N° G 23-83.474 FS-B
N° 00689
SL2
11 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 JUIN 2025
Les sociétés [8], [2], [1] et [7], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 23 mai 2023, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de M. [D] [I] et de la société [5] notamment des chefs de contrefaçons.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés [2], [1] et [7], les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société [8], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D] [I] et de la société [5], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, M. Busché, Mme Carbonaro, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Une enquête a établi que la société [5] (la société), filiale du groupe espagnol [4] et dont le dirigeant est M. [D] [I], revendait des rétroviseurs fabriqués par ce groupe, lui-même équipementier de première monte des constructeurs français [8], [6] et [3].
3. A l'issue de l'information ouverte sur ces faits, la société et M. [I] ont été renvoyés de divers chefs devant le tribunal correctionnel qui les a déclarés coupables notamment de détention de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, importation et vente ou mise en vente de telles marchandises, détention de marchandises contrefaisantes (dessin ou modèle) sans document justificatif régulier constitutive d'un fait réputé importation en contrebande, importation sans déclaration en douane applicable à une marchandise prohibée.
4. Le premier juge a également prononcé sur les intérêts civils en allouant diverses sommes aux sociétés [8], [2], [1] et [7], constituées parties civiles.
5. Les deux prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour la société [8] et le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] et le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses quatre premières branches, proposés pour la société [8]
Enoncé des moyens
7. Le moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de dessins et modèles, alors :
« 1°/ que le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s'appliquer lorsque les poursuites ont été engagées à raison d'un comportement qui reste incriminé et que les sanctions encourues n'ont pas été modifiées dans un sens moins sévère ; que pour infirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de contrefaçons de dessins et modèles, pour avoir porté atteinte au droit des sociétés [2], [1] et [7], sciemment, sans leur consentement, par la détention, l'offre à la vente, la mise sur le marché et l'importation de rétroviseurs incorporant le dessin ou le modèle protégé, en violation des droits conférés par l'enregistrement du modèle, la cour d'appel affirme qu'il « est exact que la loi du 22 août 2021 n'a modifié ni les peines encourues, ni la définition de la protection des dessins et modèles, mais elle a en revanche créé un régime exonératoire de responsabilité pénale, dont peut se prévaloir l'équipementier d'origine. [Que] cette modification, qui diminue le champ d'incrimination, est une loi pénale plus douce, puisque favorable au prévenu » ; qu'en prononçant ainsi quand ces dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle et précisant les objets susceptibles de bénéficier de cette protection n'étaient pas de nature pénale et ne pouvaient s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur dès lors que la définition du délit de contrefaçon par les articles L. 513-4 et L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle, comme les sanctions pénales prévues par l'article L. 521-10 du même code, demeuraient en vigueur et n'avaient pas été modifiées, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1 alinéa 3 du code pénal, L. 513-4, L. 521-1 et L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection des dessins et modéles n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits légalement conférés par l'enregistrement de dessins et modèles antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les titres de propriété intellectuelle dont disposaient les sociétés parties civiles sur les rétroviseurs litigieux s'agissant des dessins et modèles, étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de fabrication et commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'il est constant que la protection juridique des droits de propriété intellectuelle ne peut être annulée que par une décision de justice ; qu'en l'absence de toute annulation des droits de propriété intellectuelle dont disposaient les sociétés [2], [1] et [7] sur les rétroviseurs litigieux par une décision de justice, l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023, ne pouvait disposer que pour l'avenir sans pouvoir remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, sauf à porter une atteinte injustifiée au droit de propriété des titulaires des droits ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement le titulaire d'un titre de son droit de propriété, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, et méconnu les articles 112-1 du code pénal, Ier du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que, subsidiairement, même à supposer que les dispositions de l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, puissent être considérées comme rétroactivement applicables aux faits de la présente espèce, ces dispositions limitent expressément les droits conférés par l'enregistrement d"un dessin ou modèle aux seuls « actes visant à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du code de la route, et qui », à l'exception des pièces relatives au vitrage, « sont réalisés par l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine » ; que pour faire néanmoins bénéficier de ces dispositions les prévenus dont il n'était pas contesté qu'ils n'étaient pas un équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine, mais un simple distributeur, la cour d'appel affirme, après avoir rappelé que « le législateur a souhaité mettre fin à la protection des pièces contribuant à l'apparence d'un véhicule pour favoriser le consommateur », que « les participants à la chaîne commerciale entre l'équipementier et le consommateur ne peuvent donc être poursuivis » ; qu'en prononçant ainsi par une interprétation extensive et contraire au texte des dispositions litigieuses que rien ne justifiait, s'agissant d'une exception aux droits, se devant au contraire d'être interprétée de maniére restrictive, au regard de surcroît des appréhensions ayant entouré les différents projets législatifs allant dans le sens d'une libéralisation, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 5l3-6 du code de la propriété intellectuelle et privé sa décision de toute base légale. »
