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11/06/2025 | FRANCE | N°24-14.412

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 11 juin 2025, 24-14.412


SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 juin 2025




Cassation partielle
sans renvoi


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 627 F-D

Pourvoi n° M 24-14.412

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025

La société Depra ventilati

on, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 24-14.412 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle...

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 juin 2025




Cassation partielle
sans renvoi


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 627 F-D

Pourvoi n° M 24-14.412

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025

La société Depra ventilation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 24-14.412 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 2],

2°/ à France travail anciennement dénommé Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ménard, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Depra ventilation, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ménard, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2024), M. [I] a été engagé en qualité de chef monteur le 10 septembre 2018 par la société Depra ventilation (la société).

2. Le 24 février 2020, l'employeur a informé le salarié que le hall de stockage situé à [Localité 3] en Seine-et-Marne, auquel il était affecté, était supprimé, et il lui a été indiqué que l'approvisionnement en matériaux se ferait à compter du 16 mars 2020 dans les locaux de [Localité 4] en Meurthe-et-Moselle, où est situé le siège de l'entreprise.

3. Le salarié a contesté cette nouvelle affectation par lettre du 10 mars 2020 et a saisi la juridiction prud'homale le 25 juin 2020, afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et le paiement de sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

4. Il a été placé en arrêt de travail à partir du 24 août 2020 et a été déclaré inapte par le médecin du travail le 13 août 2021, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 2 septembre 2021.

Examen des moyens

Sur les deuxième et quatrième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 2 septembre 2021, de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes au titre de la rupture et au remboursement des indemnités de chômage, alors :

« 1°/ que la modification du lieu de travail d'un salarié dont les fonctions requièrent sa mobilité géographique n'est pas constitutive d'une modification de son contrat ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que les fonctions de Monsieur [I] (chef monteur de systèmes de ventilation, affecté sur différents chantiers), étaient par nature itinérantes de sorte que la modification du lieu d'approvisionnement en matériaux, de [Localité 3] (77) à [Localité 4] (54), faisant suite à la résiliation du bail du local de stockage situé à [Localité 3] résultant de la réduction puis du défaut de commandes enregistrées en Ile-de-France, ne constituait pas une modification de son contrat de travail ; que, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamner l'exposante au paiement de sommes à ce titre, la cour d'appel, après avoir relevé que les stipulations contractuelles ne comportaient aucune indication sur le lieu d'exercice des fonctions de Monsieur [I], et que ce dernier avait travaillé depuis son embauche en 2018 sur des chantiers qui n'étaient situés que dans la région Ile-de-France, prenant livraison de certains matériels nécessaires à la réalisation des chantiers dans le local situé à Châtres, a retenu que le courrier du 24 février 2020 mentionnait que ''le hall de stockage de notre entreprise, sis à Châtres (77), est supprimé, l'approvisionnement en matériaux se fera dorénavant à Colombey-les-Belles (54) à compter du 16/03/2020'', ce dont elle a déduit que ''l'unique site de l'entreprise sur lequel devait se rendre M. [I], peu important sa fréquence chaque mois, était depuis son embauche situé à Châtres et non à Colombey-les-Belles, de sorte que la zone géographique d'exercice par M. [I] de son activité était bien située exclusivement en région parisienne'', et que ''si, comme l'affirme la société DPV, M. [I] pouvait être qualifié de salarié itinérant depuis son embauche, ce n'était le cas qu'au sein de la région parisienne'', en sorte que ''la décision écrite le 14 février 2020 de la société DPV de lui faire prendre à compter du 16 mars 2020 son service dans les locaux de l'entreprise situés à Colombey-les-Belles (…) constitue non un simple changement des conditions de travail mais une modification du contrat de travail'' , ce qui ''suffis[ait] à caractériser un manquement suffisamment grave de la société DPV à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail'' ; qu'en statuant ainsi, quand elle retenait que le salarié ''pouvait être qualifié de salarié itinérant'', ce dont il résultait que le lieu d'exercice de ses fonctions depuis l'embauche du salarié ne pouvait faire obstacle à sa modification, ce d'autant qu'une telle modification n'était intervenue que moins de 18 mois plus tard, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail ;

