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12/06/2025 | FRANCE | N°21-11.991

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation de section, 12 juin 2025, 21-11.991


CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 12 juin 2025




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 574 FS-B

Pourvoi n° T 21-11.991



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025


La République du Congo, représentée par son ministre de la justice, des

droits humains et de la promotion des peuples autochtones, domicilié en cette qualité ministère de la justice, [Adresse 8] (République du Congo) a formé le pourvoi n° T 21-11.99...

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 12 juin 2025




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 574 FS-B

Pourvoi n° T 21-11.991



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025


La République du Congo, représentée par son ministre de la justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones, domicilié en cette qualité ministère de la justice, [Adresse 8] (République du Congo) a formé le pourvoi n° T 21-11.991 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Commissions import export (Commisimpex), société anonyme, dont le siège est [Adresse 6] (République du Congo),

2°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la Société congolaise d'enlèvement des ordures ménagères et d'assainissement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5] (République du Congo),

4°/ à la Société congolaise d'électrification et de canalisation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11] (République du Congo),
5°/ à la société Boissons africaines de [Localité 9], société anonyme, dont le siège est [Adresse 7] (République du Congo),

défenderesses à la cassation.

La société Commissions import export a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la République du Congo, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Orange, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Commissions import export, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mme Grandemange, M. Delbano, M. Ancel, Mme Caillard, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Techer, Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la République du Congo du désistement de son pourvoi en ce que son premier moyen est dirigé contre la société Orange.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2021) et les productions, la société Orange a, en exécution d'une sentence arbitrale exécutoire condamnant la République du Congo à lui payer diverses sommes, délivré, le 29 octobre 2014, un commandement de payer valant saisie immobilière visant les droits et biens immobiliers situés notamment [Adresse 1] à [Localité 10].

3. La société Commissions import export (la société Commisimpex) a, en exécution de deux sentences arbitrales exécutoires condamnant la République du Congo à lui payer diverses sommes, délivré, le 30 août 2016, un commandement de payer valant saisie immobilière visant les droits et biens immobiliers situés notamment, pour l'un [Adresse 2], pour l'autre [Adresse 3] à [Localité 14].

4. Par un jugement du 25 juin 2020, un juge de l'exécution a annulé le commandement du 29 octobre 2014 relatif à l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 10] dont la société Orange poursuivait la vente et déclaré irrecevables les prétentions de la société Commisimpex en qualité de créancier chirographaire.

5. Par un jugement du même jour, ce juge a annulé le commandement du 30 août 2016 relatif aux biens situés [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 14], dont la société Commisimpex poursuivait la vente.

6. Les sociétés Orange et Commisimpex ont interjeté appel de ces jugements.

7. Après jonction des instances, une cour d'appel a, par arrêt du 11 février 2021, infirmé le premier jugement sauf en ce qu'il a dit irrecevables les prétentions de la société Commisimpex en qualité de créancier chirographaire. Elle a ordonné la vente forcée de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 10], objet du commandement du 29 octobre 2014.

8. Infirmant le second jugement, la cour d'appel a, par ce même arrêt, ordonné la vente forcée de l'immeuble situé [Adresse 3] à Vaucresson et rejeté la demande visant la vente forcée de l'immeuble situé [Adresse 2], tous deux visés au commandement de payer valant saisie immobilière du 30 août 2016.

9. A l'occasion de l'examen du pourvoi principal formé par la République du Congo et du pourvoi incident formé par la société Commisimpex, par un arrêt du 12 septembre 2024 (2e Civ., 12 septembre 2024, pourvoi n° 21-11.991), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile, sollicité l'avis de la première chambre civile sur les points suivants :

« 1°. - Le fait pour un État d'alléguer qu'un bien immobilier, objet d'un commandement de payer valant saisie immobilière, abrite la résidence de son ambassadeur permanent auprès de l'Unesco ou sa paierie en France, permet-il, à lui seul, de fonder une présomption d'affectation diplomatique de ces biens, au sens de l'article L. 111-1-2, 3°, du code des procédures civiles d'exécution, qu'il appartient au créancier poursuivant de renverser ?