8. Le premier moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes au titre de son action civile exercée contre la société [5] et M. [I], alors « qu'il résulte de l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle que seul l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine peut bénéficier de l'exception aux droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou d'un modèle prévue par ce texte ; qu'en retenant, pour écarter toute faute de la société [5] et de M. [I] et, partant, rejeter les demandes au titre de l'action civile, qu'en application de l'article L. 513-6, 4°, b), du code de la propriété intellectuelle, « les participants à la chaîne commerciale entre l'équipementier et le consommateur ne peuvent [
] être poursuivis » (cf. arrêt, p. 14, in medio), la chambre des appels correctionnelle a méconnu le texte précité. »
9. Le troisième moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes au titre de son action civile exercée contre la société [5] et M. [I], alors :
« 1°/ que le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s'appliquer lorsque les poursuites ont été engagées à raison d'un comportement qui reste incriminé et que les sanctions encourues n'ont pas été modifiées dans un sens moins sévère ; que pour écarter la contrefaçon de dessins et modèles, la cour d'appel a retenu qu'il « est exact que la loi du 22 août 2021 n'a modifié ni les peines encourues, ni la définition de la protection des dessins et modèles, mais elle a en revanche créé un régime exonératoire de responsabilité pénale, dont peut se prévaloir l'équipementier d'origine. [Que] cette modification, qui diminue le champ d'incrimination, est une loi pénale plus douce, puisque favorable au prévenu » ; qu'en prononçant ainsi, quand ces dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle et précisant les objets susceptibles de bénéficier de cette protection n'étaient pas de nature pénale et ne pouvaient s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur dès lors que la définition du délit de contrefaçon par les articles L. 513-4 et L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle, comme les sanctions pénales prévues par l'article L. 521-10 du même code, demeuraient en vigueur et n'avaient pas été modifiées, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1 alinéa 3 du code pénal, L. 513-4, L. 521-1 et L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle limitant la protection des dessins et modèles n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits légalement conférés par l'enregistrement de dessins et modèles antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les droits de propriété intellectuelle dont disposait la société [8], partie civile, sur les rétroviseurs litigieux s'agissant des dessins et modèles, étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de fabrication et commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'en l'absence de toute annulation des droits de propriété intellectuelle dont disposait la société [8] sur les rétroviseurs litigieux par une décision de justice, l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023, ne pouvait disposer que pour l'avenir sans pouvoir remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, sauf à porter une atteinte injustifiée au droit de propriété des titulaires des droits ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement le titulaire d'un titre de son droit de propriété, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, et méconnu les articles 112-1 du code pénal, 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ subsidiairement, qu'il résulte de l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle que seul l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine peut bénéficier de l'exception aux droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou d'un modèle prévue par ce texte ; qu'en retenant, pour écarter toute faute de la société [5] et de M. [I] et, partant, rejeter les demandes au titre de l'action civile, qu'en application de l'article L. 513-6, 4°, b), du code de la propriété intellectuelle, « les participants à la chaîne commerciale entre l'équipementier et le consommateur ne peuvent [
] être poursuivis » (cf. arrêt, p. 14, in medio), la cour d'appel a méconnu le texte précité. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. Pour relaxer les prévenus du chef de contrefaçon par atteinte aux droits des dessins ou modèles, l'arrêt attaqué énonce que les incriminations et pénalités régissant la protection de ces droits sont prévues par les dispositions du chapitre I du titre II du livre V du code de la propriété intellectuelle et que la loi modifiant les textes définissant la répression de la violation de ces droits est une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de changer les éléments constitutifs de cette infraction.
12. Les juges rappellent que la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a modifié l'article L. 513-6 de ce code en précisant, au 4°, que les droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou modèle ne s'exercent pas à l'égard d'actes qui visent à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur et qui sont réalisés par l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine.
