l'emploi, relevaient des procédures propres au ministère du Travail, ne peut être retenu dès lors que les conventions étaient conclues par des agents de l'A.F.P.A. et pour le compte de cet organisme ; qu'au demeurant il n'a pas été fait application de ces procédures, au cours de la même opération de Besançon, pour les marchés de matières d'oeuvre qui, financés sur les mêmes crédits du fonds national de l'emploi, ont été soumis au visa du contrôleur d'Etat de l'A.F.P.A., alors même que leur montant était beaucoup plus modeste que ceux des contrats de matériel ; Que la procédure mise en oeuvre constitue donc une violation des règles applicables en matière de contrôle financier au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'elle a en outre eu pour effet de soustraire à l'examen du contrôle d'Etat les autres irrégularités qui ont affecté la réalisation de ces acquisitions ;
Considérant que si les marchés ont été cosignés par les deux directeurs des centres de Besançon et par M. BENOIT, il appartenait à ce dernier, en tant que directeur de l'équipement de l'A.F.P.A. exerçant ses fonctions à l'administration centrale de l'association, de soumettre les marchés au visa du contrôle d'Etat ; qu'il doit donc assumer la responsabilité de l'infraction ; Considérant que même si M. SOUQUIERE avait pris une option par téléphone auprès de l'entreprise COP dès le 2 avril 1974 et si les livraisons de la plus grande partie des matériels ont eu lieu avant la conclusion des marchés, cette option ne constituait pas sur le plan formel, en l'absence de confirmation écrite, un engagement dans les conditions prévues par l'instruction sur la comptabilité de l'A.F.P.A. ; que dès lors l'infraction aux dispositions de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 concernant l'engagement, par un agent, de dépenses sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet effet, ne saurait être retenue à l'encontre de M. SOUQUIERE ; Considérant que le choix de l'entreprise COP comme fournisseur des matériels a été agréé sans qu'aient été consultées toutes les sociétés auprès desquelles le Centre de Besançon avait acheté les matériels de la première section d'horlogerie, notamment Portescap-France successeur de Reno-France ; qu'il apparaît ainsi que les acquisitions se sont effectuées sans mise en concurrence suffisante des fournisseurs ; qu'il incombait normalement à MM. BENOIT et SOUQUIERE, dans le cadre de leurs responsabilités respectives, d'orienter les acquisitions de matériels à partir de critères de prix et de rapprocher les prix pratiqués par les entreprises consultées de ceux des commandes antérieures, ainsi qu'il était prescrit dans un document interne à l'AFPA établi par M. SOUQUIERE ;
Considérant que la majeure partie des matériels a été livrée le 12 avril 1974 et était en état de fonctionner le 16 avril 1974 ; que ce n'est qu'à partir de cette date qu'ont été étudiés les moyens de régulariser, par des marchés conclus a posteriori, les livraisons ainsi réalisées ; qu'ainsi des commandes dont le montant global approchait 1,5 million de francs ont été passées sans marchés préalables ; Que si des marchés ont été conclus avec quatre cocontractants, un seul d'entre eux, COP, a fourni l'ensemble des matériels, les autres entreprises ayant été désignées sur proposition de COP ; que, réalisé de manière artificielle, le fractionnement de la facturation entre un certain nombre de fournisseurs avait pour seul but de rester au dessous du seuil de 400.000 F et d'éviter ainsi la consultation de la commission des marchés ; Considérant que ces diverses irrégularités, en tant qu'elles enfreignent les règles relatives à l'exécution des dépenses de l'AFPA, tombent sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que M. SOUQUIERE, qui a mené l'ensemble des négociations concernant l'acquisition de ces matériels, a engagé sa responsabilité dans ces opérations, observation étant faite cependant qu'en ce qui concerne le fractionnement des marchés il prétend avoir été favorable à une convention unique avec COP ; Que M. BENOIT a partagé la responsabilité des infractions constatées, notamment en signant les marchés de régularisation ; Que la connaissance qu'ont pu avoir de ces opérations le directeur général de l'AFPA, le chargé de mission pour l'"affaire Lip" et l'administration de tutelle ne suffisent pas à exonérer de leurs responsabilités MM. BENOIT et SOUQUIERE, dès lors que ces derniers ne peuvent exciper de l'ordre écrit prévu par l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'à l'égard de M. SOUQUIERE, la signature des marchés ne peut tenir lieu dudit ordre écrit, étant donné que celui-ci suppose un rapport préalable, particulier à chaque affaire, et que l'intéressé a précisément omis d'établir un rapport de présentation des marchés en cause, contrairement aux pratiques habituelles de l'A.F.P.A. ;
