SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 625 F-D
Pourvoi n° Y 23-16.604
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
L'association Fédération française de handball, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-16.604 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à M. [K] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Fédération française de handball, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 avril 2023), M. [M], fonctionnaire du ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a conclu le 29 août 2013 un contrat de travail à durée déterminée d'une durée de deux ans avec le ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, prévoyant qu'il serait placé en position de détachement afin d'assurer la mission d'entraîneur national auprès de la Fédération française de handball (la fédération).
2. Selon un avenant du 23 avril 2015, ce contrat a été renouvelé pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016. Un second avenant du 8 juin 2016 a prévu que la mission confiée à M. [M] ne ferait pas l'objet d'un renouvellement le 1er septembre 2016.
3. Soutenant être lié à la fédération par un contrat de travail et avoir fait l'objet d'un licenciement abusif, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale.
4. Le pourvoi formé contre l'arrêt du 16 octobre 2018 de la cour d'appel de Nîmes déclarant la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et que l'intéressé était lié à la fédération par un contrat de travail a fait l'objet d'un arrêt de rejet (Soc., 21 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.958).
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
6. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. [M] une certaine somme au titre de l'indemnité de licenciement , alors « qu'il résulte de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant statut général des fonctionnaires d'État que le fonctionnaire, à l'issue de son détachement, ne peut prétendre ni à l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, ni à toute indemnité de licenciement ou de fin de carrière prévue par toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que ''eu égard à la reconnaissance d'un contrat de travail et de droit privé liant les parties, M. [M] est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement'' et a condamné la Fédération à verser à M. [M] la somme de 5 800 euros à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, devenu l'article L. 512-9 du code général de la fonction publique :
7. Selon ce texte, le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, à l'exception des dispositions des articles L. 1243-6, L. 1243-1, L. 1243-2, L. 1243-3, L. 1243-4 et L. 1234-9 du code du travail ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière.
8. Pour condamner la fédération à verser à l'intéressé une indemnité de licenciement, l'arrêt retient qu'un contrat de travail de droit privé lie les parties.
9. En statuant ainsi, alors que le statut de fonctionnaire d'Etat interdit le versement au fonctionnaire détaché de toute indemnité de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
10. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. [M] certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « que le juge ne doit pas modifier l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, en retenant, pour condamner la Fédération française de handball à verser à M. [M] les sommes de 29 002,17 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 2 900,22 euros bruts pour les congés payés afférents, que ''lesdites sommes n'éta(ie)nt pas contestées par la FFHB dans ses écritures'', tandis qu'aux termes de ses écritures d'appel, la Fédération française de handball avait fait valoir que ''L'indemnité compensatrice de préavis ne saurait excéder la rémunération que M. [M] aurait perçu s'il avait eu à exécuter un tel préavis, soit 2 879,73 euros brut mensuel. Sur la base d'un préavis de 3 mois sollicité par M. [M], l'indemnité compensatrice de préavis ne saurait ainsi excéder 3 x 2 879,73 = 8 639,19 euros brut (ICP 10 % en sus)'', la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
12. Pour condamner la fédération à verser la somme de 29 002,17 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 2 900,22 euros brut au titre des congés payés afférents, l'arrêt retient que les sommes demandées ne sont pas contestées par la fédération.
13. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la fédération soutenait que l'indemnité compensatrice ne pouvait excéder la rémunération que l'intéressé aurait perçue s'il avait exécuté le préavis, soit une somme de 8 639,19 euros brut pour un préavis de trois mois, ce dont il résultait qu'elle contestait les sommes demandées, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
16. En application de l'article 45 de la loi n° 84-46 du 11 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, il convient de débouter M. [M] de sa demande en condamnation de la fédération à lui payer l'indemnité légale de licenciement.
17. La cassation des chefs de dispositif qui condamnent la fédération à verser à M. [M] une certaine somme au titre de l'indemnité de licenciement et certaines sommes au titre de l'indemnité compensatrice et des congés payés afférents n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la fédération aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Fédération française de handball à verser à M. [M] les sommes de 5 800 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 29 002,17 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 2 900,22 euros brut au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la condamnation de la Fédération française de handball au titre de l'indemnité de licenciement ;
Déboute M. [M] de sa demande en condamnation de la Fédération française de handball à lui verser l'indemnité de licenciement ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le onze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.