13. Pour appliquer immédiatement aux prévenus ces dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2023, postérieurement aux faits, ils retiennent qu'elles n'ont modifié ni les peines encourues ni la définition de la protection des dessins et modèles, mais qu'elles ont créé un régime exonératoire de responsabilité pénale dont peut se prévaloir l'équipementier d'origine et s'analysent en une loi pénale plus douce.
14. Ils précisent que l'exonération de responsabilité pénale de l'équipementier d'origine concerne les pièces qu'il fabrique et qu'il peut de ce fait librement céder, que les participants à la chaîne commerciale entre ce dernier et le consommateur ne peuvent donc être poursuivis et qu'une lecture contraire de la loi la rendrait inutile si l'équipementier ne pouvait pas céder les pièces qu'il produit licitement.
15. Ils relèvent enfin que l'application immédiate de ces dispositions n'est pas contraire au droit de propriété.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
17. En premier lieu, les dispositions législatives modifiant l'article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle ont redéfini, dans un sens favorable aux prévenus, le champ de l'incrimination pénale tendant à la protection des droits en matière de dessins et modèles.
18. En deuxième lieu, ces dispositions portent auxdits droits une atteinte proportionnée au but légitime poursuivi, les travaux parlementaires établissant qu'elles ont pour objet de favoriser, par l'ouverture à la concurrence du marché des pièces détachées visibles, l'entretien et la réparation des véhicules automobiles afin d'éviter que, en raison du coût excessif par rapport à leur amortissement, des véhicules qui pourraient continuer à rouler ne soient mis au rebut.
19. En troisième et dernier lieu, en interprétant ces dispositions comme étant applicables non seulement à l'équipementier d'origine, mais aussi à la chaîne commerciale existant entre lui et le consommateur, la cour d'appel leur a conféré leur exacte portée sans méconnaître le principe d'interprétation stricte de la loi pénale.
20. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
Sur le deuxième moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] et le quatrième moyen proposé pour la société [8]
Enoncé des moyens
21. Le moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de droits d'auteur, alors :
« 1°/ que les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur, introduite à son article L. 122-5 12°, s'agissant de « la reproduction, l'utilisation et la commercialisation des pièces destinées à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du code de la route » ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, dès lors qu'elles ne sont pas de nature pénale et que le texte législatif support légal de l'incrimination demeure en vigueur ; que pour infirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de contrefaçons de droits d'auteur, pour avoir importé des oeuvres contrefaisantes au mépris des lois et réglements relatifs a la propriété de leur auteur, les sociétés [2], [1] et [7], la cour d'appel affirme « que les textes d'incrimination et de pénalité régissant la protection des droits d'auteur sont régis par les dispositions du livre I de la première partie du code de la propriété intellectuelle, qu'il en résulte que la modification de la protection de la propriété des droits d'auteur est une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de modifier les éléments constitutifs d'une infraction » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'exception au droit d'auteur introduite à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle n'est pas un texte de nature pénale et que la définition comme les sanctions du délit de contrefaçon de droits d'auteur par les articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle n'ont pas été modifiées et demeurent en vigueur, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1 alinéa 3 du code pénal, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur à son article L. 122-5 12° n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits d'auteur régulièrement protégés antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les titres de propriété intellectuelle dont disposaient les sociétés parties civiles sur les rétroviseurs litigieux s"agissant des droits d'auteur, étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d"appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'il n'est pas contesté que les sociétés [2], [1] et [7] bénéficiaient de la protection des droits d'auteur sur les rétroviseurs litigieux antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023 ; que cette loi ne pouvait disposer que pour l'avenir sauf à remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, en violation du droit au respect des biens ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n 'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement les sociétés parties civiles des droits de propriété intellectuelle dont elles disposaient sur les rétroviseurs litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des articles 112-1 du code pénal, 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
22. Le moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de droits d'auteur, alors :
