CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Cassation sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 330 FS-B+R
Pourvoi n° H 22-23.646
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
Mme [C] [J] [B], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 22-23.646 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2022 par la cour d'appel d'Orléans, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [F], domicilié chez Mme [H], [Adresse 1],
2°/ à l'établissement public du conseil départemental du Loiret, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseillère référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [J] [B], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, Mme Marilly, conseillère référendaire rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Lion, Daniel, Vanoni-Thiery, conseillers référendaires, Mme Picot-Demarcq, avocate générale référendaire, et Mme Ben Belkacem, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 30 septembre 2022) et les pièces de la procédure, des relations de Mme [J] [B] et de M. [F] est née [U] [F], le [Date naissance 3] 2019.
2. Un jugement du 24 mai 2022 a ordonné le placement de l'enfant à l'aide sociale à l'enfance et accordé aux parents un droit de visite médiatisé, en lieu neutre.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mme [J] [B] fait grief à l'arrêt de confier [U] à l'aide sociale à l'enfance à compter du jugement entrepris et jusqu'au 30 novembre 2022 et de lui octroyer, en plus de son droit de visite médiatisé, un droit de visite et d'hébergement libre s'exerçant les 1er et 3ème week-end de chaque mois du samedi 10h au dimanche 18h, alors « que le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour ce qui concerne l'assistance éducative et il doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée et se prononcer en stricte considération de l'intérêt de l'enfant ; que le juge doit systématiquement effectuer un entretien individuel avec l'enfant capable de discernement lors de son audience ou de son audition ; qu'en considérant, pour confirmer le jugement entrepris sur le placement d'[U] à l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 30 novembre 2022 et sur l'octroi d'un droit de visite médiatisé à Mme [J] [B] et en lui accordant un droit de visite et d'hébergement libre un week-end sur deux, qu'il ressort des pièces versées aux débats une situation d'insécurité pour l'enfant liée au conflit parental majeur entre les deux parents ainsi qu'à leurs failles et fragilités psychologiques et en ajoutant qu'en l'état actuel et dans l'attente des mesures d'investigation en cours, [U] se présente encore dans une situation de danger justifiant le maintien de son placement à tout le moins jusqu'à la prochaine audience du juge des enfants où il sera à nouveau statué, et en indiquant que dans cette situation transitoire, il apparaît de l'intérêt supérieur d'[U] de favoriser le maintien de ses liens avec sa mère, en permettant à Mme [J] [B] d'investir davantage et plus librement sa fonction maternelle que le simple droit de visite médiatisé hebdomadaire ne l'y autorise, sans avoir entendu l'enfant, ni constaté son absence de discernement, la cour d'appel a violé les articles 375, 375-1 du code civil et 1189 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 375-1, alinéas 1 à 3, du code civil, 1189, alinéa 1er, et 1193, alinéa 1er, du code de procédure civile :
4. L'article 375-1, alinéas 1 et 2, du code civil dispose :
« Le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative.
5. Le juge des enfants doit s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure d'assistance éducative envisagée et se prononcer en stricte considération de l'intérêt de l'enfant. »
6. Aux termes de l'alinéa 3 du même texte, créé par l'article 26 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants et figurant en son titre III intitulé « Améliorer les garanties procédurales en matière d'assistance éducative », il doit systématiquement effectuer un entretien individuel avec l'enfant capable de discernement lors de son audience ou de son audition.
7. Il en résulte que dans la procédure d'assistance éducative, à laquelle le mineur est partie, s'ajoute à l'obligation faite au juge des enfants d'entendre l'enfant capable de discernement, prévue aux articles 1182, 1184 et 1189 du code de procédure civile, tant pour les nécessités de l'instruction que pour la recherche de son adhésion à la mesure envisagée, celle d'y procéder sous la forme d'un entretien individuel.
8. Aux termes de l'article 1189, alinéa 1er, du code de procédure civile, à l'audience, le juge entend le mineur, ses parents, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l'enfant a été confié ainsi que toute autre personne dont l'audition lui paraît utile. Il peut dispenser le mineur de se présenter ou ordonner qu'il se retire pendant tout ou partie de la suite des débats.
9. Si en vertu de ce texte le juge des enfants peut dispenser le mineur de se présenter à l'audience, il doit néanmoins effectuer un entretien individuel avec l'enfant capable de discernement.
10. L'article 1193 du même code dispose :
« L'appel est instruit et jugé par priorité en chambre du conseil par la chambre de la cour d'appel chargée des affaires des mineurs suivant la procédure applicable devant le juge des enfants. »
11. Il résulte de ce texte que, si la cour d'appel, juridiction de jugement, n'est pas tenue de procéder à une nouvelle instruction de l'affaire, elle doit cependant effectuer les actes auxquels le premier juge n'a pas procédé.
12. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que la cour d'appel, qui a toujours la faculté d'entendre l'enfant si elle l'estime nécessaire et qui, en application de l'article 388-1 du code civil, en a l'obligation si celui-ci, capable de discernement et dûment informé de son droit à être entendu, en a fait la demande, est tenue de s'entretenir individuellement avec le mineur dont elle n'a pas constaté l'absence de discernement, si celui-ci n'a pas été précédemment entendu sous la même forme, relativement à la mesure envisagée, par le juge des enfants.
13. Pour statuer sur le placement de l'enfant et le droit de visite de la mère, la cour d'appel n'a pas entendu individuellement la mineure, ni constaté son absence de discernement.
14. En statuant ainsi, alors qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure, que l'enfant avait été entendue par le juge des enfants, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt confirmant le placement d'[U] [F] à l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 30 novembre 2022 et octroyant à Mme [J] [B] un droit de visite médiatisé à organiser par l'aide sociale à l'enfance, un droit de visite et d'hébergement libre s'exerçant les 1er et 3ème week-end de chaque mois, du samedi 10 heures au dimanche 18 heures, à charge pour la mère d'aller chercher et ramener l'enfant dans sa famille d'accueil aux horaires ci-avant mentionnés, entraîne la cassation du chef de dispositif disant que les allocations familiales auxquelles la mineure ouvre droit seront perçues par le service gardien qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
17. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond dès lors que les mesures ordonnées par le juge des enfants le 24 mai 2022 ont épuisé leurs effets.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.