N° V 24-82.201 FS-B
N° 00841
ECF
18 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2025
M. [Z] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 février 2024, qui a prononcé sur une demande d'exclusion du bulletin n° 1 du casier judiciaire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Z] [N], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [N] a été condamné contradictoirement, le 29 janvier 2008, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et à l'interdiction définitive d'exercer toute profession médicale ou paramédicale.
3. Le 15 juin 2021, il a présenté une requête en effacement de cette condamnation du bulletin n° 1 de son casier judiciaire sur le fondement de l'article 798-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête de M. [N] tendant à l'effacement du bulletin n° 1 du casier judiciaire de sa condamnation prononcée le 29 janvier 2008, alors « que la réhabilitation efface toute les incapacités et déchéances ; qu'en excluant toute réhabilitation de la condamnation à raison de ce qu'une interdiction d'exercer une profession médicale ou paramédicale avait été prononcée à titre de définitif et ne pouvait de ce fait avoir été exécutée, quand cette réhabilitation était acquise au regard du délai de dix ans expiré sans nouvelle condamnation et qu'aucune limitation aux effets de cette réhabilitation à l'égard des incapacités et déchéances n'était opposable, s'agissant d'une condamnation pour des faits commis avant le 1er janvier 2015, à raison de ce que cette peine complémentaire avait été prononcée à titre définitif, la chambre de l'instruction a violé les articles 133-13 et 133-16 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 798-1 du code de procédure pénale, 133-13 et 133-16, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, applicable en l'espèce, du code pénal :
5. Selon le premier de ces textes, toute personne dont la condamnation a fait l'objet d'une réhabilitation légale en application des dispositions du code pénal peut demander à la chambre de l'instruction que cette condamnation soit retirée du casier judiciaire et ne soit plus mentionnée au bulletin n° 1.
6. Selon le deuxième, la réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée à une ou plusieurs peines d'emprisonnement à l'expiration des délais qu'il prévoit à compter, soit de l'exécution de la peine, soit de la prescription accomplie. Lorsqu'il s'agit de condamnations assorties en tout ou partie du sursis, du sursis probatoire ou du sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, les délais courent, pour chacune de ces condamnations, y compris en cas de condamnations multiples, à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue.
7. Selon le troisième, la réhabilitation efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation, à l'exception des condamnations au suivi socio-judiciaire ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, pour lesquelles la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin de la mesure.
8. L'article 13 de loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 a ajouté au second alinéa de l'article 133-16 précité que la réhabilitation ne produit ses effets qu'à l'issue d'un délai de quarante ans lorsqu'a été prononcée, comme peine complémentaire, une interdiction, incapacité ou déchéance à titre définitif, et précise que cette disposition entre en vigueur, pour les condamnations concernant des faits commis après la publication de ladite loi, le 1er janvier 2015.
9. Il ressort des travaux préparatoires de cette loi que le législateur, considérant que la réhabilitation légale efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation, a entendu modifier les effets de cette règle, lorsque la juridiction de condamnation a expressément prononcé ces incapacités et déchéances, auxquelles il assimile les interdictions, en fixant pour celles-ci une durée supérieure au délai de réhabilitation.
10. Ces travaux préparatoires ajoutent que la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs avait déjà prévu que la réhabilitation ne produirait ses effets qu'à la fin de la mesure, pour les peines complémentaires de suivi socio-judiciaire ou d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
11. La loi du 27 mars 2012 a ainsi retenu qu'en cas d'interdiction, incapacité ou déchéance prononcées à titre définitif, la réhabilitation ne produit ses effets, à leur égard, qu'à l'issue d'un délai de quarante ans. Ladite loi a prévu que cette disposition ne s'appliquerait qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis après le 1er janvier 2015.
12. Il s'en déduit qu'avant l'entrée en vigueur de cette disposition, la réhabilitation de plein droit de la peine principale d'emprisonnement à l'issue du délai prévu à l'article 133-13 du code pénal à compter de l'exécution de cette peine, ou de la prescription accomplie, produisait effet à l'égard de toutes les peines résultant de la condamnation, dont les interdictions définitives prononcées à titre de peines complémentaires.
13. Pour déclarer irrecevable la demande en effacement de la condamnation du bulletin n° 1 du casier judiciaire, l'arrêt attaqué retient que la réhabilitation légale a été acquise le 8 février 2021, soit dix ans après le caractère non avenu du sursis avec mise à l'épreuve de trois ans auquel M. [N] a été condamné.
14. Les juges, se référant à un arrêt de la Cour de cassation (Crim., 28 février 2018, pourvoi n° 16-84.441, Bull. crim. 2018, n° 40), ajoutent que le requérant, condamné à la peine complémentaire de l'interdiction définitive d'exercer toute profession médicale ou paramédicale, qui n'a pas fini d'être exécutée, ne peut bénéficier des effets de la réhabilitation de plein droit.
15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
16. En effet la réhabilitation, acquise du fait de l'écoulement du délai de dix ans à compter de la date à laquelle la peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve était non avenue, a entraîné l'effacement de la peine complémentaire même prononcée à titre définitif, en répression de faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012.
17. Par ailleurs, les dispositions de l'article 786, alinéa 3, du code de procédure pénale, sur le fondement duquel a été rendu l'arrêt du 28 février 2018, sont relatives aux peines prononcées à titre principal dont la réhabilitation judiciaire, et non de plein droit, est sollicitée.
18. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 février 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt-cinq.