Considérant par ailleurs qu'il résulte tant du rapport établi au mois de novembre 1976 par l'inspecteur des finances chargé d'étudier ces opérations que des pièces recueillies au cours de l'instruction que les matériels ont été acquis à des prix qui excédaient largement ceux que l'A.F.P.A. avait payés en 1973 lors de l'équipement de la première section d'horlogerie de Besançon ; que pour 196 articles de référence représentant 86 % de la valeur totale et 37 % des références, le coût hors taxe, si les tarifs pratiqués avaient été les mêmes que dans le cas de cette section, aurait été, d'après le rapport précité, de 480.241,82 francs alors que le prix réellement payé a été de 1.018.410,16 francs, laissant apparaître, pour cette fraction des fournitures, un surcoût de 538.168,34 francs ; que, s'agissant des matériels fabriqués par une Société suisse, ayant transité par l'importateur exclusif PORTESCAP-FRANCE, et facturés par C.O.P. et les trois autres cocontractants, le coût des matériels nécessaires aux nouvelles sections, calculé aux prix obtenus pour la première section, eût été de 257.484,94 francs, alors que la dépense effectivement supportée par l'A.F.P.A. a été de 688.212 francs ; Que pour expliquer ces écarts, M. SOUQUIERE a invoqué un certain nombre de facteurs de hausse ; qu'une part modeste de cette augmentation peut s'expliquer par l'évolution des taux de change du franc suisse, par la hausse de certains articles en francs suisses, par la substitution d'articles due notamment à la nécessité d'obtenir rapidement une grande quantité de matériels ; qu'en revanche le court délai qui a séparé les deux séries de livraisons ne peut avoir donné lieu ni à des évolutions économiques importantes ni à des modifications techniques considérables des matériels proposés ; que de nombreux exemples analysés lors de l'instruction prouvent que les divers arguments invoqués ne suffisent pas à justifier les différences de prix constatées entre l'équipement de la première section d'horlogerie mise en service le 1er mars 1974 et celui des nouvelles sections entrées en fonctionnement le 16 avril de la même année ;
Considérant que ces différences trouvent, pour l'essentiel, leur explication dans le choix d'un fournisseur unique auquel ont été sous-traitées en fait les responsabilités propres de l'A.F.P.A. dans la négociation des contrats ; que ledit fournisseur a eu recours à des circuits de commercialisation complexes comportant de nombreux intermédiaires ; qu'il en résulte notamment que les prix de revient des matériels achetés par l'entremise de Portescap-France ont été multipliés en cours de commercialisation, sans adjonction technique nouvelle, par des coefficients compris entre 2,43 et 6,45 selon les articles, ainsi qu'il ressort du rapport de la direction nationale des enquêtes de la direction générale de la concurrence et des prix, annexé au rapport de l'inspection générale des finances ; Que ces prix anormalement élevés résultent notamment des nombreuses commissions accordées aux intermédiaires successifs ; Que, s'agissant par exemple des produits dont Portescap-France avait l'exclusivité sur le territoire français, au lieu d'un circuit commercial simple faisant intervenir seulement l'acquéreur l'A.F.P.A. , l'importateur exclusif PORTESCAP-FRANCE et le fabricant suisse, il avait été mise en place un circuit complexe dans lequel l'A.F.P.A. s'adressait à C.O.P. qui passait commande des matériels à la Société suisse B..., laquelle devait recourir à une société installée en France PORTESCAP-FRANCE pour obtenir les produits de fabricants eux-mêmes implantés en Suisse ; que ce montage juridique complexe n'a pas empêché que des relations commerciales aient été directement nouées entre PORESCAP-FRANCE et C.O.P. ainsi qu'en atteste la facturation directe entre ces deux sociétés ; que cependant l'intermédiaire, la société B..., a perçu une commission représentant 25 % de la commande ;
