CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 19 juin 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 611 F-B
Pourvoi n° Z 23-23.781
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025
Mme [J] [N], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-23.781 contre l'ordonnance de taxe n° RG : 23/00002 rendue le 20 septembre 2023 par le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France, dans le litige l'opposant à Mme [B] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gervais de Lafond, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de Mme [N], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Gervais de Lafond, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Fort-de-France, 20 septembre 2023), Mme [T] a chargé Mme [C], avocate associée de la société Themys, d'assurer la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce, et lui a versé une provision de 1 627,50 euros. A la suite du départ à la retraite de cette avocate, Mme [N], avocate, a repris la défense des intérêts de Mme [T] dans cette procédure.
2. Par requête reçue le 19 septembre 2022, Mme [T] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Fort-de-France pour obtenir le remboursement par Mme [N] des sommes versées initialement par elle, à titre de provision, à son premier avocat.
3. En l'absence de réponse du bâtonnier, elle a saisi un premier président de cour d'appel de la même demande.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [N] fait grief à l'ordonnance de la condamner à rembourser à Mme [T] la somme de 1 427,50 euros au titre des honoraires versés, alors « que le premier président de la cour d'appel est compétent en vertu de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 pour se prononcer sur les contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats ; que cette procédure n'a pas pour objet de déterminer le débiteur de l'obligation de restitution de partie des honoraires au client ; que le premier président a condamné Mme [N] à rembourser une partie des honoraires à Mme [T] en se fondant sur le fait qu'elle a pris la suite de Mme [C] concernant la procédure de divorce de Mme [T] ; qu'il s'est ainsi prononcé sur la qualité de débiteur de Mme [N] et a excédé ses pouvoirs, violant de ce fait l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :
5. La procédure spéciale prévue par le second de ces textes ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires d'avocat. Il en résulte que le premier président n'a pas le pouvoir de statuer, même à titre incident, sur le débiteur de l'obligation de restitution.
6. Pour condamner Mme [N] à rembourser à Mme [T] la somme de 1 427,50 euros au titre des honoraires versés, l'ordonnance énonce qu'il n'est pas contesté que Mme [N] a repris la procédure de divorce de Mme [T] à la suite du départ à la retraite de Mme [C] à laquelle la cliente avait versé une provision de 1 627,50 euros.
7. En statuant ainsi, alors que Mme [N] contestait venir aux droits et obligations de Mme [C], le premier président, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable l'action de Mme [T], l'ordonnance rendue le 20 septembre 2023, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par le président et Mme Isola, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et le greffier, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.