2°. - Quelle est l'incidence sur la preuve de l'affectation diplomatique des biens immobiliers, de l'article 20 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 qui stipule que la mission et son chef ont le droit de placer le drapeau et l'emblème de l'État accréditant sur les locaux de la mission, y compris la résidence du chef de la mission, et sur les moyens de transport de celui-ci ? Le défaut de ces insignes sur un bien immobilier permet-il de retenir l'absence d'affectation diplomatique du bien ? »

10. La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu son avis le 22 janvier 2025 (1ère Civ., 22 janvier 2025, n° 21-11.991).

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches ainsi que sur le premier moyen et le second moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. La République du Congo fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le commandement de payer valant saisie immobilière du 30 août 2016, d'ordonner la vente forcée du bien situé [Adresse 3] à [Localité 14] visé au commandement de payer du 30 août 2016 délivré par la société Commisimpex et de fixer la créance de cette société à certaines sommes, alors « que la charge de la preuve de l'absence d'affectation diplomatique des biens attachés au fonctionnement de la mission diplomatique, tels les immeubles constituant les sites de l'Ambassade, incombe aux créanciers ; qu'en affirmant néanmoins que la République du Congo ne démontrait pas que l'immeuble était affecté à une activité diplomatique, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353. »

Réponse de la Cour

13. Il ressort des motifs de l'avis rendu par la première chambre civile les éléments suivants :

14. « Le préambule de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 rappelle que le but de ces immunités est « non pas d'avantager des individus mais d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États. »

15. L'article 2 de cette Convention stipule que « l'établissement de relations diplomatiques entre États et l'envoi de missions diplomatiques permanentes se font par consentement mutuel. »

16. L'article 12 de cette Convention stipule :

« l'État accréditant ne doit pas, sans avoir obtenu au préalable le consentement exprès de l'État accréditaire, établir des bureaux faisant partie de la mission dans d'autres localités que celles où la mission elle-même est établie. »

17. L'article 20 de la même Convention énonce que « la mission et son chef ont le droit de placer le drapeau et l'emblème de l'État accréditant sur les locaux de la mission, y compris la résidence du chef de la mission, et sur les moyens de transport de celui-ci. »

18. Aux termes de l'article 1, i), l'expression « locaux de la mission » s'entend des bâtiments ou des parties de bâtiments et du terrain attenant qui, quel qu'en soit le propriétaire, sont utilisés aux fins de la mission, y compris la résidence du chef de la mission.

19. L'article 22 de la Convention stipule :

« 1. Les locaux de la mission sont inviolables. Il n'est pas permis aux agents de l'État accréditaire d'y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission.

2. L'État accréditaire a l'obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d'empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie.

3. Les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l'objet d'aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d'exécution. »

20. Aux termes de l'article 30, alinéa 1er, « la demeure privée de l'agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les locaux de la mission. »

21. Par une décision rendue le 11 décembre 2020 dans une affaire opposant la Guinée équatoriale à la France, la Cour internationale de justice (CIJ) a été amenée à trancher la question de l'identification du statut de l'immeuble (Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 2020, p. 300).

22. La Cour relève que l'article 1 i) de la convention de Vienne est insuffisant pour déterminer « comment un immeuble peut en venir à être utilisé aux fins d'une mission diplomatique, si un tel usage est subordonné au respect d'éventuelles conditions préalables et de quelle manière cet usage, le cas échéant doit être établi (...) » et que l'article 22 « ne donne pas plus d'indications à cet égard », ce qui la conduit à « examiner le contexte de ces dispositions ainsi que l'objet et le but de la convention de Vienne. » (§ 62)