Que la société Conseil et diffusions industrielles et commerciales C.E.D.I.C.O.M. , contrôlée A... et son épouse, qui bénéficiait en application d'un contrat conclu avec C.O.P. le 20 juin 1971 d'un mandat exclusif pour toutes les ventes de cette dernière société à l'A.F.P.A., rémunéré par une commission initiale de 9 % ramenée par la suite à 7 ou 5 %, a reçu, s'agissant des matériels destinés au nouveau centre de formation d'horlogerie de Besançon, une commission encore plus élevée, portée par lettre du 2 avril 1974 à 13 %, soit 145.537,47 francs ; qu'à cette commission s'en est ajoutée une autre, exceptionnelle, de 33.000 francs, allouée à A... par une lettre de C.O.P. en date du 10 mai 1974, en raison de l'intervention de ce dernier pour le bon déroulement dudit marché ; que le montant des commissions perçues par C.E.D.I.C.O.M. et A... a représenté 16 % de la valeur hors taxe des matériels acquis par l'A.F.P.A. sans que les intéressés aient apporté une prestation technique ; que ces commissions ont contribué à augmenter le coût final supporté par l'A.F.P.A. ;
Considérant que l'accroissement des prix ainsi supportés par l'A.F.P.A. a entraîné un préjudice certain pour cet organisme ; que certaines des marges et commissions susmentionnées n'ont pas eu pour contrepartie des prestations techniques et ont donc procuré des avantages injustifiés, d'une importance exceptionnelle, aux bénéficiaires ; que, même si elles étaient alors ignorées de M. SOUQUIERE et de son supérieur hiérarchique M. BENOIT, ces marges et commissions résultent d'une absence de vigilance de leur part en ce qui concerne la mise en concurrence des entreprises et l'examen des prix demandés par les titulaires des marchés, donc d'une méconnaissance des obilgations inhérentes à leurs fonctions ; Que, notamment, n'ont pas été utilisés les moyens d'investigation dont disposait l'AFPA, par des comparaisons tant avec les prix pratiqués lors de l'équipement de la première section d'horlogerie - alors même que M. SOUQUIERE, d'après ses propres déclarations, avait fait établir entre le 29 et le 31 mars 1974 des fiches mentionnant les prix obtenus pour cette section, concernant une grande partie des matériels acquis - qu'avec les renseignements recueillis en avril 1974 sur certains prix de vente directe pratiqués par Portescap-France ; qu'aucune conséquence n'a été tirée des contrôles qui auraient été effectués lors de la communication par C.O.P. de ses prix le 17 avril 1974, avant la signature des marchés ;
Considérant que les faits ainsi constatés tombent sous le coup de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Que, cependant, des circonstances propres à cette affaire, notamment l'urgence due à des difficultés sociales graves et la priorité donnée par le directeur général de l'AFPA et l'administration de tutelle à la rapidité d'exécution sur les conditions de prix obtenues peuvent être de nature à atténuer les responsabilités encourues ; Considérant qu'en revanche l'urgence ne peut expliquer qu'aucun contrôle a posteriori des conditions dans lesquelles s'est déroulée cette affaire n'ait permis d'en tirer des conclusions utiles et de renforcer la vigilance de l'A.F.P.A. à l'égard des sociétés en cause, ce qui aurait dû conduire à éviter les anomalies observées dans l'équipement du centre de formation professionnelle de Stains ;
En ce qui concerne l'équipement du centre de Sains Considérant que, parmi les six appels d'offres lancés pour l'équipement du centre de Stains, trois l'ont été par le service du matériel de l'A.F.P.A. entre le 10 juillet et le 20 septembre 1974 ; qu'il résulte de l'instruction que si, dans ces trois cas, M. SOUQUIERE affirme avoir consulté sept entreprises, seules trois d'entre elles, le Comptoir d'outillage Parmentier C.O.P. et la Société générale d'outillage de Saint-Etienne S.G.O.S. , qui avaient participé à l'équipement des sections horlogères de Besançon dans les conditions déjà analysées, et la Société anonyme de fabrication et d'outillage mécanique S.A.F.O.M. ont formulé des propositions ; que, pour avoir un nombre suffisant de participants, M. SOUQUIERE s'est également adressé au GIE Fournitures d'outillages aux administrations et collectivités F.O.A.C. et à la Société Conseil et diffusions industrielles et commerciales C.E.D.I.C.O.M. dont il ne pouvait ignorer les relations avec C.O.P. puisque cette dernière avait proposé, dans l'opération de Besançon, la répartition des facturations susmentionnée entre elle-même et ces sociétés ; Qu'au surplus, en l'absence d'une commission d'ouverture des plis, l'examen des offres n'a pu être effectué selon les règles prévues par le code des marchés et applicables à l'AFPA en vertu de l'arrêté précité du 21 décembre 1967 ; que ces différentes circonstances ont privé la procédure retenue de certains caractères substantiels de l'appel d'offres ; que dans ces conditions les marchés peuvent être regardés comme ayant été en fait conclus de gré à gré ; que dès lors, c'est à tort que ceux passés avec F.O.A.C. et S.A.F.O.M. dont le montant dépassait 400.000 francs n'ont pas été soumis à la commission consultative des marchés, le seuil d'un million de francs au-dessous duquel cette consultation n'est pas obligatoire n'étant applicable qu'en cas d'appel d'offres ;