« 1°/ que les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur, introduite à son article L. 122-5 12°, s'agissant de « la reproduction, l'utilisation et la commercialisation des pièces destinées à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du code de la route » ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, dès lors qu'elles ne sont pas de nature pénale et que le texte législatif support légal de l'incrimination demeure en vigueur ; que pour écarter la contrefaçon de droits d'auteur, la cour d'appel a relevé « que les textes d'incrimination et de pénalité régissant la protection des droits d'auteur sont régis par les dispositions du livre I de la première partie du code de la propriété intellectuelle, qu'il en résulte que la modification de la protection de la propriété des droits d'auteur est une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de modifier les éléments constitutifs d'une infraction » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'exception au droit d'auteur introduite à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle n'est pas un texte de nature pénale et que la définition comme les sanctions du délit de contrefaçon de droits d'auteur par les articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle n'ont pas été modifiées et demeurent en vigueur, la cour d'appel a méconnu les articles 112-1 alinéa 3 du code pénal, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que en vertu des propres énonciations de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, les dispositions nouvelles du code de la propriété intellectuelle instaurant une nouvelle exception au droit d'auteur, introduite à son article L. 122-5 12° n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2023 ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent s'appliquer que pour l'avenir sans pouvoir effacer rétroactivement les atteintes portées aux droits d'auteur régulièrement protégés antérieurement au 1er janvier 2023 ; qu'en décidant néanmoins de l'application rétroactive de ces dispositions, cependant que les droits d'auteur dont disposait la société [8] sur les rétroviseurs litigieux étaient opposables à la société [5] et à M. [I] à l'époque des faits, sans pouvoir être remis en cause par les dispositions nouvelles applicables aux seuls faits de commercialisation postérieurs au 1er janvier 2023, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 32 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 et privé sa décision de toute base légale au regard des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute personne a droit à la propriété et nul ne peut être privé arbitrairement de propriété ; qu'il n'est pas contesté que la société [8] bénéficiait de la protection des droits d'auteur sur les rétroviseurs litigieux antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, dont il est expressément précisé qu'elle ne pouvait intervenir qu'à compter du 1er janvier 2023 ; que cette loi ne pouvait disposer que pour l'avenir sauf à remettre en cause rétroactivement des droits dont la validité n'était nullement contestée, en violation du droit au respect des biens ; que pour appliquer néanmoins rétroactivement la loi du 22 août 2021, la cour d'appel se borne à affirmer que « cette rétroactivité n'éta[i]t pas contraire à la protection du droit de propriété » ; qu'en prononçant ainsi, quand l'application rétroactive de la loi en cause revenait à priver arbitrairement la société [8] des droits de propriété intellectuelle dont elle disposait sur les rétroviseurs litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision en violation des articles 112-1 du code pénal, 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
23. Les moyens sont réunis.
24. Pour relaxer les prévenus du chef de contrefaçon par atteinte aux droits d'auteur, l'arrêt attaqué énonce que les textes d'incrimination et de pénalité régissent la protection de ces droits tels que prévus par les dispositions du livre I de la première partie du code de la propriété intellectuelle et qu'il en résulte que la modification de la protection de leur propriété constitue une loi pénale lorsqu'elle a pour conséquence de modifier les éléments constitutifs de cette infraction.
25. Les juges constatent que l'article L. 122-5, 12°, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 22 août 2021, prévoit que l'auteur ne peut interdire la reproduction, l'utilisation et la commercialisation des pièces destinées à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur.
26. Ils retiennent que cette modification, qui diminue le champ d'incrimination, est une loi pénale plus douce et qu'elle s'applique immédiatement selon le principe rappelé par l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal.
27. Ils précisent que cette rétroactivité n'est pas contraire à la protection du droit de propriété et que les pièces litigieuses, constituées de rétroviseurs, qui s'intègrent à l'esthétique et participent à l'apparence d'un véhicule terrestre à moteur, entrent dans le champ d'application des dispositions nouvelles.
28. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
29. En premier lieu, les dispositions législatives modifiant l'article L. 122-5, 12°, du code de la propriété intellectuelle ont redéfini, dans un sens favorable aux prévenus, le champ de l'incrimination pénale tendant à la protection des droits d'auteur.
