SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
Mme OTT, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 681 F-D
Pourvoi n° T 24-14.096
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JUIN 2025
M. [M] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 24-14.096 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Eiffage énergie systèmes-Iroise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Saitel,
2°/ à la Caisse de congés intempéries BTP caisse de l'Ouest, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Eiffage énergie systèmes-Iroise, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents Mme Ott, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [K] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Caisse de congés intempéries BTP-caisse de l'Ouest.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 novembre 2023), M. [K] a été engagé en qualité de technicien en bureau d'études par la société Saitel, désormais dénommée Eiffage énergie systèmes-Iroise, selon contrat de travail à durée indéterminée le 1er septembre 2011. Il a accédé aux fonctions d'électricien selon avenant du 20 novembre 2012.
3. Il a présenté sa candidature aux élections des délégués du personnel le 5 juin 2015. Faute de quorum, un second tour a été organisé le 30 juin 2015.
4. Le salarié a été convoqué le 10 juillet suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, qui s'est tenu le 22 juillet 2015.
5. L'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement par décision du 25 septembre 2015, devenue définitive.
6. Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 7 novembre 2015.
7. Le 4 décembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale afin de requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement nul et de condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, notamment à titre d'indemnités et de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et délit d'entrave.
Examen des moyens
Sur le second moyen
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que la prise d'acte produit les effets d'une démission, de le condamner à payer à la société une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et de rejeter ses demandes indemnitaires, alors « que la décision administrative de refus de licenciement a autorité de la chose décidée ; que le salarié se prévalait expressément de la décision du 25 septembre 2015 par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé d'autoriser son licenciement au motifs "qu'un lien est établi entre la candidature de M. [K] et la demande d'autorisation de licenciement formulée à son égard" ; qu'en jugeant, pour qualifier la prise d'acte de licenciement, que "le salarié protégé, qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail, peut justifier des manquements de son employeur aux règles applicables au contrat de travail et aux exigences propres à l'exécution des mandats dont il est investi, peu important les motifs retenus par l'autorité administrative à l'appui de la décision par laquelle elle a rejeté la demande d'autorisation de licenciement antérieurement à la prise d'acte" et que "si une procédure de licenciement a été engagée à l'encontre de M. [K], laquelle était susceptible d'aboutir à une sanction plus lourde que celle infligée à ses collègues, l'employeur établi[ssait] que M. [K] n'a[vait] quant à lui pas précisé la valeur des métaux qu'il a[vait] récupérés et a[vait] refusé de les restituer ou de rembourser la société", que "la matérialité de ces faits [était] établie par les attestations de ses deux collègues, versées aux débats, et constitu[ait] une justification objective à l'engagement d'une procédure disciplinaire et plus précisément à l'engagement d'une procédure de licenciement" de sorte qu'elle avait "la conviction que M. [K] n'a[vait] pas subi de discrimination syndicale", la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose décidée attachée à la décision de refus d'autorisation de licencier M. [K] qui établissait au contraire un lien entre le licenciement envisagé et la candidature de l'exposant à la fonction de délégué du personnel, et a ainsi violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 1132-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
10. Dans ses conclusions, sans invoquer le principe de séparation des pouvoirs, le salarié faisait valoir que l'ensemble des faits appréciés par l'inspecteur du travail laissaient présumer l'existence de faits de discrimination syndicale et que les faits dénoncés lors de sa prise d'acte sont révélateurs d'une situation de harcèlement moral, à tout le moins d'une réelle souffrance au travail d'un salarié protégé à laquelle le comportement de l'employeur n'est pas étranger, le tout dans un contexte de discrimination syndicale.
11. L'arrêt constate que le salarié s'est porté candidat aux élections des délégués du personnel le 8 juin 2015 et retient que celui-ci, après avoir reçu, le 15 juin 2015, veille du premier tour des élections, une note de service relative au détournement de métaux sur un chantier, s'est vu reprocher le 17 juin 2015 la récupération de métaux sur ce chantier, qu'il résulte des échanges de courriers entre le salarié et l'employeur en date des 1er et 6 juillet 2015 qu'une proposition d'une rupture conventionnelle a été formulée par l'employeur et que, le salarié étant convoqué le 10 juillet à un entretien préalable fixé au 22 juillet, une demande d'autorisation de licenciement a été adressée à l'inspecteur du travail le 24 juillet 2015. L'arrêt, qui constate ensuite que l'autorisation de licenciement a été refusée le 25 septembre 2015 par l'inspecteur du travail, en déduit que le salarié présente des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale. L'arrêt retient encore que la matérialité des faits de récupération de métaux est établie par les attestations de deux collègues de travail du salarié et constitue une justification objective à l'engagement par l'employeur d'une procédure de licenciement.
12. L'arrêt retient enfin que les éléments présentés par le salarié ne sont pas de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.
13. En l'état de ces constatations et énonciations faisant ressortir l'absence de manquement suffisamment grave de l'employeur, la cour d'appel a pu, sans encourir le grief du moyen, en déduire que la prise d'acte produisait les effets d'une démission.
14. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.