23. La Cour rappelle que « l'article 2 de la convention de Vienne prévoit que "l'établissement de relations diplomatiques entre Etats et l'envoi de missions diplomatiques permanentes se font par consentement mutuel" (§ 63). Elle en déduit que « la convention de Vienne ne peut être interprétée comme autorisant un Etat accréditant à imposer unilatéralement son choix de locaux de la mission à l'Etat accréditaire lorsque ce dernier a objecté ce choix. S'il en était ainsi, l'Etat accréditaire serait tenu d'assumer, contre sa volonté, l'obligation spéciale de protéger les locaux choisis qui est énoncée au paragraphe 2 de l'article 22 de la convention. » (§ 67)

24. La Cour ajoute que « L'imposition unilatérale du choix de locaux par un Etat accréditant ne serait donc manifestement pas compatible avec l'objet de la convention consistant à favoriser les relations d'amitiés entre les pays. Elle exposerait de surcroît l'Etat accréditaire à des abus potentiels des privilèges et immunités diplomatiques, ce que les rédacteurs de la convention de Vienne entendaient éviter, en spécifiant, dans le préambule, que le but desdits privilèges et immunités n'est pas « d'avantager les individus (...). » (§ 67)

25. Cependant, le pouvoir d'objecter de l'État accréditaire n'est pas illimité. La Cour précise au paragraphe 74 que si l'État accréditaire objecte à la désignation par l'État accréditant d'un certain bien comme faisant partie des locaux de sa mission diplomatique, il est nécessaire que cette objection soit communiquée en temps voulu et qu'elle n'ait un caractère ni arbitraire ni discriminatoire. Dans ce cas, ce bien n'acquiert pas le statut de locaux de la mission et ne bénéficie dès lors pas de la protection prévue à l'article 22.

26. Dans l'ordre interne, la Cour de cassation (1re Civ., 7 juillet 2021, pourvoi n° 20-15.994, publié) a jugé :

« Vu les articles 30, paragraphe 1, de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 et L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution :

Aux termes du premier de ces textes, la demeure privée de l'agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les locaux de la mission.

Selon le second, lorsqu'une sentence arbitrale a été rendue contre un Etat étranger, des mesures conservatoires ou d'exécution forcée visant un bien appartenant à l'Etat concerné ne peuvent être autorisées par le juge que si le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit Etat autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée. Sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'Etat à des fins de service public non commerciales, les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'Etat.

Pour ordonner la vente forcée du bien immobilier litigieux, après avoir constaté que le caractère officiel de la résidence de l'ambassadeur de la RDC dans ces lieux a été reconnu par le service du protocole du Ministère des affaires étrangères à compter du 2 août 2014, l'arrêt retient qu'en réalité, ils ne constituent pas la résidence personnelle de l'ambassadeur et ne sont pas affectés à la mission diplomatique de cet Etat. Il ajoute que, fut-il affecté au logement du personnel diplomatique de la RDC, son acquisition ne constitue pas une prérogative ou un acte de souveraineté mais seulement une opération habituelle de gestion relevant du droit privé.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

27. De ces arrêts, il se déduit que la constatation de l'affectation d'un immeuble à la mission diplomatique résulte, au sens de l'article 2 de la Convention de Vienne, du « consentement mutuel » de l'Etat accréditant et de l'Etat accréditaire.

28. Selon l'article 22 de cette Convention, l'affectation à la mission diplomatique emporte d'autres conséquences que l'insaisissabilité : l'inviolabilité, la protection policière, l'exemption fiscale. L'application du statut diplomatique d'un bien immobilier implique que l'affectation soit déclarée au service compétent du ministère des Affaires étrangères qui peut y objecter. Pour les bureaux installés dans d'autres localités que celles où la mission elle-même est établie, il est même exigé par l'article 12 de la Convention une autorisation expresse de l'Etat accréditaire.

29. Appliquer ce statut dans certains de ses aspects (sécurité, exemption fiscale) et non pour d'autres (insaisissabilité) serait générateur d'insécurité juridique. De l'unicité du statut, il résulte que l'allégation par l'Etat débiteur que l'immeuble est affecté à l'usage de la mission diplomatique constitue une présomption d'affectation. Celle-ci ne peut être combattue que par l'avis du service du protocole du ministère des Affaires étrangères indiquant qu'il n'a pas reçu de déclaration d'affectation, ou qu'il y a objecté ou, s'agissant des bureaux installés dans d'autres localités que celles où la mission elle-même est établie, qu'il n'a pas délivré d'autorisation.

