La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2025 | FRANCE | N°24-12.042

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 11 juin 2025, 24-12.042


SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 juin 2025




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 656 F-D

Pourvoi n° K 24-12.042




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025

M. [I] [O], domicilié [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° K 24-12.042 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Sovitrat 10,...

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 juin 2025




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 656 F-D

Pourvoi n° K 24-12.042




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025

M. [I] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 24-12.042 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Sovitrat 10, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Segond, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Sovitrat 10, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Segond, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2023), M. [O] a été engagé en qualité de directeur d'agence par la société Sovitrat 10 le 6 septembre 2010. Son contrat de travail comportait une clause de forfait annuel en jours.

2. Le 1er mars 2019, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

3. Le 10 mai 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, de sa demande en requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes en paiement des indemnités de préavis et congés payés sur préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que "pour établir les heures supplémentaires demandées, monsieur [O] produit un décompte sur un tableau difficilement lisible indiquant le montant des heures réalisées le montant des heures normales globalisées par semaine, mais surtout pour chaque semaine un tableau indiquant ses heures d'arrivée et de départ, ses déplacements ainsi que des courriels qui permettraient de considérer exacte l'amplitude horaire de travail effectif qu'il indique", la cour d'appel l'a débouté de ses demandes aux motifs propres que " l'employeur reprend les évaluations horaires hebdomadaires pour les critiquer en particulier les courriels adressés hors de l'agence dans des horaires décalés que rien ne justifie. Ainsi que les calculs d'horaires réalisés lors de ces déplacements expliquant que les heures de vol ont été choisies par le salarié et qu'il n'est pas établi de son retour à agence à son arrivée. L'employeur produit également des attestations des salariés de l'agence expliquant que monsieur [O] n'était plus motivé depuis qu'il avait eu des problèmes personnels, que les salariés de l'agence étaient livrés à eux-mêmes et avaient une totale liberté ainsi que deux attestations de directrices d'agence décrivant leur totale autonomie. Enfin, s'agissant de la mise en place d'un système de contrôle des heures, s'agissant d'un salarié ayant un forfait jours, l'employeur n'y était pas tenu, seuls des entretiens annuels sur l'équilibre vie professionnelle / vie personnelle auraient dû être mis en place la cour relève qu'en tant que directeur d'agence, il appartenait à monsieur [O] d'organiser les plannings de salariés de l'agence, ce dont il s'est abstenu. En conséquence, la cour ne peut retenir comme probant le décompte d'heures supplémentaires produit par le salarié" et aux motifs adoptés que "la demande de rappels d'heures supplémentaires est récente, qu'elle n'a jamais fait l'objet de la part de M. [O] de demande particulière et qu'aucune heure supplémentaire n'a été validée par la société" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2 , alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt, après avoir relevé que les parties s'accordaient pour écarter le forfait en jours, retient que l'intéressé produit un tableau difficilement lisible indiquant le nombre d'heures réalisées et le nombre des heures normales globalisées par semaine, un autre tableau indiquant, pour chaque semaine, ses heures d'arrivée et de départ et ses déplacements, ainsi que des courriels qui permettraient de considérer exacte l'amplitude horaire de travail effectif qu'il indique.

9. Il ajoute que l'employeur objecte que les courriels ont été adressés hors de l'agence dans des horaires décalés que rien ne justifie, que les heures de vol ont été choisies par le salarié et que celui-ci n'établit pas son retour à l'agence à son arrivée. Il relève que l'employeur produit des attestations de salariés de l'agence expliquant que l'intéressé n'était plus motivé depuis qu'il avait eu des problèmes personnels, qu'ils étaient livrés à eux-mêmes et avaient une totale liberté ainsi que deux attestations de directrices d'agence décrivant leur totale autonomie.

10. Il précise que s'agissant d'un salarié en forfait en jours, l'employeur n'était pas tenu de mettre en place un système de contrôle des heures mais uniquement des entretiens annuels sur l'équilibre vie professionnelle / vie personnelle et ajoute qu'en sa qualité de directeur d'agence, il s'est abstenu d'organiser les plannings des salariés de l'agence alors que cette tâche lui incombait.

11. Il conclut que le décompte d'heures supplémentaires produit par le salarié ne peut être retenu comme probant.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de RTT et de dommages-intérêts pour inapplication de l'accord RTT, alors « que le salarié a droit à être indemnisé des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail qu'il n'a pas pris, dès lors que cette situation est imputable à l'employeur qui ne l'a pas informé de ses droits et ne l'a pas mis en mesure de les faire valoir ; que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, qu' "il résulte de l'article 7 du contrat à durée indéterminée que monsieur [O] avait l'obligation de se tenir à jour et de consulter régulièrement le site intranet de la société portant à sa connaissance des différentes évolutions de la réglementation applicable à son activité et qu'il pouvait demander à participer à toute formation complémentaire de la présente réglementation applicable, s'il le juge utile. Les comptes-rendus de réunions de l'agence produits établissent que monsieur [O] gérait les RTT de ses collaborateurs de sorte qu'il avait une parfaite connaissance de ce dispositif qu'il a choisi de ne pas s'appliquer" et, par motifs adoptés, que "M. [O] était en poste dans la société depuis septembre 2010, qu'il avait la pratique de l'intranet de l'entreprise, qu'il appliquait cet accord de RTT pour ses collaborateurs directs et qu'en conséquence il ne pouvait ignorer la teneur de cet accord. C'est donc en toute connaissance de cause qu'il ne prenait pas ces jours de RTT" ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le salarié avait été informé de son propre droit à bénéficier de jours de réduction du temps de travail et mis effectivement en mesure de les prendre, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil, ensemble les articles L. 3121-44, D. 3171-12 et D. 3171-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-1 du code civil, les articles L. 3122-6, L. 3122-19 à L. 3122-22 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et l'article 20, V, de cette loi :

14. Il résulte de ces textes qu'à défaut d'un accord collectif prévoyant une indemnisation, l'absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n'ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l'employeur.

15. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des RTT, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 7 de son contrat de travail que le salarié a l'obligation de se tenir à jour et de consulter régulièrement le site intranet de la société portant à sa connaissance les différentes évolutions de la réglementation applicable à son activité et qu'il peut demander à participer à toute formation complémentaire. Il relève ensuite que les comptes-rendus de réunions de l'agence produits établissent que l'intéressé gérait les RTT de ses collaborateurs. Il en conclut que le salarié avait une parfaite connaissance de ce dispositif qu'il a choisi de ne pas s'appliquer.

16. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, d'une part, il incombe à l'employeur d'informer ses salariés quant à leurs droits en matière de jours de repos et que, d'autre part, elle avait constaté que pendant l'exécution du contrat de travail le salarié avait été soumis à un forfait en jours et non à un « accord de 35h » qui ouvrait droit à des jours de réduction du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

17. Les cassations prononcées n'emportent pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Sovitrat 10 à verser à M. [O] les sommes de 402,95 euros au titre des journées de lancement février 2017, 2018 et 2019, 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour la mise en place d'une clause illicite et 133,96 euros au titre du rappel des redoits pour les mois d'août et décembre 2018, l'arrêt rendu le 13 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Sovitrat 10 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sovitrat 10 et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le onze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-12.042
Date de la décision : 11/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris K3


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 11 jui. 2025, pourvoi n°24-12.042


Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.12.042
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award