CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 439 F-D
Pourvoi n° E 24-17.787
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
Mme [E] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 24-17.787 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2024 par la cour d'appel de Douai (chambre 7, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [D], domicilié [Adresse 1] (Autriche),
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [G], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Marilly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juillet 2024), des relations de Mme [G] et M. [D] sont nés [J] [D], le 29 août 2019 et [X] [D], le 24 février 2022, en France.
2. Le 24 mai 2022, M. [D] a déménagé en Autriche. En septembre 2022, il a été rejoint par Mme [G] et les enfants.
3. En mai 2023, Mme [G] a quitté l'Autriche pour s'installer en France avec les enfants.
4. Le 1er juin 2023, M. [D] a engagé une procédure aux fins de retour de [X] [D] en Autriche sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
5. En juillet 2023, M. [D] est reparti en Autriche avec [J].
6. Le 6 décembre 2023, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille a fait assigner Mme [G] devant un juge aux affaires familiales aux fins de voir ordonner le retour de [X] [D] en Autriche.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Mme [G] fait grief à l'arrêt de constater que le déplacement de l'enfant [X] [D] est illicite et d'ordonner son retour immédiat en Autriche, lieu de sa résidence habituelle, alors :
« 1°/ que le déplacement ou non-retour illicite suppose qu'il y ait eu violation du droit de garde attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ; que le droit de garde peut notamment résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat ; que, pour considérer que M. [D] était titulaire d'un droit de garde à l'égard de [X], la cour d'appel retient que Mme [G] ne peut raisonnablement invoquer le droit autrichien qui ne prévoit pas d'autorité parentale conjointe sur les enfants de parents non mariés dès lors que, de fait, la garde de l'enfant était confiée au père puisqu'après l'incident du 8 mars 2023, les services de police avaient laissé les enfants au domicile familial évinçant du foyer Mme [G] ; qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les règles du droit autrichien sur lesquelles elle fondait la possibilité pour un parent de se voir reconnaître un droit de garde de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 5 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
2°/ qu'il appartient au seul droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour de fixer les conditions d'attribution du droit de garde ; que, pour considérer que M. [D] était titulaire d'un droit de garde à l'égard de l'enfant, la cour d'appel retient que l'autorité parentale conjointe étant accordée à un enfant du couple [J], elle l'est aussi sur le frère [X] au regard de l'article 8 de la CEDH ; qu'en se déterminant par un tel motif impropre à établir que M. [D] bénéficiait d'un droit de garde à l'égard de [X], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 5 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
3°/ qu'il appartient au seul droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour de fixer les conditions d'attribution du droit de garde ; que, pour considérer que M. [D] était titulaire d'un droit de garde à l'égard de [X], la cour d'appel retient, par motifs adoptés, qu'en l'absence de décision antérieure concernant les modalités d'exercice de l'autorité parentale à l'égard de [X] et en raison de son lieu de naissance en France, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant est exercée conjointement par les deux parents conformément aux dispositions de l'article 372 du code civil français ; qu'en se déterminant de la sorte, tout en considérant que l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement en Autriche, de sorte qu'il appartenait à la loi autrichienne de déterminer si M. [D] était titulaire d'un droit de garde sur [X], la cour d'appel a violé l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'article 3 b) de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a eu lieu en violation d'un droit de garde, attribué par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour.
10. Selon l'article 5 a) de la même Convention, le droit de garde, au sens de ce texte, comprend le droit portant sur les soins de la personne de l'enfant et, en particulier, celui de décider de son lieu de résidence.
11. Il ressort du rapport explicatif de la Convention qu'en l'absence de décision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de l' Etat de la résidence habituelle de l'enfant, avant son déplacement, la garde peut se fonder, soit sur la loi interne de cet Etat soit sur la loi désignée par ses règles de conflit.
12. Or, la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et des mesures de protection du 19 octobre 1996, applicable en Autriche, détermine la loi applicable à la responsabilité parentale, laquelle, selon l'article 1er de cette Convention, comprend l'autorité parentale ou tout autre rapport d'autorité analogue déterminant les droits, les pouvoirs et les obligations des parents, d'un tuteur ou autre représentant légal à l'égard de la personne ou des biens de l'enfant.
13. Selon l'article 16, § 1, de ladite Convention, l'attribution ou l'extinction de plein droit d'une responsabilité parentale, sans intervention d'une autorité judiciaire ou administrative, est régie par la loi de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant, et selon l'article 16, § 3, la responsabilité parentale existant selon la loi de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant subsiste après le changement de cette résidence habituelle dans un autre Etat.
14. La cour d'appel a constaté, par motifs propres, d'une part, que [X] [D] avait vécu en France de sa naissance au 6 septembre 2022 avant qu'il ne rejoigne, avec sa mère, M. [D] qui s'était installé en Autriche, faisant ainsi ressortir qu'il avait sa résidence habituelle en France avant le déménagement de la famille en Autriche, et, d'autre part, que la résidence habituelle de [X] avant son déplacement par sa mère vers la France était située en Autriche. Elle a relevé, par motifs adoptés, qu'ayant reconnu l'enfant en France dans l'année suivant sa naissance, M. [D] y exerçait en commun l'autorité parentale avec Mme [G] en application l'article 372 du code civil.
15. Il en résulte que la responsabilité parentale acquise de plein droit en France par les deux parents avait subsisté après le changement de la résidence habituelle de l'enfant en Autriche, de sorte que M. [D] était bien titulaire du droit de garde, à l'égard de [X] [D], au sens de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 avant son déplacement.
16. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.