CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 336 F-D
Pourvoi n° Q 23-10.409
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [I] [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 novembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
Mme [I] [F], domiciliée chez Mme [R] [U], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-10.409 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre spéciale des mineurs), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [V], domicilié maison d'arrêt, [Adresse 2]
2°/ au président du conseil départemental de la Seine-Maritime, domicilié [Adresse 10],
4°/ au procureur général près la cour d'appel de Rouen, domicilié en son parquet général, [Adresse 9],
5°/ à [B] [V], mineure,
6°/ à [X] [V], mineur,
7°/ à [W] [V], mineur,
8°/ à [H] [V], mineure,
9°/ à [M] [V], mineur,
domiciliés tous cinq Aide sociale à l'enfance, [Adresse 8], représentés par leur mère, demanderesse au pourvoi,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseillère référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de Mme [F], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Marilly, conseillère référendaire rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, et Mme Ben Belkacem, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 octobre 2022), des relations de Mme [F] et M. [V], sont issus, [M], né le [Date naissance 6] 2007, [H], née le [Date naissance 7] 2009, [W], né le [Date naissance 4] 2012, [X], né le [Date naissance 5] 2014, et [B], née le [Date naissance 3] 2019.
2. Un jugement du 28 avril 2022 a ordonné le placement des mineurs à l'aide sociale à l'enfance de Seine-Maritime et accordé à Mme [F] un droit de visite médiatisé, en lieu neutre.
3. Une ordonnance du même jour a ordonné une mesure judiciaire d'investigation éducative à l'égard des enfants pour la période du 1er juin 2022 au 1er décembre 2022.
4. Le 2 mai 2022, Mme [F] a formé appel contre chacune de ces décisions. Les deux instances ont été jointes.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. Mme [F] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du 28 avril 2022 ordonnant une mesure judiciaire d'investigation éducative, alors :
« 2°/ que la décision qui ordonne une mesure d'instruction peut être frappée d'appel en même temps que le jugement sur le fond ; qu'en retenant que l'ordonnance ordonnant une mesure judiciaire d'investigation éducative ne pourrait être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond, pour déclarer irrecevable l'appel formé contre l'ordonnance du 28 avril 2022, que celui-ci a été formé le même jour que l'appel formé par Mme [F] à l'encontre du jugement qui a prononcé au fond le placement des enfants, la cour d'appel a violé l'article 150 du code de procédure civile.
3°/ que la cour d'appel a constaté qu'en application des articles 375-1 et 375-5 du code civil, les décisions rendues par le juge des enfants en matière d'assistance éducative, y compris les mesures provisoires, sont susceptibles d'appel ; qu'en déclarant l'appel irrecevable en retenant que la mesure judiciaire d'investigation éducative "qui n'a aucun objectif éducatif, n'est pas susceptible de recours", cependant qu'une telle mesure d'instruction concerne l'assistance éducative puisqu'elle vise à apprécier la nécessité d'une telle assistance et, le cas échéant, les modalités de sa mise en uvre, la cour d'appel a violé les articles 375-1 et 375-5 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Ni l'article 375-1 du code civil, qui dispose que le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative, ni l'article 375-5 du même code, relatif aux mesures provisoires que celui-ci peut ordonner, à charge d'appel, pendant l'instance, ne dérogent au principe, posé à l'article 150 du code de procédure civile, selon lequel la décision qui se borne à ordonner une mesure d'instruction ne peut être immédiatement frappée d'appel.
8. Aux termes de l'article 1183 du code de procédure civile, le juge peut, soit d'office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d'information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d'une mesure judiciaire d'investigation éducative, d'examens médicaux ou d'expertises psychiatriques et psychologiques.
9. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'une mesure judiciaire d'investigation éducative qui ne comporte aucune mesure d'aide éducative et a seulement vocation à éclairer le juge sur la décision à intervenir est insusceptible d'appel immédiat.
10. Ayant constaté que la mesure judiciaire d'investigation éducative avait été ordonnée aux seules fins de recueillir des informations sur la personnalité des enfants, leurs conditions de prise en charge, la situation familiale et sociale, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré irrecevable l'appel formé à l'encontre de la décision ordonnant cette mesure d'information indépendamment du jugement intervenu sur le fond à la suite de son exécution.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.