COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 315 FS-B
Pourvoi n° G 24-13.604
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 JUIN 2025
La caisse de Crédit mutuel de [Localité 4], société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 24-13.604 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2023 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [D], divorcée [H], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de representante légale de son fils mineur [O] [H],
2°/ à M. [O] [H],
3°/ à M. [P] [H],
4°/ M. [X] [H],
tous quatre domiciliés [Adresse 1],
5°/ à l'Union départementale des associations familiales du Maine-et-Loire (l'UDAF), dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité d'administrateur ad'hoc à la représentation de l'enfant mineur [O] [H],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société caisse de Crédit mutuel de [Localité 4], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, M. Riffaud, Mme Guillou, MM. Bedouet, Calloch, Chazalette, Mme Gouarin, conseillers, Mme Champ, M. Boutié, Mmes Coricon, Buquant, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 5 décembre 2023), le 26 juin 2012, M. [H], administrateur légal des biens de ses enfants mineurs, MM. [X], [P] et [O] [H] issus de son union avec Mme [D], a fait procéder au virement de la somme de 5 000 euros au débit de chacun des trois comptes d'épargne ouverts aux noms de ces derniers dans les livres de la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] (la banque),au profit du compte d'une entreprise dont il était le dirigeant. Il a ensuite opéré plusieurs virements et retraits de ces mêmes comptes jusqu'à un quasi épuisement de leur solde.
2. Alerté par Mme [D], un juge des tutelles a désigné l'Union départementale des associations familiales du Maine-et-Loire (l'UDAF) en qualité d'administrateur ad'hoc.
3. Mme [D], en son nom personnel et en qualité de représentante de ses enfants mineurs, a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de vigilance. L'UDAF, ès qualités, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [X] [H], la somme de 6 664,38 euros, à M. [P] [H], la somme de 6 294,89 euros, à l'UDAF, ès qualités, la somme de 6 224,77 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date des prélèvements des fonds et capitalisation des intérêts échus pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1154, ancien, du code civil, alors :
« 1°/ en premier lieu que les tiers ne sont pas garants de l'emploi des capitaux décidé par l'administrateur légal ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité de la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4], la cour d'appel considère que les circonstances ne pouvaient que faire suspecter un détournement des fonds de la part de l'administrateur légal dès lors qu'il a viré l'argent des livrets des mineurs sur le compte d'une entreprise commerciale gérée par lui ; qu'en statuant ainsi, quand la banque n'était pas garante de l'emploi des capitaux décidé par l'administrateur légal, la cour d'appel a violé l'article 499 du code civil ;
2°/ en deuxième lieu que le banquier est soumis à un devoir de non-ingérence et de non-immixtion dans les affaires de son client en sorte qu'il n'a pas à apprécier l'opportunité des opérations qui lui sont confiées ; qu'il est seulement tenu d'un devoir de vigilance, en vertu duquel il est tenu de déceler les opérations de son client présentant des anomalies apparentes ; qu'en l'espèce, pour considérer que la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] avait commis un manquement à son devoir de vigilance, la cour d'appel retient que les circonstances ne pouvaient que faire suspecter un détournement des fonds de la part de l'administrateur légal dès lors qu'il a viré l'argent des livrets des mineurs sur le compte d'une entreprise commerciale gérée par lui et relève que la banque avait connaissance de la "destination des fonds vers un compte de l'entreprise commerciale du père des mineurs à l'origine des virements"; qu'en statuant ainsi, par un motif tiré de la destination des fonds, quand le banquier, tenu à un devoir de non-ingérence et de non immixtion dans les affaires de son client, n'avait pas à apprécier l'opportunité des opérations qui lui étaient confiées, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
3°/ en troisième lieu que le banquier est tenu d'un devoir de vigilance, en vertu duquel il est tenu de déceler les opérations de son client présentant des anomalies apparentes ; qu'en l'espèce, pour considérer que la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] avait commis un manquement à son devoir de vigilance, la cour d'appel retient que les circonstances ne pouvaient que faire suspecter un détournement des fonds de la part de l'administrateur légal dès lors qu'il a viré l'argent des livrets des mineurs sur le compte d'une entreprise commerciale gérée par lui et relève que " les relevés des livrets d'épargne des trois enfants mineurs montrent que sur chacun d'eux, le 26 juin 2012, apparaît un ‘vir SG Auto impor' de 5 000 euros, qui sont les premières opérations de retrait et qui ont étaient suivies de nombreux retraits moins importants, par différents moyens soit par virements Web sur le compte de M. [H] ou sur ‘C/C eurocompte con', soit de retraits DAB, jusqu'à ce qu'au 31 décembre 2014, les soldes ne soient plus créditeurs que de 8,59 euros sur le livret de [X], de 10,08 euros sur celui de [P] et de 10,20 euros sur celui de [O]" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que ces opérations présentaient le caractère d'anomalies apparentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article 389-5, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, et de l'article 505, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022, du code civil que, dans l'administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes de disposition sur les biens du mineur. A défaut d'accord entre les parents, l'acte doit être autorisé par le juge des tutelles.
6. Selon l'annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, est un acte de disposition la modification de tout compte ou livret ouverts au nom de la personne protégée.
7. L'arrêt énonce que la banque est tenue à un devoir de vigilance et constate que M. [H] a fait procéder, seul, à des virements sur chacun des trois comptes d'épargne ouverts aux noms de ses enfants mineurs.
8. Il en résulte que la banque, en ne sollicitant pas l'autorisation de l'autre parent pour accomplir ces actes de disposition, a commis une faute engageant sa responsabilité.
9. Par ces motifs de pur droit substitués d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4].
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.