30. En ce qui concerne les drapeaux et emblèmes, il n'y a pas de jurisprudence spécifique relative à l'article 20 de la Convention, dont il convient de souligner qu'il crée un droit et non une obligation d'identification. De ce que l'affectation résulte du seul consentement mutuel des Etats et que des motifs de sécurité peuvent rendre opportun l'anonymat de locaux qui ne sont pas destinés à recevoir du public, il résulte que l'apposition ou la non-apposition du drapeau ou de l'emblème de l'Etat accréditant sur l'immeuble litigieux est une circonstance indifférente. »

31. En conséquence, la première chambre civile est d'avis que :

« 1° Pour l'application de l'article L. 111-1-2, 3°, du code des procédures civiles d'exécution, l'allégation qu'un bien immobilier, objet d'un commandement de payer valant saisie immobilière, abrite la résidence de son ambassadeur permanent auprès de l'Unesco ou sa paierie en France permet, à elle seule, de fonder une présomption d'affectation diplomatique de ces biens, que le créancier poursuivant ne peut renverser qu'en produisant la réponse du service du protocole du ministère des Affaires étrangères indiquant qu'il n'a pas reçu de déclaration d'affectation, ou qu'il y a objecté, ou, s'agissant des bureaux installés dans d'autres localités que celles où la mission elle-même est établie, qu'il n'a pas délivré d'autorisation.

2° L'apposition ou la non-apposition du drapeau ou de l'emblème de l'Etat accréditant sur l'immeuble litigieux est une circonstance indifférente. »

32. Le pourvoi pose à la deuxième chambre civile la question du régime des preuves applicable lorsqu'un créancier envisage une mesure d'exécution forcée sur un bien appartenant à un Etat étranger. Il convient de déterminer, de manière générale, ce régime de preuve au vu des règles énoncées par l'avis de la première chambre civile.

33. Selon l'article L.111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution, issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée visant un bien appartenant à un Etat étranger ne peuvent être autorisées par le juge que si l'une des conditions suivantes est remplie :
1° L'Etat concerné a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ;
2° L'Etat concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de la procédure ;
3° Lorsqu'un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l'Etat concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit Etat autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée.
Pour l'application du 3°, sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'Etat à des fins de service public non commerciales, les biens suivants :
a) Les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'Etat ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales ;

34. En matière d'immunité d'exécution d'un Etat étranger, le Conseil constitutionnel a dégagé le principe suivant lequel, en adoptant les dispositions précitées, le législateur a cherché à protéger la propriété des personnes publiques étrangères et a notamment entendu assurer un contrôle judiciaire renforcé sur les mesures conservatoires ou d'exécution à l'encontre de biens situés en France appartenant à des États étrangers, et susceptibles de bénéficier d'un régime d'immunité d'exécution au regard du droit international et qu'il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général (Cons. const., 8 décembre 2016, décision n° 2016-741 DC, § 69, Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique).

35. Il en découle, pour l'application des dispositions de l'article L. 111-1-2, 3°, du code des procédures civiles d'exécution, éclairé par la décision du Conseil constitutionnel et l'avis de la première chambre civile du 22 janvier 2025, que lorsque le juge de l'exécution est saisi d'une demande d'autorisation d'une mesure d'exécution ou d'une contestation visant un bien d'un Etat étranger, il appartient au créancier, une fois que l'Etat a allégué que le bien est affecté à une mission diplomatique, de renverser la présomption d'affectation diplomatique, en produisant la réponse du service du protocole du ministère des Affaires étrangères. Le cas échéant, le créancier peut former une demande au juge de l'exécution à l'effet, pour ce dernier, d'obtenir communication de la réponse.

