N° Y 24-82.411 FS-B
N° 00672
SB4
4 JUIN 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JUIN 2025
M. [T] [YG] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 11 mars 2024, qui, pour vols aggravés et complicité, recel, certains faits commis en récidive, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [T] [YG], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, MM. de Larosière de Champfeu, Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Mme Leprieur, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [T] [YG] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés.
3. Cette juridiction, après avoir rejeté l'exception de nullité présentée et procédé à une requalification, a déclaré M. [YG] coupable, l'a condamné à sept ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, et a prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [YG], le ministère public et quatre parties civiles ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième, sixième et huitième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur les premier et septième moyens
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception tirée de la nullité de l'ordonnance de renvoi de M. [YG] devant le tribunal correctionnel, a rejeté sa demande de jonction, l'a déclaré coupable de complicité de vol par effraction dans un local d'habitation et avec violence au préjudice de [P] [NO] et [Z] [X], épouse [Y], de recel de vols avec effraction dans des locaux d'habitation commis au préjudice de [D] [C] et d'autres victimes, de complicité de vol par effraction dans un local d'habitation en récidive commis au préjudice de [D] [C], de complicité de vol par effraction dans un local d'habitation en récidive commis au préjudice de [ZO] [I], de vol avec violence ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours au préjudice de [N] [R] et [G] [E], de complicité de vol avec effraction dans des locaux d'habitation en récidive commis au préjudice de [W] [V], [B] [M] et [PU] [MS] et de complicité de vol avec violence en récidive n'ayant pas entrainé d'incapacité totale de travail au préjudice de [J] [K], l'a condamné à une peine de dix ans d'emprisonnement, a ordonné son maintien en détention, a prononcé à son encontre l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de cinq ans et de s'être prononcé sur les intérêts civils, alors « que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant ; que seuls le ministère public et les parties en cause ont la parole devant ladite cour ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que madame [G] [E] n'était pas partie devant le tribunal correctionnel et n'a pas interjeté appel du jugement rendu par cette juridiction ; que, néanmoins, devant la cour d'appel, madame [G] [E], qui était comparante, a été assistée par un avocat qui a déposé des conclusions et a été entendu en sa plaidoirie ; qu'en procédant ainsi, lorsque la victime qui n'était pas partie en première instance et qui n'avait pas interjeté appel, ne pouvait comparaître à l'audience ou s'y faire représenter et ne peut être entendue qu'en qualité de témoin, la cour d'appel a violé les articles 509 et 513 du code de procédure pénale. »
7. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de [G] [E], l'a déclaré entièrement responsable du dommage subi par cette dernière, l'a condamné solidairement, avec [O] [A], à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et l'a condamné à lui verser la somme de 750 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors « que la règle du double degré de juridiction fait obstacle à ce que la partie civile, quelle que soit la raison pour laquelle elle n'a pas été partie au jugement de première instance, intervienne pour la première fois en cause d'appel ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de madame [G] [E], intervenue pour la première fois en cause d'appel, au motif inopérant que n'ayant pas été citée devant le tribunal correctionnel elle n'a pas été en mesure de faire valoir ses demandes, la cour d'appel a violé les articles 418, 419, 420-1 et 515 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 509, 513, et 515 du code de procédure pénale :
9. Selon le premier de ces textes, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant.
10. Selon le deuxième, seules les parties en cause ont la parole devant la cour d'appel.
11. Selon le troisième, la cour d'appel ne peut aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel.
12. Il se déduit de ces textes que la règle d'ordre public du double degré de juridiction fait obstacle à ce que la partie civile, quelle que soit la raison pour laquelle elle n'a pas été partie au jugement de première instance, intervienne pour la première fois en cause d'appel.
13. Il s'ensuit que l'exception d'irrecevabilité d'une constitution de partie civile fondée sur la méconnaissance de cette règle d'ordre public constitue un moyen de pur droit qui peut être soulevé en tout état de la procédure, et pour la première fois devant la Cour de cassation.
