CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 588 F-D
Pourvoi n° N 23-19.354
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
La société [Adresse 3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-19.354 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2023 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société Benoit & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société HLM des châlets, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Benoit & associés, prise tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 juin 2023), la société HLM des châlets a été condamnée par un tribunal de commerce à payer une certaine somme à la société Benoit & associés en sa qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4].
2. La société HLM des châlets a relevé appel de cette décision par déclaration du 23 juin 2022.
3. Par ordonnance du 10 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel de la société [Adresse 3] irrecevable. Celle-ci a déféré cette décision à la cour d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société HLM des châlets fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « qu'une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, (Civ. 2e, Avis du 8 juillet 2022, n° 22-70.005), peu important que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à son annexe ; qu'en estimant que l'acte d'appel n'était pas conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile quand elle constatait qu'avait été déposée une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, peu important que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à ladite annexe, la cour a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La société Benoit & associés, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4], conteste la recevabilité du moyen en ce qu'il porte sur la possibilité de compléter la déclaration d'appel par une annexe à laquelle il ne serait pas expressément renvoyé et comportant, seule, la mention de la qualité en laquelle une partie est intimée. Elle soutient que la demande est nouvelle et mélangée de fait et de droit et à ce titre irrecevable.
6. Cependant le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est de pur droit.
7. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :
8. Selon le premier de ces textes la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
9. Il résulte du second que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.
10. Par un arrêt du 7 mars 2024 (2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 22-23.522 et n° 22-20.035, publiés), la Cour de cassation a jugé que la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l'acte en application de l'article 114 du code de procédure civile et que par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.
11. Pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt retient que la déclaration d'appel ne renvoie pas à une annexe ce qui aurait été de nature à régulariser l'acte par la mention des chefs du jugement critiqué.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
13. La société Benoit & associés, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe complétant ses mentions constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, peu important que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à son annexe ; qu'en estimant que l'acte d'appel n'était pas conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile pour cela que la mention de la qualité de la société Benoit & associés, mandataire judiciaire de la société [Adresse 4], n'était pas précisée par la déclaration d'appel, quand elle constatait qu'était jointe une annexe comportant cette mention, la cour a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. La société Benoit & associés, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4], conteste la recevabilité du moyen en ce qu'il porte sur la possibilité de compléter la déclaration d'appel par une annexe à laquelle il ne serait pas expressément renvoyé et comportant, seule, la mention de la qualité en laquelle une partie est intimée. Elle soutient que la demande est nouvelle et mélangée de fait et de droit et à ce titre irrecevable.
15. Cependant le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est de pur droit.
16. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 :
17. Selon ce texte la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant certaines mentions à peine de nullité, parmi lesquelles les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54, soit, pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement.
18. Pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt retient que la déclaration d'appel intime la société Benoit & associés sans aucune mention de sa qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4], qu'elle ne renvoie pas à l'annexe mentionnant la qualité de la société Benoit en tant que représentant de la société [Adresse 4], que cette annexe n'est pas destinée à corriger les mentions figurant dans l'acte d'appel, que la mention figurant dans l'annexe contredit celle visée à la déclaration d'appel et que l'annexe ne peut avoir pour seule finalité que d'indiquer les mentions pour lesquelles le nombre de caractères dans le fichier constituant la déclaration serait insuffisant et que, dès lors, l'appel était dirigé contre la société Benoit & associés à titre personnel, tandis qu'elle apparaissait en qualité de représentante de la société [Adresse 4] dans le procès en première instance, auquel elle n'était donc pas partie.
19. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la déclaration d'appel comportait une annexe qui mentionnait bien la qualité en laquelle la société Benoit & associés était intimée, de sorte que cette déclaration constituait l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, applicable au litige, même en l'absence d'empêchement technique, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée ;
Condamne la société Benoit & associés, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.