2°/ que seule la modification du secteur géographique du salarié constitue une modification de son contrat de travail ; que la distinction entre deux secteurs géographiques ne peut résulter que de l'affectation du salarié à un nouveau lieu de travail et c'est en fonction de ces deux lieux d'affectation que les juges doivent se prononcer sur l'appartenance, ou non, à un secteur géographique distinct ; que pour prononcer la résiliation judiciaire et condamner l'exposante au paiement de sommes à ce titre, la cour d'appel a retenu que l'employeur aurait procédé à une ''substitution totale d'une zone géographique à une autre'', la société indiquant elle-même que l'activité ne reprendrait pas en région parisienne, faute de chantiers dans cette zone et que le salarié serait amené à se rendre dans des chantiers sur la région Grand Est, étant relevé que ''la région parisienne et la région Grand Est (sont) tellement distinctes qu'elles n'étaient pas voisines géographiquement'' ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une modification du secteur géographique du salarié, étant souligné que la ville de Châtres, au sujet de laquelle la cour d'appel a retenu qu'il s'agissait du seul établissement dans lequel le salarié était appelé à se rendre, était située dans un département (77) limitrophe de la région Grand Est, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil, ainsi que des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail ;

3°/ que la résiliation judiciaire ne peut être prononcée qu'en cas de manquement suffisamment grave, de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a uniquement constaté que, par courrier du 24 février 2020, l'exposante avait informé le salarié de la suppression du local de stockage du matériel de chantier situé à Châtres et lui avait demandé de se présenter, à compter du 16 mars 2020, au local de stockage situé à Colombey-les-Belles ; qu'elle a également relevé que le salarié avait été placé en arrêt de travail depuis le 24 août 2020, jusqu'a` son licenciement le 2 septembre 2021 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat, sans qu'il résulte de ses constatations qu'une modification autre que celle de la modification du lieu dans lequel la livraison des marchandises avait été prise, durant la brève période durant laquelle le salarié était resté en activité, ladite décision étant, en elle-même impropre à caractériser un manquement suffisamment grave pour imposer la résiliation judiciaire du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel ayant constaté que l'intéressé, salarié itinérant dont le contrat ne comportait aucune clause de mobilité, avait été affecté exclusivement depuis son embauche sur des chantiers situés dans la région parisienne, le retrait du matériel s'effectuant à Châtres (77), et que la société l'avait informé le 24 février 2020 de prendre son service à Colombey-les-Belles (54) à compter du 16 mars 2020, avec des chantiers à assurer dans la région Grand-Est, a ainsi caractérisé, en l'absence d'affectation temporaire, une modification unilatérale du secteur géographique d'activité du salarié par l'employeur et a exactement retenu que cette décision constituait non un simple changement des conditions de travail mais une modification du contrat de travail.

8. Elle a pu en déduire l'existence d'un manquement de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et prononcer la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié les sommes de 6 422,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 642,20 euros au titre des congés payés afférents, alors « que selon les 2/ et 3/ de l'article L. 1234-1 du code du travail, la durée du préavis est d'un mois lorsque l'ancienneté du salarié est comprise entre six mois et moins de deux ans, et de deux mois lorsque son ancienneté est d'au moins deux ans ; qu'il résulte de l'article L. 1234-8 du code du travail que la période de suspension du contrat de travail pour maladie n'entre pas en compte dans la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier des dispositions des 2/ et 3/ de l'article L. 1234-1 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que le salarié avait été placé en arrêt maladie à partir du 24 août 2020, ce dont il résultait que l'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de ses droits à préavis était inférieure à deux années, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-8, L. 1234-1, et L. 1234-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-8 du code du travail :

11. Selon le premier de ces textes, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis d'un mois s'il justifie d'une ancienneté comprise entre six mois et deux ans, et à un préavis de deux mois s'il justifie d'une ancienneté d'au moins deux ans.

12. Il résulte du second que les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie n'entrent pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier des dispositions de l'article L. 1234-1.

13. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité de préavis de 6 422,04 euros et les congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié ayant une ancienneté d'au moins deux ans a droit à un préavis de deux mois.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié, engagé le 10 septembre 2018, avait été placé en arrêt maladie à partir du 24 août 2020 et licencié le 2 septembre 2021, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. La Cour dispose des éléments suffisants pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 3 211,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, laquelle correspond à un mois de salaire, et 321,10 euros au titre des congés payés afférents.

18. La cassation des chefs de dispositif portant sur l'indemnité de préavis n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Depra ventilation à payer à M. [I] les sommes de 6 422,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 642,20 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 20 mars 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONDAMNE la société Depra ventilation à payer à M. [I] les sommes suivantes :
- 3 211,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 321,10 euros au titre des congés payés afférents

Condamne la société Depra ventilation aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le onze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-14.412
Date de la décision : 11/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris K6


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 11 jui. 2025, pourvoi n°24-14.412


Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.14.412
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