30. En second lieu, il convient de se référer aux motifs figurant au paragraphe 18.
31. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
Sur les deuxième et cinquième moyens proposés pour la société [8] et le troisième moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
Enoncé des moyens
32. Le deuxième moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt infirmatif attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes au titre de son action civile exercée contre la société [5] et M. [I], alors :
« 1°/ que pour écarter la contrefaçon de marques, la cour d'appel a retenu que « les rétroviseurs litigieux n'étant pas soumis à la protection au titre des dessins et modèles ni à celle des droits d'auteur, ils ont la qualité de pièce libre de droit » et qu'il en résultait que l'utilisation des noms des modèles de voitures était conforme aux dispositions de l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle (arrêt, p. 17) ; que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entraînera donc, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [8] au titre de son action civile pour contrefaçon de marques ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, est constitutif du délit de contrefaçon de marques le fait de détenir sans motif légitime, d'importer, d'exporter, d'offrir à la vente ou de vendre des marchandises sous une marque contrefaisante, notamment par suppression de la marque ; qu'en l'espèce, tout en relevant qu'il était « exact que les rétroviseurs portaient les références des marques [6] ou [8] ou un logo distinctif, références qui ont été supprimées par grattage », la cour d'appel a simplement retenu, pour écarter la contrefaçon de marque, que ce délit aurait été commis par le fabricant espagnol, non poursuivi et ayant fait l'objet d'une relaxe (arrêt, p. 17) ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, cependant qu'indépendamment du point de savoir qui était l'auteur des actes de suppression, le simple fait de détenir sans motif légitime, d'importer, d'exporter, d'offrir à la vente ou de vendre les rétroviseurs litigieux, sur lesquels les références des marques de la société [8] avaient été supprimées, caractérisait une contrefaçon de marques, la cour d'appel a violé l'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle. »
33. Le cinquième moyen proposé pour la société [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de poursuite du chef de contrefaçon de marques, alors « que la cassation à intervenir sur les troisième et/ou quatrième moyen entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [8] au titre de son action civile pour contrefaçon de marques. »
34. Le troisième moyen proposé pour les sociétés [2], [1] et [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes après avoir renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de marques, alors :
« 1°/ que la cassation à intervenir sur l'un comme l'autre des deux premiers moyens privera nécessairement de fondement les dispositions de l'arrêt ayant débouté les parties civiles de leurs demandes ensuite de la relaxe prononcée du chef de contrefaçon de marques ; qu'en effet la cassation des dispositions de l'arrêt ayant conclu à la relaxe tant s'agissant des faits de contrefaçon de dessins et modèles que de contrefaçon de droit d'auteur, dont il résultera que les rétroviseurs litigieux n'étaient pas des pièces libres de droit ne pourra qu'entraîner la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à la contrefaçon de marque, dont la relaxe a été justifiée par la cour d'appel, aux motifs que, « contrairement aux arguments de la défense, les rétroviseurs litigieux n'étant pas soumis à la protection au titre des dessins et modèles ni à celle des droits d'auteur, ils ont la qualité de pièce libre de droit ;
2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte en l'espèce des propres constatations de l'arrêt attaqué « qu'il est exact que les rétroviseurs portaient les références des marques [6] ou [8] ou un logo distinctif références qui ont été supprimées par grattage, ce délit commis par le fabricant espagnol, non poursuivi, ayant fait l'objet d'une relaxe » ; que le monopole conféré aux sociétés [2], [1] et [7] par le droit de marques qu'elles détiennent les autorisait à s'opposer à toute commercialisation en France de pièces sur lesquelles les marques [6] ou [3] avaient été supprimées ; qu'en justifiant la relaxe des prévenus du chef de contrefaçon de marque de leur seule relaxe du chef de suppression de marque dont la commission était imputée au seul fabricant espagnol, quand la simple détention, offre en vente ou vente de telles pièces était constitutive du délit de contrefaçon, indépendamment des actes délictueux commis par le fabricant lui-même, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
35. Les moyens sont réunis.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le cinquième moyen proposés pour la société [8], et le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
36. Les griefs sont devenus inopérants, par suite du rejet des premier, troisième et quatrième moyens proposés pour la société [8] et des premier et deuxième moyens proposés pour les sociétés [2], [1] et [7].
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour la société [8], et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour les sociétés [2], [1] et [7]
37. Pour relaxer les prévenus du chef de contrefaçon de marques, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant de la suppression de la référence des marques ou logos sur les rétroviseurs [6] ou [8], qu'elle a été effectuée par le fabricant espagnol qui n'a pas été poursuivi, de sorte que les prévenus, poursuivis du chef de suppression des marques en violation des droits conférés par leur enregistrement, ont été relaxés et que cette décision est définitive par suite de la limitation de l'appel du parquet.
38. En l'état de ces énonciations, et dès lors que l'article L. 706-10, b), du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2007 au 16 mars 2011 applicable aux faits, n'incrimine ni la détention, ni l'offre à la vente, ni la vente de marchandises sur lesquelles les marques ont été supprimées, mais seulement la vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués.
39. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
40. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2500 euros la somme globale que les sociétés [2], [1] et [7] devront payer à M. [I] et à la société [5] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2500 euros la somme globale que la société [8] devra payer à M. [I] et à la société [5] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille vingt-cinq.