CIV. 2
CH10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 5 juin 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 552 F-B
Pourvoi n° W 23-13.543
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
La société [2], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 23-13.543 contre l'arrêt rendu le 3 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 février 2023), à la suite d'un contrôle portant sur la période allant du 13 septembre 2013 au 31 décembre 2015, l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié à la société [2] (la société) une lettre d'observations du 25 juin 2016 comportant divers chefs de redressement.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que les pourboires-libéralité, versés par le client en plus du coût du service déjà inclus dans la facturation, ne sont pas pris en compte pour déterminer la base de calcul des cotisations ; qu'elle faisait valoir que les pourboires en cause avaient le caractère d'une libéralité, accordés librement par le client, et n'avaient pas la même nature juridique que les pourboires dus, lesquels étaient inclus au titre du service dans la facturation du prix de la prestation ; qu'elle soulignait que, selon la doctrine de l'Urssaf elle-même, ces pourboires-libéralité n'étaient pas pris en compte pour déterminer la base de calcul des cotisations et qu'elle avait offert une simple commodité aux clients souhaitant payer ces pourboires par carte bancaire en mettant en place un compte d'attente avec reversement aux salariés concernés, tandis que d'autres clients les versaient directement en espèces ; que, pour la débouter, l'arrêt a retenu qu'il ne pouvait être considéré que l'assujettissement à cotisations et contributions des pourboires, lesquels constituaient, en application des dispositions des articles L. 3244-1 et L. 3244-2 du code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existait cette pratique, un complément de salaire, caractérisait une atteinte au droit de propriété de l'employeur relatif à la libre fixation du salaire, puisque le cotisant était libre d'en accepter ou pas la remise pour ensuite les reverser à son personnel et, enfin, que l'exposante reconnaissait que les sommes ayant transité sur un compte spécialement dédié avaient été versées par des clients et correspondaient aux montants des pourboires qu'ils avaient fait le choix de consentir et qu'elle avait ensuite reversés aux salariés ; qu'en statuant ainsi quand les pourboires-libéralité constitutifs d'un « surpourboire » ne sont pas un complément du salaire et sont dès lors exclus de l'assiette de cotisations, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 3244-1 et L. 3244-2 du code du travail ;
2°/ qu'en outre, tout jugement doit être motivé ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de l'exposante objectant que les pourboires en litige constituaient une libéralité d'une nature juridique différente des pourboires versés au salarié à titre de rémunération principale ou de complément du salaire fixe, tandis que le service était déjà inclus dans la facturation qu'elle pratiquait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'enfin, elle n'a à aucun moment dénoncé une atteinte à son droit de propriété relatif à la libre fixation du salaire ; qu'elle a uniquement fait valoir que la détermination de la masse salariale constituait une prérogative qui relevait du pouvoir de direction et de gestion de l'entreprise, puis a soutenu que le redressement opéré affectait indûment la rentabilité des services concernés ainsi que le résultat d'exploitation de l'hôtel ; qu'en affirmant qu'il ne pouvait être considéré que l'assujettissement à cotisations et contributions des pourboires, qui constituaient dans les établissements commerciaux où cette pratique existait un complément de salaire, caractérisait une atteinte au droit de propriété de l'employeur relatif à la libre fixation du salaire, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.
5. Selon l'article L. 3244-1 du code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.
6. Il en résulte que les sommes volontairement remises à titre de pourboires par les clients à destination du personnel en contact avec la clientèle sont soumises à cotisations sociales dès lors qu'elles sont remises à l'employeur pour qu'il les reverse au personnel.
7. L'arrêt relève que lorsqu'un client de la société, ne disposant pas d'espèces, veut régler un pourboire, la facture de la prestation y donnant lieu est, à sa demande, majorée du montant qu'il fixe, lequel est soit porté sur le compte de sa chambre, soit réglé immédiatement par carte bancaire. Il constate que les pourboires ainsi laissés par les clients sont collectés et enregistrés sur un compte d'attente de transit, avant d'être reversés aux salariés pour la part de pourboires leur revenant. Il ajoute que ces sommes n'ont pas été soumises à cotisations et contributions sociales. Il en déduit que ces sommes, qui ont été remises à la société par des tiers, à l'occasion du travail de ses salariés, et qu'elle leur a reversées en sa qualité d'employeur, en organisant leur répartition par les responsables de service, devaient être assujetties à cotisations par la société.
8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches visées par la deuxième branche du moyen que ses constatations rendaient inopérantes, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, exactement retenu que le redressement portant sur la réintégration des pourboires dans l'assiette des cotisations était justifié.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [2] et la condamne à payer à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.