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17/06/2025 | FRANCE | N°24-87.110

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation de section, 17 juin 2025, 24-87.110


N° F 24-87.110 FS-B

N° 00690


SL2
17 JUIN 2025


REJET



M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 JUIN 2025


M. [L] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 novembre 2024, qui, dans l'information suivie co

ntre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, associations d...

N° F 24-87.110 FS-B

N° 00690


SL2
17 JUIN 2025


REJET



M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 JUIN 2025


M. [L] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, associations de malfaiteurs, blanchiment aggravé et blanchiment, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 24 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [O], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Seys, Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en examen des chefs susvisés le 6 juin 2023, M. [L] [O] a, le 6 décembre suivant, déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. [O] en tous ses moyens, alors :

« 1°/ d'une part, que la pose d'un dispositif de captation de données informatiques en temps réel doit être réalisée sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction ; qu'il s'en déduit que le juge d'instruction doit expressément préciser, au sein de son autorisation, les modalités de pose dudit dispositif dans la mesure où il peut être mis en place physiquement ou via un réseau de communication électronique ; qu'au cas d'espèce, la juge d'instruction en charge de la présente information judiciaire a autorisé le recours à une mesure de captation de données informatiques en temps réel sur le téléphone utilisé par l'exposant sans toutefois préciser les modalités de pose de ce dispositif ; que la défense a constaté que le dispositif litigieux avait été installé via un réseau de communication électronique quand rien n'était dit, en procédure, sur les modalités de pose de sorte qu'il était impossible de contrôler la régularité de sa mise en place ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, qu' « il résulte expressément de ces actes et procès-verbaux [l'ordonnance autorisant la mesure, la commission rogatoire technique et la réquisition faite au [2]] que le juge d'instruction a ordonné d'une part, dans la première partie de la commission rogatoire technique que le conseil omet de citer, la mise en place d'un dispositif technique de captation des données informatiques du téléphone utilisé par [L] [O], sans le consentement de l'intéressé, et d'autre part que le référence mentionnée à l'article 706-102-5 du code de procédure pénale ne pouvait dès lors que renvoyer à son alinéa 2 visant spécifiquement la « transmission » du dispositif de captation de données par « un réseau de communication électroniques », ce qui permet à la Cour de s'assurer que le juge a bien autorisé ce procédé et que c'est sur son autorisation, sous son contrôle et son autorité que les enquêteurs ont procédé à l'installation du dispositif de captation de données informatiques » et que « le moyen pour lequel il n'est de surcroit démontré aucun grief sera en conséquence rejeté » quand ni la mention d'une mise en place « sans le consentement de l'intéressé », ni le visa de l'article 706-102-5 du Code de procédure pénale ne permettaient d'identifier le mode de pose autorisé par le juge d'instruction de sorte que Monsieur [O] a bien justifié d'un grief tiré du fait qu'il était impossible de contrôler la régularité de l'installation du dispositif litigieux sur le téléphone que les enquêteurs lui avaient attribué, la Chambre de l'instruction a dénaturé les termes de la commission rogatoire, a statué par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision et a violé les articles 706-102-1, 706-702-3, 706-702-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ d'autre part, que dans le cadre d'une information judiciaire, la mise en place de toute technique spéciale d'enquête doit être réalisée par un officier de police judiciaire commis à cette fin par le juge d'instruction ; qu'en conséquence, un officier de police ne peut requérir la mise en place ou la prolongation d'une opération de captation de données informatiques en temps réel sans y avoir été préalablement et expressément autorisé par le juge d'instruction ; qu'au cas d'espèce, par réquisition en date du 9 janvier 2023, les enquêteurs ont enjoint le Directeur Général de la Sécurité Intérieure de charger le [2] ([2]) de « prolonger la mise en place » du dispositif de captation de données informatiques en temps réel installé sur le téléphone utilisé par l'exposant, or ce n'est que le 11 janvier suivant que le juge d'instruction a délivré l'ordonnance et la commission rogatoire technique autorisant la poursuite de la mesure ; que les officiers de police judiciaire ont donc requis la prolongation du recours à ce dispositif en l'absence de toute autorisation expresse et préalable du juge d'instruction ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de chef, qu' « il est exact que par réquisition du 9 janvier 2023 (D5880), les enquêteurs sollicitaient le [2] de prolonger la mise en place du dispositif de captation de données informatiques sur le téléphone portant le n° IMEI [Numéro identifiant 1] de [L] [O], la mise en place initiale datant du 12 septembre 2022, et que par ordonnance postérieure du 11 janvier 2023, la juge d'instruction autorisait ladite prolongation et délivrait le même jour, une commission rogatoire en ce sens (D5779) » mais que « toutefois, alors même que la mesure courait depuis le 12 septembre 2022, qu'un refus du juge d'instruction de la prolonger aurait fait cesser ladite mesure au 12 janvier 2023, date d'échéance, et que le juge d'instruction a sollicité, par ordonnance de soit-communiqué, dès le 9 janvier 2023 (D5869) l'avis du procureur de la République sur cette prolongation, lequel répondait favorablement le 11 janvier 2023, aucun grief ne saurait résulter de cette « anticipation » de la prolongation qui n'a pris effet que postérieurement à l'ordonnance du juge d'instruction l'autorisant » quand, il ressortait de ses propres constatations que les enquêteurs avaient délivré une réquisition à fin de prolonger l'exploitation d'un dispositif de captation de données informatiques en dépit de toute autorisation du juge d'instruction, de sorte que cette réquisition était irrégulière - peu important que l'autorisation initiale n'expirait que le 12 janvier suivant puisque le juge d'instruction ne pouvait la ratifier ou la régulariser a posteriori - et que cette irrégularité a porté atteinte aux intérêts de l'exposant dans la mesure où le dispositif litigieux était installé dans le téléphone qui lui était attribué, la Chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a statué par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision en violation des articles 706-95-12, 706-95-16, 706-95-17, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

