SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 744 F-D
Pourvoi n° M 24-11.169
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUILLET 2025
La société Mutualité française Champagne Ardenne, société mutualiste, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 24-11.169 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2023 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [K] [E], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseillère, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Mutualité française Champagne Ardenne, de la SARL Gury & Maitre, avocat de Mme [E], et l'avis écrit de Mme Roques, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présentes Mme Capitaine, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Nirdé-Dorail, conseillère rapporteure, Mme Degouys, conseillère, et Mme Jouanneau, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 décembre 2023) et les productions, Mme [E] a été engagée en qualité d'assistante dentaire le 6 juillet 2015 par la société Mutualité française Champagne Ardenne.
2. Elle s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 18 janvier 2019.
3. Déclarée inapte à la reprise de son poste mais apte à un poste de secrétariat par le médecin du travail le 10 décembre 2019, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 28 janvier 2020 et a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité au titre du préavis doublé pour reconnaissance de travailleur compte tenu du manquement à l'obligation de reclassement, alors « qu'aux termes de L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce" ; que, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la salariée produit une liste de sociétés comportant les dénominations sociales de mutualité française de PACA (106 établissements), Normandie (261 établissements) et grand sud (106 établissements), l'employeur se born[ant] à soutenir que la salariée n'apporte pas d'éléments probants sur l'existence d'un groupe", et que cette affirmation est insuffisante et il n'apporte aucun élément comme il le pouvait pour déterminer l'existence d'un groupe dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code du code du commerce ; aussi, et alors que la salariée n'a pas refusé de reclassement dans le secteur géographique PACA, Normandie ou Grand Sud, l'employeur n'a pas exécuté correctement son obligation préalable de reclassement" ; qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que les sociétés ayant les dénominations sociales de mutualité française de PACA, Normandie et grand sud, appartenaient, avec l'employeur, à un groupe au sens de l'article L. 1226-2 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard dudit texte dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, L. 233-1, L. 233-3 I et II et L. 233-16 du code de commerce :
6. Il résulte du premier de ces textes que le périmètre du groupe à prendre en considération au titre de la recherche de reclassement est l'ensemble des entreprises, situées sur le territoire national, appartenant à un groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
7. Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.
8. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité de préavis doublée prévue par l'article L. 5213-9 du code du travail pour manquement à l'obligation de reclassement du salarié reconnu travailleur handicapé, l'arrêt retient que la salariée, qui invoquait l'appartenance de l'employeur à un groupe, produisait une liste de sociétés comportant les dénominations sociales de mutualité française de Paca, Normandie et Grand Sud et le nombre d'établissements rattachés à chacune d'elles.
9. Il relève ensuite que l'employeur, qui contestait l'existence d'un groupe, se bornait à affirmer que les éléments apportés par la salariée n'étaient pas probants sans produire ceux dont il disposait pour déterminer une telle existence au sens des articles du code du commerce précités.
10. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'appartenance de l'employeur à un groupe de reclassement au sens des textes précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Mutuelle française Champagne Ardenne à payer à Mme [E] les sommes de 20 681,28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 7 755,48 euros au titre de l'indemnité de préavis doublée de l'article L. 5213-9 du code du travail et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.