CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 417 F-D
Pourvoi n° T 23-13.540
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
1°/ Mme [X] [P], épouse [T], domiciliée [Adresse 1],
2°/ M. [K] [P], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° T 23-13.540 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (3e chambre civile, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [E] [F], épouse [D], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à Mme [Z] [F], veuve [P], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à Mme [A] [V], épouse [O], domiciliée [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [P], de M. [P], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes [E] et [Z] [F], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [X] [P] et à M. [K] [P] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [V].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 décembre 2022), du mariage d'[H] [P] et d'[I] [L] sont nés deux enfants, M. [K] [P] et Mme [X] [P].
3. [I] [L] est décédée le 4 novembre 2008.
4. Par testament authentique du 2 septembre 2009, [H] [P] a reconnu Mme [E] [F], née, le 15 avril 1996, de Mme [Z] [F].
5. Le 2 juin 2018, [H] [P] s'est remarié avec Mme [Z] [F] et a procédé à la reconnaissance de Mme [E] [F] devant l'officier de l'état civil.
6. Il est décédé le 23 septembre 2018.
7. Les 29 et 30 août 2019, Mme [X] [P] et M. [K] [P] ont assigné Mme [E] [F] et Mme [Z] [F] en contestation de la paternité d'[H] [P] à l'égard de Mme [E] [F].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Mme [X] [P] et M. [K] [P] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'expertise aux fins de contester l'établissement d'un lien de filiation entre [H] [P] et Mme [E] [F], alors « que la contestation de paternité peut être prouvée par une expertise génétique ordonnée entre l'enfant et les membres de sa famille en cas de prédécès du père présumé ; que, pour rejeter la demande d'expertise génétique, l'arrêt attaqué a considéré que sa réalisation était impossible en raison du décès du père présumé et que les héritiers réservataires n'avaient pas réclamé une expertise biologique de fratrie entre la nièce du défunt – dont l'intervention a été déclarée irrecevable – et la fille présumée ; qu'en statuant de la sorte sans vérifier, ainsi qu'elle y était qu'en statuant de la sorte sans vérifier, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si, malgré le décès de leur père, une expertise de fraternité était possible entre eux et la fille présumée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 310-3 et 16-11 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 310-3, alinéa 2, et 16-11, alinéa 7, du code civil :
9. Il résulte du premier de ces textes que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder.
10. Selon le second, en matière civile, l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides.
11. Ce texte ne fait pas obstacle à ce que soit ordonnée, à l'occasion d'une action en recherche ou en contestation de paternité, une expertise biologique visant à comparer les empreintes génétiques de l'enfant avec celles de membres de la famille du père supposé, lorsque ce dernier est décédé.
12. Pour rejeter la demande d'expertise de Mme [X] [P] et M. [K] [P], l'arrêt retient qu'[H] [P], qui a reconnu Mme [E] [F], est décédé sans avoir jamais manifesté son accord pour qu'il soit procédé à une expertise génétique après son décès.
13. En se déterminant ainsi, sans vérifier, comme il le lui était demandé, si, malgré le décès du père présumé, une expertise biologique visant à comparer les empreintes génétiques de Mme [X] [P] et M. [K] [P] avec celles de Mme [E] [F], pouvait être ordonnée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne Mme [Z] [F] et Mme [E] [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.