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04/06/2025 | FRANCE | N°23-21.051

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 04 juin 2025, 23-21.051


SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 615 F-D

Pourvoi n° H 23-21.051




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025

1°/ Le comité social économique de la société

Thales services numériques, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ le syndicat CGT T...

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 615 F-D

Pourvoi n° H 23-21.051




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025

1°/ Le comité social économique de la société Thales services numériques, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ le syndicat CGT Thales services numériques, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° H 23-21.051 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant à la société Thales services numériques, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social économique de la société Thales services numériques, de la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT et du syndicat CGT Thales services numériques, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Thales services numériques, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mai 2023), les organisations syndicales représentatives au niveau du groupe Thales et la direction ont conclu, le 23 mars 2018, un accord-cadre sur le télétravail, succédant à celui qui avait été conclu le 24 avril 2015.

2. En application de cet accord-cadre, les organisations syndicales représentatives au sein de la société Thales services numériques (la société) et la direction de l'entreprise ont conclu un accord collectif relatif au télétravail, le 17 octobre 2018.

3. Dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19 et du confinement décidé à compter du 17 mars 2020, les entreprises ont été incitées à recourir au télétravail.

4. A la suite de questionnements des représentants du personnel du comité social et économique de la société (le comité social et économique) sur les dispositions de l'accord du 17 octobre 2018 excluant les salariés en télétravail du bénéfice des titres-restaurant, le secrétaire du comité social et économique a été mandaté lors d'une réunion extraordinaire du comité social et économique en date du 2 juin 2020 afin d'assigner la société.

5. Un accord-cadre a été signé au sein du groupe Thales le 17 décembre 2020, à effet du 19 décembre 2020, excluant la prise en charge des frais de restauration des télétravailleurs.

6. Soutenant que la société ne respectait pas le principe d'égalité de traitement entre les télétravailleurs et les salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise, prévu par l'article L. 1222-9 du code du travail, l'article 4 de l'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 et les accords datés du 23 mars et du 17 octobre 2018, le comité social et économique, la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT (la fédération GMM-CFDT), le syndicat national de l'encadrement des professions de l'informatique CFE-CGC (SNEPIE CFE-CGC) et le syndicat CGT Thales services numériques (le syndicat CGT) ont saisi, le 3 février 2021, le tribunal judiciaire afin d'ordonner à la société de respecter le principe d'égalité de traitement entre les télétravailleurs et les salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise en régularisant la situation de tous les salariés en télétravail privés de tickets restaurant pendant les jours de télétravail, sous astreinte et de condamner la société à payer certaines sommes au comité social et économique et à chaque organisation syndicale à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur la distribution de tickets restaurant aux télétravailleurs et des informations erronées fournies au comité social et économique.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La Fédération GMM-CFDT et le syndicat CGT font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande d'ordonner à la société de respecter le principe d'égalité de traitement entre les télétravailleurs et les salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise en régularisant la situation de tous ses collaborateurs en télétravail privés de titres-restaurant pendant leurs jours de télétravail, et ce, sous astreinte, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de régulariser l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte ; qu'en déclarant irrecevable la demande des syndicats tendant à la régularisation de la situation des collaborateurs privés de tickets restaurant pendant leurs jours de télétravail sous astreinte en violation du principe d'égalité de traitement, quand les syndicats se contentaient de demander à ce qu'il soit mis fin à l'irrégularité résultant de la décision de refus de portée collective de l'employeur privant les salariés des titres de ticket restaurant pendant leurs jours de télétravail, ce dont il résultait que leur action, qui ne se rapportait pas à l'intérêt individuel de chaque salarié concerné mais à la défense de l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, et tendait à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, était dès lors recevable, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'il en résulte qu'un syndicat est recevable à voir ordonner à l'employeur de régulariser la situation de salariés ayant été privés d'un avantage social en violation du principe d'égalité de traitement, dès lors que cette action ne tend pas à la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés ; qu'en déclarant irrecevable la demande des syndicats tendant à la régularisation de la situation de tous les collaborateurs de la société Thales services numériques privés de tickets restaurant pendant leurs jours de télétravail en violation du principe d'égalité de traitement sous astreinte de 1 500 euros par salarié, quand leur action ne visait pas à la reconstitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

9. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.

10. La cour d'appel, qui a constaté que les syndicats demandaient de régulariser sous astreinte la situation des salariés privés de titres-restaurant pendant les jours de télétravail, demande relevant de l'intérêt individuel des salariés concernés, en a exactement déduit que leur action était irrecevable.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis

Enoncé des moyens

12. Par un deuxième moyen, le comité social et économique fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable, faute de démontrer son intérêt et sa qualité à agir, en ses demandes de constater que la société n'a pas respecté le principe d'égalité de traitement entre les télétravailleurs et les salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise et de la condamner à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur la distribution de tickets restaurant aux télétravailleurs, alors « que le comité social et économique a qualité et intérêt à agir en justice pour faire constater la violation par l'employeur de dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles de nature à affecter les conditions d'emploi et de travail du personnel de l'entreprise et obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice en résultant ; qu'à ce titre, il a qualité et intérêt à agir pour voir constater un manquement de l'employeur au principe d'égalité de traitement dans l'attribution de tickets restaurant entre les télétravailleurs et les autres salariés et au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions y afférentes ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-5, L. 2315-23 et L. 3262-1 du code du travail. »

13. Par un troisième moyen, le comité social et économique fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable, faute de démontrer son intérêt et sa qualité à agir, en sa demande de condamnation de la société à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant des informations erronées qui lui ont été fournies, alors « que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que le comité social et économique a qualité et intérêt à agir en justice pour obtenir la réparation du préjudice découlant de la violation de l'une des prérogatives que la loi lui confère, quand bien même il n'alléguerait pas d'une fraude ; qu'en déclarant le comité social et économique irrecevable à demander le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des informations erronées qui lui ont été délivrées relatives à l'attribution des tickets restaurant aux télétravailleurs, motif pris qu'il n'avait pas allégué d'une fraude aux votes émis lors de sa consultation, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2312-8, L. 2312-5, L. 2315-23 et L. 3262-1 du code du travail. »



Réponse de la Cour

14. Le comité social et économique ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir d'exercer une action en justice au nom des salariés ou de se joindre à l'action de ces derniers, lorsque ses intérêts propres ne sont pas en cause.

15. L'arrêt constate d'abord que le comité social et économique n'est pas signataire de l'accord d'entreprise signé le 17 octobre 2018 excluant les salariés en télétravail du bénéfice des titres-restaurant, ensuite qu'il n'est pas en charge, dans l'entreprise, de l'émission des titres-restaurant.

16. Enfin, l'arrêt constate que la question du bénéfice des titres-restaurant aux télétravailleurs a été inscrite à l'ordre du jour d'une réunion du comité social et économique du 27 mars 2018 et évoquée au titre de questions diverses de la réunion des 29 et 30 octobre 2019, mais que le comité social et économique n'allègue pas de l'existence d'une fraude sur des votes émis par lui à ce sujet, faisant ainsi ressortir qu'il ne fondait pas sa demande de dommages-intérêts sur une consultation irrégulière.

17. La cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action du comité social et économique était irrecevable.

18. Les moyens ne sont, dès lors, pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT, le syndicat CGT Thales services numériques et le comité social et économique de la société Thales services numériques aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-21.051
Date de la décision : 04/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 06


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 04 jui. 2025, pourvoi n°23-21.051


Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.21.051
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