Qu'ainsi les règles relatives à l'exécution des dépenses de l'A.F.P.A. n'ont pas été respectées en l'espèce ; que cette infraction, qui tombe sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée, a été commise par M. SOUQUIERE, chargé de mener cette opération pour le compte de l'A.F.P.A., et M. BENOIT qui a signé les lettres d'appel d'offres ; Considérant que si des marchés ont été finalement conclus par l'A.F.P.A. avec les cinq entreprises précitées S.G.O.S., C.O.P., F.O.A.C., C.E.D.I.C.O.M. et S.A.F.O.M. entre lesquelles ces commandes ont été réparties, la société C.E.D.I.C.O.M. a servi d'intermédiaire dans l'ensemble des livraisons et perçu des commissions sur toutes les fournitures destinées à l'Association ; qu'il résulte en effet d'une lettre du 24 juin 1974 adressée par la S.G.O.S. à C.E.D.I.C.O.M. qu'une commission de 15 % a été versée à cette dernière société, calculée sur l'ensemble des factures établies par S.G.O.S., C.O.P. et F.O.A.C., commission qui a pris la forme d'une minoration de 15 % de la facturation desdits matériels à C.E.D.I.C.O.M. ; que par lettre du même jour, la S.G.O.S. indiquait à A... dont les liens avec C.E.D.I.C.O.M. ont été antérieurement rappelés, qu'il lui serait réglé sur les mêmes fournitures une commission de 5 % ; que par lettre du 19 juillet 1974, la même S.G.O.S. s'engageait à payer à A... une commission de 5 % sur le prix des matériels fournis par la S.A.F.O.M., tandis que par lettre du même jour C.E.D.I.C.O.M. bénéficiait sur ces matériels d'une commission de 15 % ;
Qu'ainsi les prix facturés à l'A.F.P.A. se sont trouvés majorés de 20 %, entraînant pour cet organisme un préjudice important et procurant aux bénéficiaires des commissions un avantage injustifié au détriment de l'Association ; que cet avantage a été accordé, pour les motifs précités, en méconnaissance des obligations qui s'imposaient aux responsables de l'A.F.P.A. dès lors que les règles relatives à l'exécution des dépenses de cet organisme n'avaient pas été respectées ; qu'en conséquence MM. BENOIT et SOUQUIERE tombent également sous le coup des dispositions de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Considérant que les circonstances propres à cette affaire sont de nature à aggraver les responsabilités encourues puisqu'elles ne revêtaient aucune urgence et que les précédents marchés contractés pour l'équipement des sections horlogères de Besançon auraient dû inciter MM. BENOIT et SOUQUIERE à une particulière vigilance à l'égard de quatre des fournisseurs en cause ; Considérant, toutefois, qu'il convient de retenir comme circonstances atténuantes les services que MM. BENOIT et SOUQUIERE ont rendus par ailleurs à l'A.F.P.A. ; Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant M. BENOIT à une amende de 10.000 francs et M. SOUQUIERE à une amende de 10.000 francs :
ARRETE : Article 1er - M. Jean BENOIT est condamné à une amende de dix mille francs 10.000 F . Article 2 - M. Raymond SOUQUIERE est condamné à une amende de dix mille francs 10.000 F . Article 3 - Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609221
Date de la décision : 28/04/1987
Sens de l'arrêt : Condamnation amendes
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES -Cour de discipline budgétaire et financière - Gestion d'une association - Violation des règles applicables en matière de contrôle financier - Infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'organisme - Avantages injustifiés procurés à autrui.

18-01 Marchés d'une association soumis à la réglementation des marchés de l'Etat et au visa du contrôleur d'Etat. Marchés passés en violation de ces règles. Marchés conclus après livraison des équipements. Fractionnement abusif des commandes. Prix anormalement élevés résultant notamment de commissions accordées aux intermédiaires successifs par le fournisseur de l'organisme. Responsabilité du directeur des équipements et du chef du service du matériel de l'organisme. Circonstances atténuantes dues à l'urgence : condamnation à une amende de 10.000 F chacun.


Références :

Décret 67-1014 du 21 novembre 1967
Décret 68-827 du 20 septembre 1968 art. 33
Décret 72-198 du 13 mars 1972
Décret 85-199 du 11 février 1985 art. 38
Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 1, art. 2, art. 5, art. 4, art. 8, art. 6
Loi 67-483 du 22 juin 1967 art. 1 al. 6
Ordonnance 67-578 du 13 juillet 1967


Composition du Tribunal
Président : M. Chandernagor
Rapporteur ?: M. Woimant

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1987:CETATEXT000007609221
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