36. En l'espèce, la question qui se pose est celle de savoir, en ce qui concerne l'immeuble sis à [Localité 14], s'il existe une immunité d'exécution, au sens des dispositions précitées, faisant obstacle à sa saisie.

37. Tout d'abord, l'arrêt relève que la République du Congo se prévaut de ce qu'il abrite la résidence de l'ambassadeur permanent auprès de l'Unesco et qu'elle fait valoir que l'immunité d'exécution fait obstacle à sa saisie.

38. Il retient que le ministère des affaires étrangères a précisé, sur interrogation de la société Orange qui avait saisi l'immeuble situé [Adresse 12] à [Localité 10], qu'il ne possédait aucune liste de biens immobiliers déclarés par les autorités congolaises comme étant affectés à sa mission diplomatique en France.

39. Il ajoute que l'immeuble saisi par la société Commisimpex, n'a pas, comme tous les autres biens immobiliers de la République du Congo, fait l'objet d'une déclaration auprès du service du protocole du ministère des affaires étrangères.

40. De ces seules constatations et énonciations, établissant l'existence d'une présomption d'affectation diplomatique que le créancier avait renversée, par la réponse du ministère chargé des Affaires étrangères indiquant qu'il n'avait pas reçu de déclaration d'affectation, c'est sans inverser la charge de la preuve incombant au créancier, que la cour d'appel en a déduit l'absence d'obstacle, tiré des dispositions de l'article L. 111-1-2, 3°, du code des procédures civiles d'exécution, à la saisie de l'immeuble.

41. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

42. La société Commisimpex fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de voir ordonner la vente forcée de l'immeuble situé [Adresse 2], à [Localité 10], alors, « que la charge de la preuve de l'affectation diplomatique des biens attachés au fonctionnement de la mission diplomatique, tels les immeubles constituant les sites de l'Ambassade, incombe à l'Etat qui se prévaut de l'immunité d'exécution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris qu'il n'est pas attesté d'une absence de signes distinctifs apposés sur l'immeuble quant à l'usage diplomatique de l'immeuble, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la cour

43. Il résulte de l'avis de la 1ère chambre civile du 22 janvier 2025 que la constatation de l'affectation d'un immeuble à la mission diplomatique résulte, au sens de l'article 2 de la Convention de Vienne, du « consentement mutuel » de l'Etat accréditant et de l'Etat accréditaire.

44. Selon l'article 22 de cette Convention, l'affectation à la mission diplomatique emporte d'autres conséquences que l'insaisissabilité : l'inviolabilité, la protection policière, l'exemption fiscale. L'application du statut diplomatique d'un bien immobilier implique que l'affectation soit déclarée au service compétent du ministère des Affaires étrangères qui peut y objecter. Pour les bureaux installés dans d'autres localités que celles où la mission elle-même est établie, il est même exigé par l'article 12 de la Convention une autorisation expresse de l'Etat accréditaire.

45. Appliquer ce statut dans certains de ses aspects (sécurité, exemption fiscale) et non pour d'autres (insaisissabilité) serait générateur d'insécurité juridique. Il en résulte un principe d'unicité du statut du bien immobilier. Dès lors qu'il est établi que ce bien a fait l'objet d'une exemption fiscale en application de l'article 23 de la Convention de Vienne, l'affectation diplomatique est caractérisée.

46. La cour d'appel a relevé que la République du Congo faisait valoir que le bâtiment sis [Adresse 13] à [Localité 10] abrite la paierie du Congo et justifiait que cet immeuble bénéficie d'une exemption de taxe foncière conformément à l'article 23 de la Convention de Vienne.

47. Il doit être déduit du principe d'unicité du statut de l'immeuble en cause, son affectation diplomatique et par conséquent, son insaisissabilité.

48. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a retenu que le bien immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 10] n'était pas saisissable, se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la République du Congo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 21-11.991
Date de la décision : 12/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris B1


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation de section, 12 jui. 2025, pourvoi n°21-11.991, Bull. civ.Publié au Rapport
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au Rapport

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:21.11.991
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