3°/ enfin, que le principe de souveraineté des Etats interdit aux officiers de police judiciaire de réaliser, fût-ce sur autorisation d'un juge d'instruction français, des actes d'investigations en dehors du territoire national ; qu'il s'en déduit qu'en l'absence d'autorisation expresse des pays étrangers concernés, les enquêteurs ne peuvent continuer à exploiter un dispositif de captation de données informatiques sur un appareil qui ne se trouve plus sur le territoire français ; qu'au cas d'espèce, il ressort du dossier de la procédure que la captation des données informatiques émises par le téléphone utilisé par l'exposant n'a pas été interrompue lorsqu'il se trouvait à l'étranger et que les enquêteurs ont continué à l'exploiter ; que la défense faisait valoir qu'en l'absence d'autorisation expresse des pays concernés, les enquêteurs ne pouvaient continuer à exploiter ce dispositif ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que « s'il est recommandé de recueillir l'autorisation de l'État étranger même a posteriori, en cas de poursuite au-delà des frontières d'une géolocalisation déjà engagée sur le territoire national, aucun texte ni aucune jurisprudence concernant en propre la captation de données informatiques ne subordonne la validité de l'exploitation des données captées par un key logger lorsque le téléphone se trouve à l'étranger, à l'autorisation de l'Etat étranger, dès lors que la mesure n'a pas nécessité l'assistance technique du pays où se trouvait le boitier » et que « tel est bien le cas en l'espèce, s'agissant d'une mesure concernant une ligne de téléphonie française, dont la captation de données informatiques a été ordonnée par le magistrat instructeur français, et qui s'est déroulée sans interruption, y compris lorsque l'utilisateur de la ligne surveillée se trouvait en dehors du territoire national: Dès lors, aucune autorisation expresse n'était requise » quand les principes de territorialité et de souveraineté des Etats excluent que les enquêteurs français soient compétents pour accomplir le moindre acte d'enquête portant atteinte à la vie privée en dehors des frontières nationales, partant ils ne sauraient être compétents pour exploiter un dispositif de captation de données informatiques sur un support se trouvant en dehors du territoire national français sans l'autorisation expresse de l'Etat concerné, la Chambre de l'instruction qui a omis de répondre au moyen dont elle était saisie, a statué par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision en violation des articles 18, 57-1, 100 à 100-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

5. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'absence de prescription expresse d'une autorisation de transmettre le dispositif technique par un réseau de communications électroniques, l'arrêt attaqué énonce que le juge d'instruction a autorisé, dans sa commission rogatoire technique, le recours à ce procédé en donnant mission au service commis de requérir une unité ou un organisme en vue de procéder à l'installation, l'entretien et le retrait du dispositif technique dans les formes prévues par les dispositions de l'article 706-102-5 du code de procédure pénale et qu'ainsi, il est établi que c'est sur autorisation du juge et sous son contrôle et son autorité que les enquêteurs ont procédé à l'installation du dispositif technique.

6. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

7. En effet, la référence aux formes prévues par les dispositions de l'article 706-102-5 précité, lequel prévoit, en son alinéa 2, la faculté pour le juge d'autoriser le recours à un tel procédé, suffit à en inférer l'autorisation, dénuée d'équivoque, donnée en ce sens par le magistrat au service enquêteur.

8. Le grief doit, dès lors, être écarté.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

9. Pour rejeter le moyen pris de l'envoi, au service technique national de captation judiciaire, par l'officier de police judiciaire, d'une réquisition de prolongation de la mesure de captation de données informatiques avant que le juge d'instruction n'ait pris une décision d'autorisation en ce sens ainsi qu'une commission rogatoire à cette fin, l'arrêt attaqué énonce qu'aucun grief ne saurait résulter d'une anticipation de la prolongation dès lors que celle-ci n'a pris effet que postérieurement à l'autorisation du juge d'instruction.

10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

11. En effet, à supposer que la réquisition litigieuse ait été suivie d'une exécution avant l'autorisation de prolongation du juge d'instruction, cette irrégularité n'a pas fait grief à l'intéressé, dès lors que, en toute hypothèse, cette autorisation est intervenue avant l'expiration de la mesure initiale.

12. Le grief doit, dès lors, aussi être écarté.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

13. Pour rejeter le moyen de nullité pris d'un manquement au principe de souveraineté des Etats à la suite de la captation de données informatiques dans divers Etats étrangers lors du déplacement du téléphone, objet de la mesure, l'arrêt attaqué énonce qu'aucun texte ou principe ne subordonne la régularité de l'exploitation des données informatiques obtenues lors d'une mesure de captation à l'autorisation des Etats tiers dans lesquels le téléphone a pu se trouver, à diverses périodes, dès lors que la mesure n'a pas nécessité l'assistance technique des pays concernés.

14. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

15. En effet, la captation des données informatiques, prévue à l'article 706-102-1 du code de procédure pénale qui autorise l'accès, en tous lieux, à celles-ci, s'est effectuée sans l'assistance technique des pays dans lesquels le téléphone, objet de la mesure, a été déplacé, par l'effet du dispositif technique consistant à transmettre les données vers le territoire national, le simple transit de celles-ci par le réseau d'un opérateur de l'Etat étranger ne caractérisant pas une atteinte à la souveraineté de cet Etat, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de requérir l'autorisation de ce dernier.

16. Par ailleurs, la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale, prévoit en son article 31, paragraphe 1, que, lorsque l'autorité compétente d'un Etat membre a autorisé, aux fins d'enquête, une interception de télécommunications et que l'adresse de communication de la cible de l'interception est utilisée sur le territoire d'un autre Etat membre dont l'assistance technique n'est pas nécessaire pour cette interception, l'Etat membre interceptant notifie cette interception à l'autorité compétente de l'Etat membre concerné.

17. Une mesure liée à l'infiltration d'appareils terminaux visant à extraire des données de communication, de trafic et de localisation, à partir d'un service de communication fondé sur l'internet, s'assimile, selon une interprétation autonome et uniforme propre au droit de l'Union, à une mesure d'interception de télécommunications au sens de l'article 31, paragraphe 1, de la directive précitée (CJUE, arrêt du 30 avril 2024, M. N., C-670/22, § 114).

18. En conséquence, il s'en déduit que la mesure de captation de données informatiques qui s'est exécutée sur le territoire de l'Espagne et de la République tchèque, pays de l'Union européenne, devait donner lieu à notification à ces pays.


19. Ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, une telle notification a eu lieu par l'émission et la transmission à ces Etats, par le juge d'instruction, de deux décisions d'enquête européenne. Bien que non requises en l'absence d'assistance technique de ces Etats, elles ont néanmoins eu pour effet de porter à leur connaissance les captations de données réalisées sur leur territoire respectif, valu notification, et n'ont pas donné lieu à demande d'interdiction ou de restriction d'utilisation desdites données de la part de ces Etats.

20. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation de section
Numéro d'arrêt : 24-87.110
Date de la décision : 17/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation de section, 17 jui. 2025, pourvoi n°24-87.110, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.87.110
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