14. Pour recevoir la constitution de partie civile de Mme [E], qui, assistée de son avocat, lequel a déposé des conclusions, a été entendue par la cour d'appel, l'arrêt attaqué énonce que l'intéressée n'a pas été citée devant le tribunal correctionnel et n'a pas été en mesure de faire valoir ses demandes devant cette juridiction.
15. En entendant Mme [E] et son avocat en leurs observations, en déclarant recevable sa constitution de partie civile et en lui allouant des dommages et intérêts, alors qu'elle n'était pas partie devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
16. La cassation est en conséquence encourue.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [YG] coupable de complicité de vol par effraction dans un local d'habitation en récidive commis au préjudice de [ZO] [I], alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs ; qu'après avoir, dans ses motifs, indiqué qu'elle relaxait monsieur [YG] du chef de complicité de vol par effraction dans un local d'habitation en récidive commis au préjudice de [ZO] [I], l'arrêt, dans son dispositif, confirme le jugement ayant retenu la culpabilité de monsieur [YG] de ce chef ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif de sa décision, en méconnaissance de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
18. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
19. L'arrêt attaqué énonce dans ses motifs que M. [YG] doit être, par infirmation du jugement, relaxé des délits d'association de malfaiteurs, de détention d'armes et de recel de vols commis au préjudice de MM. [U] [L], [H] [S] et [F] [KM], et du chef de récidive de complicité de vol par effraction au préjudice de Mme [I]. Dans son dispositif, l'arrêt énonce que M. [YG] doit être relaxé des délits d'association de malfaiteurs, de détention d'armes et de recel de vols commis au préjudice de MM. [L], [S] et [KM], le jugement étant confirmé pour le surplus.
20. En mentionnant au dispositif que le jugement était confirmé pour le surplus, alors que les motifs de l'arrêt énonçaient que M. [YG] était également relaxé des faits commis au préjudice de Mme [I], la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision.
21. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.
Et sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [YG] coupable de complicité de vol aggravé au préjudice de [PU] [MS], alors « que l'intervention du complice doit être antérieure ou concomitante à la réalisation de l'infraction, sauf si cette intervention résulte d'un accord antérieur ; qu'en se bornant à retenir, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu du chef de complicité de vol au préjudice de madame [MS], que le soir après les faits, [O] [A] a envoyé à [T] [YG] une copie d'écran du calcul suivant « 62 X 23 » suivi du message « aujourd'hui pas mal », sans caractériser le moindre fait de complicité antérieur ou concomitant aux faits de vol ou postérieur à ceux ci mais résultant d'un accord antérieur, la cour d'appel a violé les articles 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
23. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
24. Pour déclarer M. [YG] coupable de complicité de vol aggravé de bijoux de [PU] [MS], commis le 26 novembre 2019 entre 14 heures 10 et 17 heures 15, l'arrêt attaqué énonce que le 26 novembre à 23 heures 36, M. [YG] a reçu de M. [A], qui a reconnu être l'auteur principal du vol, mais qui n'a pas donné l'identité d'éventuels complices, des messages intitulés « 62x23 » et « aujourd'hui pas mal », que M. [YG] a reconnu que ces messages étaient en rapport avec le cours de l'or, et que le coffret à bijoux volé a été retrouvé au domicile de M. [YG].
25. En l'état de ces motifs qui ne caractérisent pas, à la charge de M. [YG], la commission d'un acte positif de complicité antérieur aux faits de vol ou postérieur à ceux-ci mais résultant d'un accord antérieur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
26. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.
Portée et conséquence de la cassation
27. La cassation à intervenir sera limitée aux dispositions pénales et civiles de l'arrêt concernant les faits reprochés à M. [YG] au préjudice de Mme [E] et M. [R], de Mme [I] et de [PU] [MS], ainsi qu'aux peines prononcées à l'encontre de M. [YG], toutes autres dispositions de l'arrêt demeurant expressément maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 mars 2024, en ses seules dispositions pénales et civiles, concernant les faits reprochés à M. [YG] au préjudice de Mme [E] et M. [R], de Mme [I] et de [PU] [MS], ainsi qu'aux peines prononcées à l'encontre de M. [YG],
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt-cinq.